Pas de raison de ne pas lutter contre la grippe pendant la grossesse

Chez les femmes enceintes, l’utilisation du médicament antiviral oseltamivir (Tamiflu®) en cas de grippe et la vaccination contre la souche H1N1 ne sont pas associées à un risque d’effet délétère pour l’enfant à naître. Telle est la conclusion de deux études observationnelles menées en France.

© Inserm, M. Rosa-Calatrava, E. Errazuriz Etude du virus de la grippe

Ni l’utilisation d’oseltamivir (Tamiflu®), ni la vaccination contre le virus de la grippe A(H1N1) pendant la grossesse n’ont d’impact sur la naissance et la santé des nourrissons à naître. C’est ce que révèlent deux études menées par le service de Pharmacologie clinique et médicale du CHU de Toulouse qui étudie l’impact de la prise de médicaments au cours de la grossesse. 

Ces deux médicaments sont en effet recommandés chez la femme enceinte afin de réduire les risques d’infection et de complications liés à la grippe (hospitalisations, fausses-couches ou encore accouchements prématurés). L’oseltamivir a une action controversée et modérée (il permet de limiter la durée des symptômes de 24h s’il est pris au début de l’infection) mais il est toutefois recommandé, en prévention ou en cas de grippe au cours de la grossesse. Le vaccin protégeant contre la souche virale H1N1, développé lors de l’épidémie mondiale de l’hiver 2009–2010, avait lui aussi été préconisé chez la femme enceinte à partir du second trimestre de gestation. De plus, cette souche est actuellement toujours incluse dans le vaccin saisonnier contre la grippe. 

Compte tenu du peu de données disponibles sur l’utilisation de ces produits dans ce contexte, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a demandé au service du CHU de Toulouse d’évaluer leur sécurité d’emploi en situation réelle. 

Informations complémentaires

Une base de données très riche

« Au moment de la mise sur le marché d’un médicament, nous ne disposons pas de données de sécurité concernant les femmes enceintes. Les études cliniques sur cette catégorie de personnes sont quasi-inexistantes pour des raisons éthiques. Seules des informations émanant d’essais chez l’animal sont accessibles, et elles ne sont pas toujours extrapolables. C’est pourquoi il est nécessaire de pouvoir conduire des études a posteriori, et de façon indépendante vis à vis des sociétés qui commercialisent ces produits », explique Isabelle Lacroix*, coordinatrice de ces travaux. 

Pour réaliser cette évaluation, les chercheurs ont utilisé la base de données EFEMERIS (Evaluation chez la Femme Enceinte des MEdicaments et de leurs RISques), permettant de recouper les prises de médicaments et les vaccinations contre la grippe H1N1 au cours de la grossesse avec le déroulement de celle-ci et l’état de santé des nourrissons. Cette base inclut les délivrances de médicaments enregistrées par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, les certificats de santé obligatoires des enfants (à 8 jours, 9 et 24 mois) recueillis par le Centre de protection maternelle et infantile (PMI), les données d’interruptions médicales de grossesses (le plus souvent pour des raisons malformatives) recueillies auprès du Centre de diagnostic anténatal du CHU de Toulouse et les interruptions de grossesse (IVG, morts in utero…) enregistrées au PMSI (Programme Médicalisé des Systèmes d’Information) du CHU de Toulouse. Cette base inclut actuellement près de 79 000 couples « mère-issues de grossesse ». 

Des données rassurantes

Les chercheurs ont ainsi pu étudier l’impact de la prise d’oseltamivir pendant des grossesses menées entre 2004 et 2010 en Haute-Garonne (près de 50 000 femmes incluses), et l’utilisation du vaccin au cours de l’hiver 2009–2010. « Dans les deux cas, les résultats sont tout à fait rassurants. Bien que qu’un effectif de quelques milliers de femmes pour évaluer la sécurité du vaccin soit un peu juste pour détecter un risque de malformation rare, ces résultats ne montrent aucune association entre l’utilisation de ces produits et un risque de fausse-couche, de prématurité, de faible poids de naissance, de pathologie néonatale ou encore de malformation », conclut Isabelle Lacroix. 

Note

*unité 1027 Inserm/Université de Toulouse III, Paul Sabatier, Faculté de médecine Purpan, Toulouse 

Source

A Beau et coll. Pandemic A/H1N1 influenza vaccination during pregnancy : A comparative study using the EFEMERIS database. Vaccine du 5 mars 2014, vol 32 (11), pp. 1254–1258 
A Beau et coll. Safety of oseltamivir during pregnancy : a comparative study using the EFEMERIS database. BJOG, édition en ligne du 11 février 2014