AccueilActualitéScienceNanoparticules de polystyrène : un risque pour le cerveau ?Nanoparticules de polystyrène : un risque pour le cerveau ? Publié le : 28/08/2025 Temps de lecture : 5 min Actualité, ScienceUn travail mené par deux équipes Inserm indique que l’exposition permanente aux nanoparticules de polystyrène, intra utero et après la naissance, est associée à des troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité chez les souriceaux. Chez les animaux adultes, elle semble augmenter la susceptibilité à l’épilepsie et accélérer le vieillissement du cerveau. Si ces résultats doivent encore être confirmés et ne peuvent être directement extrapolés au cas des humains, ils invitent à la prudence et à une réduction de nos expositions aux nanoplastiques.Les particules de plastique sont partout. Avec une production mondiale qui a atteint 400 millions de tonnes en 2019 pour des usages très variés, ce matériau a désormais contaminé tous les milieux : eaux, sols, air. Au-delà des objets abandonnés dans la nature, la diffusion des micro- et des nanoparticules qui résultent de leur dégradation ou de leur abrasion pose questions. En effet, nous sommes amenés à boire, ingérer et respirer ces particules. Et les plus petites pénètrent jusque dans nos cellules. Ainsi, leur présence a été détectée dans la peau humaine, les cheveux, la salive, les selles, le sang et même dans des organes comme les poumons, le cœur ou le cerveau. Elles ont également été retrouvées dans le placenta et le lait maternel, suggérant une contamination de la mère à l’enfant au cours de la grossesse et après la naissance. Mais si l’évaluation des conséquences sanitaires de cette contamination généralisée a débuté, elle reste encore très parcellaire.Des liens à explorerDans ce cadre, une collaboration entre deux équipes Inserm vient d’apporter des données sur les effets de l’exposition continue de souris à des particules nanométriques de polystyrène au cours du développement embryonnaire et après la naissance. « Des travaux avaient déjà établi un lien entre l’exposition aux polluants environnementaux et l’augmentation de l’incidence des troubles du neurodéveloppement tels que les troubles du spectre autistique (TSA) et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) », explique Véronique Perrier, directrice de recherche à l’Institut des neurosciences de Montpellier. Une observation qui fait écho à l’augmentation de l’incidence de ces troubles chez les enfants retrouvée par certaines études ces dernières années. « Nous avons émis l’hypothèse que l’exposition précoce aux nanoparticules de polystyrène pourrait contribuer à la survenue de troubles neurodéveloppementaux. Avec notre étude, nous avons cherché à caractériser l’impact de l’exposition à ces nanoplastiques sur le neurodéveloppement, le vieillissement cérébral et les comportements associés. » Si l’équipe a choisi d’utiliser spécifiquement des particules de polystyrène, c’est non seulement parce qu’elles sont largement présentes dans l’environnement, mais aussi parce qu’elles sont commercialisées sous forme de nanoparticules, facilitant la conduite de cette étude.Plus d’hyperactivitéConcrètement, les chercheurs ont quotidiennement ajouté des nanoparticules de polystyrène à l’eau de boisson de souris femelles pour atteindre un niveau d’exposition équivalent à celui retrouvé chez l’humain (10 µg/kg de poids corporel par jour), et ce avant, pendant et après leur gestation. Un groupe d’animaux témoin buvait la même eau sans nanoplastique. Les chercheurs ont ensuite étudié le comportement des souriceaux des femelles exposées, via différents tests d’évaluation des relations sociales et des fonctions motrices et cognitives. Ils ont également observé leurs cerveaux par microcopie électronique et analysé l’expression des gènes dans leurs cellules cérébrales.Chez les jeunes souris exposées in utero, les tests comportementaux ont révélé une hyperactivité avec une prise de risque accrue et des défauts d’apprentissage. « Les résultats sont similaires à ceux obtenus avec un modèle de souris génétiquement modifiées pour développer un TDAH, appuyant ce diagnostic », estime Jérôme Becker, chercheur Inserm à l’université de Tours. Ces comportements étaient en outre associés à une modification de l’expression de différents gènes dans le cerveau. Plusieurs sont impliqués dans des mécanismes dont l’altération est corrélée au TDAH.Un vieillissement cérébral accéléréCes animaux ont continué à être exposés aux nanoplastiques tout au long de leur vie. Chez les souris vieillissantes, cette exposition continue depuis leur conception était associée à d’autres anomalies cérébrales : d’une part un abaissement du seuil à partir duquel un agent chimique épileptogène déclenche une crise d’épilepsie, et d’autre part des perturbations dans la synthèse de protéines impliquées dans la transmission de signaux nerveux (protéines synaptiques). Les chercheurs ont également constaté un vieillissement cérébral précoce, matérialisé par l’accumulation de granules remplies des débris cellulaires et par la perturbation du fonctionnement des lysosomes, des structures chargées de « nettoyer » les cellules.S’il est difficile à ce stade d’expliquer comment les nanoparticules de polystyrène conduiraient à ces effets, les chercheurs proposent des pistes : « La présence de ces nanoparticules dans le cerveau pourrait altérer les neurones et les transmissions d’information d’une cellule nerveuse à l’autre, ou encore modifier des voies métaboliques, induisant des anomalies fonctionnelles et un vieillissement prématuré », suggère Véronique Perrier.Principe de précautionBien sûr, ces premiers résultats ne peuvent être extrapolés tels quels à la situation rencontrée par les humains, « d’autant plus que la souris pourrait être plus sensible que nous à ces expositions », précise Julie Le Merrer, chercheuse dans même équipe tourangelle que Jérôme Becker. Toutefois, ces observations complètent des données déjà connues sur les effets des polluants environnementaux sur la santé, notamment ceux des plastiques, et invitent à la prudence. « À titre préventif, il serait utile de réduire les expositions aux plastiques, non seulement des futures mères et des nourrissons, mais aussi de tous tout au long de la vie. Il existe des règlementations et des seuils concernant les métaux lourds ou les pesticides. Mais pour les plastiques, rien de tel à ce jour », rappelle-t-elle.Les chercheurs comptent bien poursuivre ce travail, notamment en étudiant les effets de mélanges de nanoparticules. Une démarche qui s’inscrit dans une dynamique internationale, avec une Commission européenne qui encourage actuellement à produire des données sur ces expositions dans le cadre d’appels à projets.Jérôme Becker est chercheur Inserm et Julie Le Merrer est directrice de recherche CNRS dans l’équipe Psychiatrie expérimentale et translationnelle au sein de l’unité iBrain (unité 1253 Inserm/Université de Tours), à Tours. Véronique Perrier est directrice de recherche CNRS dans l’équipe Protéinopathies à l’Institut des neurosciences de Montpellier (INM, unité 1298 Inserm/Université de Montpellier).Source : A. Vignon et coll. Lifelong exposure to polystyrene-nanoplastics induces an attention-deficit hyperactivity disorder-like phenotype and impairs brain aging in mice. J Hazard Mater, mai 2025 ; doi :10.1016/j.jhazmat.2025.138640Autrice : A. R.À lire aussi Inserm Magazine n°65Magazine Polluants éternels – C’est quoi les PFAS ?C’est quoi La petite fille et les polluantsPodcast