Migraine : un modèle animal reproduit les différences de sévérité entre les deux sexes

Les femmes et les hommes ne sont pas égaux face à la migraine. À Clermont-Ferrand, une équipe Inserm a mis au point un modèle animal de la maladie qui reproduit cette inégalité, notamment concernant l’apparition des symptômes sensoriels associés. Ce modèle d’étude devrait permettre d’accélérer les recherches sur les mécanismes sous-jacents et de conduire ainsi au développement de nouvelles thérapeutiques antimigraineuses.

La migraine touche trois fois plus de femmes que d’hommes et ses symptômes peuvent se manifester différemment selon le sexe. C’est le cas de l’hypersensibilité sensorielle à la lumière ou au toucher, souvent plus sévère chez les femmes. En cas de crises, les malades peuvent en effet développer une photophobie qui les oblige à se mettre dans le noir, ou souffrir d’une gêne en cas de simples contacts avec des objets quotidiens, en se rasant, en se coiffant, ou même en portant certains vêtements. « Ces hypersensibilités sensorielles comptent parmi les caractéristiques les plus fréquentes de la migraine. En cas de forme chronique de la maladie (au moins 15 jours de maux de tête par mois), elles deviennent persistantes et altèrent significativement la qualité de vie », explique Cristina Alba Delgado, chercheuse dans l’unité Neuro-Dol à Clermont-Ferrand.

Avec des membres de son équipe, elle a étudié la chronologie d’apparition de ces symptômes sensoriels en fonction du sexe dans un nouveau modèle de souris migraineuse. Dans ce modèle, la migraine est déclenchée par l’administration d’un médicament utilisé pour traiter l’insuffisance cardiaque : l’ISDN (ou dinitrate d’isosorbide). « Ce médicament déclenche des céphalées chez certains patients par ailleurs migraineux, clarifie Cristina Alba Delgado, c’est pourquoi nous avons pensé à l’utiliser pour nos travaux. Les autres laboratoires ont souvent recours à un produit proche : la nitroglycérine. Elle permet bien de modéliser des crises de migraine mais présente certains inconvénients techniques : elle contient de l’alcool qui pourrait induire des effets indésirables et son utilisation s’accompagne de difficultés logistiques liées à son stockage et son obtention en France », précise-t-elle.

Dimorphisme sexuel

L’équipe a administré une seule dose d’ISDN à des souris pour simuler une crise aiguë de céphalée, ou bien des doses répétées pendant trois jours afin de modéliser le processus de chronicisation de la migraine. Dans les deux cas, la survenue de crises migraineuses chez les animaux traités a été vérifiée en testant leur sensibilité à la lumière et au toucher.

Après une injection unique d’ISDN, une hypersensibilité à la lumière est observée exclusivement chez les femelles. Ce symptôme se développe plus tôt et persiste plus longtemps que l’hypersensibilité cutanée. Cette dernière est quant à elle transitoire et concerne également les souris mâles. L’administration d’un triptan, un médicament qui bloque la survenue des crises de migraine, a efficacement empêché la survenue de ces symptômes chez les femelles comme chez les mâles.

L’administration répétée d’ISDN a déclenché des crises spontanées et régulières, qui se sont répétées pendant plusieurs semaines chez les femelles, mais seulement pendant quelques jours chez les mâles : une observation qui confirme la plus grande susceptibilité du sexe féminin à développer une migraine chronique. Cette chronicisation a entraîné des hypersensibilités à la lumière et cutanées persistantes chez les animaux des deux sexes, mais plus sévères chez les femelles. L’utilisation de propranolol, un traitement de fond qui réduit la fréquence des céphalées chez près de 60 % des patients, a prévenu la chronicisation de l’hypersensibilité à la lumière et au toucher, avec une efficacité supérieure chez les mâles.

Modèle validé

« L’ensemble de ces résultats reproduit ce que l’on observe chez les humains, constate Cristina Alba Delgado. Les femmes souffrent de crises de migraine plus sévères, et répondent moins bien aux traitements. Elles présentent une hypersensibilité sensorielle plus forte et un risque de chronicisation plus élevé que les hommes. » Ce travail a donc permis de valider un bon modèle animal, qui reproduit des manifestations de la migraine observées chez les patients. Il confirme en outre l’importance de prendre en compte les différences entre les sexes lors des recherches et dans les stratégies de traitement de la migraine. « Avec ce modèle d’étude, notre objectif est maintenant de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent cette maladie pour développer de nouvelles thérapeutiques », conclut la chercheuse.


Cristina Alba Delgado est chercheuse dans l’équipe Douleur trigéminale et migraine au sein de l’unité Neuro-Dol (unité 1107 Inserm/Université de Clermont-Auvergne), à Clermont-Ferrand.


Source : M. Raquin et coll. Sex influences the progression of cephalic mechanical and light hypersensitivities in a mouse model of chronic migraine. Headache. 25 juillet 2025 ; doi :10.1111/head.15015

Autrice : A. R.

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