Maladies auto-immunes et inflammatoires : un frein immunitaire à lever pour les traiter ?

Il existe dans l’organisme des cellules immunitaires impliquées dans le contrôle des maladies auto-immunes et inflammatoires : on les appelle les Treg. Au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, l’équipe de Magali Irla a découvert un frein naturel à leur production. Il constitue dès lors une nouvelle cible thérapeutique à tester pour lutter contre ces maladies.

Aux frontières territoriales, il existe des points de contrôle où les voyageurs sont autorisés à passer ou sont au contraire parfois refoulés. Il en est de même dans le système immunitaire : des « checkpoints » sont en place pour déterminer si une cellule immunitaire doit s’engager dans un processus ou non. Au fur et à mesure de leur découverte, nombre d’entre eux sont devenus des cibles thérapeutiques, notamment en cancérologie. Au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, l’équipe de la chercheuse Inserm Magali Irla vient d’en décrire un nouveau : le premier impliqué dans l’inhibition du développement d’une population particulière de lymphocytes, les Treg. Il s’agit d’une avancée majeure car ces cellules jouent un rôle clé dans le contrôle des réponses immunitaires et des maladies auto-immunes : sclérose en plaques, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici), arthrite, ou encore diabète de type 1… Cette famille de maladies touche 5 à 10 % de la population.

Régulateur du système immunitaire

Les Treg sont des acteurs majeurs de la tolérance immunitaire. Pour bien comprendre leur fonction, il faut revenir aux fondamentaux. Notre système immunitaire a la capacité de discriminer le soi du non-soi, une distinction indispensable pour prévenir l’attaque de nos propres tissus. Ce processus repose sur l’élimination spontanée, au moment de leur formation dans le thymus, des cellules immunitaires dites autoréactives, qui identifient certaines cellules de l’organisme comme étant étrangères. Toutefois, une partie des cellules autoréactives parviennent à s’échapper : elles passent alors dans la circulation sanguine et peuvent entraîner des dégâts sur différents tissus. C’est là qu’interviennent les cellules Treg. Également produites dans le thymus, elles vont débusquer les évadées et contrôler leur action pour maintenir la tolérance immunitaire. Ces cellules permettent d’atténuer les réponses immunitaires en cas d’emballement, et jouent ainsi un rôle protecteur contre les maladies auto-immunes et inflammatoires. D’ailleurs, des essais cliniques en cours consistent à administrer des cellules Treg aux patients pour contrôler certaines de ces maladies.

Une nouvelle cible thérapeutique

C’est en travaillant sur ces cellules que l’équipe de Magali Irla a découvert un mécanisme qui freine leur production dans le thymus. Les chercheurs se sont intéressés à une protéine membranaire appelée lymphotoxine, surexprimée dans des cellules précurseurs destinées à devenir des Treg fonctionnelles. Ils ont constaté qu’elle avait la capacité d’inhiber la formation de nouveaux Treg et décrit les mécanismes moléculaires associés à cette activité. L’équipe marseillaise a ensuite montré, chez la souris, que supprimer cette protéine aboutit à une production très abondante de Treg dans le thymus.

Grâce à cette découverte, une nouvelle approche thérapeutique pour lutter contre certaines maladies auto-immunes se dessine : cibler le checkpoint que constitue la production de la lymphotoxine pour augmenter la production des Treg dans le thymus. « Ce mécanisme régulateur concerne un seul type de précurseurs de Treg sur les deux existants, détaille Magali Irla. Les cellules en question donnent des Treg davantage impliqués dans le contrôle de l’inflammation intestinale. Nous disposons de données chez l’humain qui confirment ces résultats. » L’équipe va donc tester cette piste dans l’espoir de développer des traitements plus ciblés contre certaines maladies auto-immunes ou inflammatoires. Leurs premiers essais consisteront à inhiber la lymphotoxine dans des modèles de souris qui présentent des colites, c’est-à-dire des inflammations sévères du colon. 


Magali Irla, chercheuse Inserm, dirige l’équipe Tolérance immunitaire et différenciation des cellules T au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML, unité 1104 Inserm/CNRS/Aix-Marseille Université).


Source : A. Borelli et coll. Lymphotoxin limits Foxp3+ regulatory T cell development from Foxp3lo precursors via IL‑4 signaling. Nat Commun 15, 6976 (2024) ; DOI : 10.1038/s41467-024–51164‑5

Autrice : A. R.

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© Benoit Chassaing/Institut Cochin/Inserm.licence CC-BY-NC 4.0 international
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