Les acariens suspectés d’induire le vitiligo chez certains patients

L’exposition aux acariens pourrait être le facteur déclenchant du vitiligo chez certains individus. Bien que bénigne, cette maladie auto-immune caractérisée par des dépigmentations de la peau est souvent un fardeau psychologique pour les patients. Ses mécanismes biologiques sont de mieux en mieux connus, mais ses causes restent à éclaircir pour améliorer la prévention et limiter le risque de rechute. Dans cette quête, une équipe Inserm du Centre méditerranéen de médecine moléculaire, à Nice, vient de marquer des points.

Le vitiligo est une maladie liée à un dysfonctionnement du système immunitaire (maladie auto-immune), au cours de laquelle des taches blanches apparaissent sur la peau. Ce phénomène est dû à la disparition des mélanocytes, les cellules de l’épiderme qui produisent la mélanine, le principal pigment qui colore la peau. Les dépigmentations peuvent survenir à n’importe quel moment de la vie, à n’importe quel âge, quelle que soit la couleur de la peau et sur toutes les parties du corps y compris au niveau du visage. La maladie est considérée comme bénigne, néanmoins, ses répercussions psychologiques peuvent être considérables.

La perte des mélanocytes est entretenue par le système immunitaire et implique notamment les lymphocytes T CD8. Cependant, la cause initiale du vitiligo reste énigmatique. Dans certains cas, un stress – mécanique (un choc violent, par exemple), psychologique, ou physiologique (grossesse, chirurgie, infection…) – précède l’apparition de la maladie. Le rôle de facteurs environnementaux est également suspecté, avec parmi eux celui des acariens : « Ces organismes microscopiques peuvent déclencher des allergies, et cela nous a conduit à soupçonner qu’ils pourraient avoir un lien avec les anomalies du système immunitaire observées dans le vitiligo. En outre, les acariens produisent un grand nombre de protéases, des protéines qui en dégradent d’autres. Or le détachement des mélanocytes de la peau des patients passe par la destruction des E‑cadhérines, des protéines qui permettent aux cellules d’adhérer les unes aux autres », explique Méri Tulic, chercheuse Inserm au Centre méditerranéen de médecine moléculaire à Nice.

Pour tester l’hypothèse d’un rôle des acariens dans le déclenchement du vitiligo, son groupe de recherche – dont notamment Hanene Bzioueche, premier auteur de ces travaux – a eu recours à des échantillons d’épiderme prélevés à des patients atteints de vitiligo et à des volontaires non atteints. Les chercheurs les ont exposés à des acariens.

Des peaux prédisposées

Dans tous les échantillons, cette mise en contact a provoqué la sécrétion de plusieurs molécules d’inflammation (chimiokines et cytokines) et une augmentation de la concentration en protéases, avec des réponses dose-dépendantes : plus la quantité d’acariens utilisée pour l’expérience était élevée, plus les concentrations en cytokines et en protéases étaient fortes. « Les analyses moléculaires ont confirmé qu’une protéase d’acarien appelée Der p1 détruit la E‑cadhérine dans l’épiderme et provoque le détachement des mélanocytes, ajoute la chercheuse. Et si ce phénomène a été observé dans tous les échantillons, il était environ cent fois plus important dans ceux issus de patients atteints de vitiligo qu’avec les prélèvements de peaux non malades. Il y aurait donc une susceptibilité accrue de certaines peaux aux acariens, avec des jonctions cellulaires plus fragiles au niveau de l’épiderme et un système immunitaire plus réactif », décrypte-t-elle.

Pour Méri Tulic, ces résultats donnent un aperçu de la façon dont un déclencheur environnemental peut contribuer à l’induction de poussées de vitiligo et à l’aggravation de la maladie. « Reste à savoir si les patients allergiques aux acariens pourraient constituer un sous-groupe de personnes particulièrement vulnérables au vitiligo, plus à risque de développer cette maladie et sous une forme plus sévère », précise-t-elle.

Dans un second temps, et compte tenu du potentiel de cette découverte en matière de prévention, l’équipe a testé un moyen de protéger l’épiderme : l’utilisation d’une crème à base de céramides, des lipides naturellement présents dans la peau et importants pour le fonctionnement normal de la barrière cutanée. Appliqués sur des échantillons de peau après mise en contact avec des acariens, cette crème a permis de réduire les effets délétères des acariens sur l’épiderme, avec une réduction de l’inflammation et de la perte des mélanocytes. « L’effet est tout à fait significatif et associé à une consolidation de la barrière cutanée », rapporte Méri Tulic. Ce traitement pourrait être utilisé par des personnes atteintes de vitiligo pour limiter la progression de la maladie et/ou éviter des rechutes après un traitement qui a permis l’obtention d’une repigmentation des lésions.


Méri Tulic est chercheuse dans l’équipe de Thierry Passeron, au Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M, unité 1065 Inserm/Université Côte d’Azur), à Nice.


Source : H Bzioueche et coll. Impact of House-Dust-Mite in Vitiligo Skin : Environmental Contribution to Increased Cutaneous Immunity and Melanocyte Detachment. Br J Dermatol, 4 mai 2023 ; doi : 10.1093/bjd/ljad148 ; H Bzioueche et coll. Ceramide AD™ Restores Skin Integrity and Function following Exposure to House Dust Mite. Int J Mol Sci, 25 mai 2023 ; doi : 10.3390/ijms24119234

Auteur : A. R.

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