Vitiligo

Une dermatose bénigne dont l’impact psychologique est parfois considérable

Le vitiligo est une maladie acquise, au cours de laquelle des taches blanches apparaissent sur la peau. Ces dépigmentations sont plus ou moins évolutives, et plus ou moins généralisées. Si le vitiligo est considéré comme une maladie bénigne, ce classement est relativisé par son puissant retentissement sur la psychologie et la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Cet impact a favorisé le développement de la recherche. Aujourd’hui, le rôle de l’auto-immunité dans le développement de la maladie est démontré, et des traitements plus efficaces peuvent être proposés.

Dossier réalisé en collaboration avec Thierry Passeron (hôpital Archet, CHU Nice), unité Inserm 1065 / Université Nice Sophia Antipolis 

Comprendre le vitiligo

Le vitiligo est une dermatose qui se présente sous l’aspect d’une dépigmentation progressive de la peau. Cette achromie s’explique par la perte des mélanocytes qui synthétisent normalement la mélanine, le principal pigment colorant la peau. 

Le vitiligo peut prendre deux formes. Dans la forme segmentaire, la moins fréquente, la dépigmentation est unilatérale (elle ne concerne qu’un seul côté du corps) et circonscrite à une zone bien délimitée de la peau. Ses dimensions peuvent être variables. Mais, le plus souvent le vitiligo est dit non segmentaire : dans ce cas, tout le corps peut être touché. Le vitiligo non segmentaire débute généralement avec l’apparition d’une simple tache blanche, puis évolue de façon très variable au cours du temps. Le visage, les mains et les pieds sont généralement les premières zones atteintes. Ensuite, les lésions se développent de façon bilatérale et symétrique ailleurs sur le corps. Des démangeaisons (prurit) peuvent annoncer l’apparition de nouvelles tâches. Celles-ci peuvent finir par recouvrir tout le corps : on parle alors de vitiligo universalis. Parfois, les mélanocytes des poils sont également touchés : les poils et cheveux sont alors blancs et on parle de leucotrichie. Il existe, en outre, une forme clinique rare de vitiligo, dans laquelle les dépigmentations sont localisées uniquement au niveau des muqueuses. 

Le vitiligo est une maladie souvent méconnue mais relativement fréquente : on estime que 0,5 à 1% de la population mondiale est touchée, quel que soit le sexe, le type ou la couleur de peau. Des prédispositions familiales existent : une personne ayant un parent de premier degré atteint a 5 à 8% de risque de développer également la maladie. 

S’il apparaît souvent à l’âge adulte, le vitiligo peut aussi apparaître dès l’enfance. Des formes congénitales existent également, même si elles sont exceptionnelles. 


Le mécanisme de pigmentation

Il existe deux principaux pigments de la peau, ou mélanines : les eumélanines qui sont brun noir et les phéomélanines brun clair. Les eumélanines protègent la peau de l’effet des rayonnements UV. Plus elles sont concentrées, plus la peau est brune. Les phéomélanines ne sont pas photoprotectrices ; au contraire, elles peuvent être délétères pour la peau en participant au stress oxydatif qui accélère le vieillissement cutané et favorise l’apparition d’espèces réactives de l’oxygène, potentiellement cancérigènes.
L’épiderme est le siège de la pigmentation : il contient des mélanocytes, cellules en charge de synthétiser les mélanines. Ensuite, ces dernières sont transférées dans les kératinocytes, cellules majoritaires de l’épiderme dont le rôle est de former un revêtement protecteur. Chez les personnes atteintes de vitiligo, la peau est dépourvue de mélanocytes. La mélanine n’est donc ni produite, ni présente dans les kératinocytes épidermiques. En revanche, des précurseurs des mélanocytes (les mélanoblastes) sont présents plus profondément, au niveau du derme de la peau glabre et dans les follicules pileux : ce sont eux qui permettront de repigmenter la peau suite à un traitement (photothérapie par exemple). 


Une pathologie multifactorielle, en partie génétique

Pendant longtemps, le vitiligo a été considéré comme une maladie psychosomatique. Grâce au développement de recherches dédiées, on sait aujourd’hui qu’il n’en n’est rien : le vitiligo repose sur un mécanisme en grande partie auto-immun et une origine multifactorielle, à la fois génétique et non génétique. 

Une quinzaine de gènes de susceptibilité ont d’ores et déjà été associés au vitiligo : HLA, CTLA4, NLRP1, TYR… certains sont impliqués dans la pigmentation de la peau, d’autres sont liés au fonctionnement du système immunitaire ou à l’apparition de maladies auto-immunes. Ceci expliquerait pourquoi 15 à 20% des personnes atteintes de vitiligo généralisé souffrent parallèlement d’une hypo- ou d’une hyperthyroïdie auto-immune (thyroïdite de Hashimoto, maladie de Basedow). De façon moins fréquente, d’autres maladies auto-immunes peuvent lui être associées, comme la polyarthrite rhumatoïde, le diabète de type 1 ou les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin… 

Les personnes portant un ou plusieurs gènes de susceptibilité ont plus de risque de développer la maladie, mais elles ne seront pas systématiquement atteintes. Les facteurs déclenchant le processus immun restent encore méconnus. On sait cependant que le stress, au sens médical du terme, peut favoriser l’apparition ou l’aggravation du vitiligo : stress psychologique, mais aussi stress physiologique lié à une grossesse, à un acte chirurgical, à une maladie aiguë… Pour autant, cet impact est relatif : tous les patients ayant un vitiligo n’ont pas été soumis à un stress et, à l’inverse, la prise en charge thérapeutique du stress ne permet pas d’améliorer le vitiligo ou d’éviter son évolution. 

Les mécanismes sous-jacents sont encore méconnus

Si la nature auto-immune du vitiligo est probable, les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore bien compris. Leur description sera nécessaire pour être en mesure de développer des traitements ciblés permettant de contrer spécifiquement l’évolution de la maladie et de repigmenter les lésions. 

Aujourd’hui, il est établi que l’épiderme des régions touchées par le vitiligo ne présente plus de mélanocytes. Les données actuelles soulignent essentiellement le rôle de l’immunité cellulaire et plus particulièrement celui des lymphocytes T, dans la destruction spécifique des cellules mélanocytaires. Une des voies de signalisation cellulaire, la voie IFN-gamma / JAK / CXCL10, semble jouer un rôle clef. Elle constituerait une cible potentielle pour bloquer l’évolution de la maladie. 

Des données récentes soulignent cependant que la réaction immunitaire est absente dans la peau complètement dépigmentée. Les peaux vitiligineuses présentent en revanche, une altération dans une autre voie de signalisation, la voie de Wnt. Cette dernière semble essentielle à la différenciation des cellules souches mélanocytaires en mélanocytes producteurs de pigments. La diminution d’activité de la voie Wnt serait ainsi un frein majeur à la repigmentation de la peau atteinte. La stimulation de cette voie par les médicaments appliqués localement pourrait ainsi permettre de repigmenter les plaques de vitiligos, notamment dans les zones qui répondent mal aux traitements physiques (photothérapie), comme les mains et les pieds. 

Concernant les différences entre vitiligo segmentaire et vitiligo généralisé, elles restent encore mal comprises. Cependant, des altérations spécifiques de mélanocytes dans une zone localisée de la peau pourraient expliquer les formes segmentaires ; ces anomalies surviennent probablement lors du développement embryonnaire. 

Un diagnostic simple mais une évolution difficile à prédire

Le diagnostic du vitiligo est clinique. Le recours à une biopsie cutanée est exceptionnel. 

Pour établir ce diagnostic avec certitude, l’observation des zones blanches est conduite à l’aide d’une lampe émettrice d’UVA long et de lumière bleue violette, appelée lampe de Wood. Elle permet de s’assurer de la totale dépigmentation des zones devenues blanches, ainsi que de différencier les régions ayant encore un potentiel de repigmentation de celles qui en sont dénuées. Elle peut également montrer des contours flous ou des dépigmentations en confettis, qui traduisent une forte activité de la maladie. 

La lampe de Wood aide aussi à distinguer le vitiligo d’autres pathologies qui peuvent engendrer une hypopigmentation, à l’origine d’un éclaircissement de la peau : dartres, psoriasis, eczémas…

Lorsque le diagnostic est posé, il est important que le patient comprenne bien la nature de la maladie et le principe de son traitement. Une des difficultés pour les patients est de ne pas disposer de facteur prédictif de l’extension et de la généralisation de la maladie. Seul phénomène reconnu (dit phénomène de Koebner) : l’apparition de nouvelles lésions est favorisée au niveau des cicatrices récentes, de zones lésées, ou encore de zones soumises à des frottements réguliers.

Les principales conséquences sont psychologiques

Le vitiligo n’est pas une maladie grave sur le plan médical. Contrairement à l’idée longtemps admise, le vitiligo n’augmente pas le risque de cancer de la peau : au contraire, des études épidémiologiques ont démontré que les mélanomes étaient trois fois moins fréquents chez les personnes atteintes par cette dermatose que dans la population générale. Le risque de développer des carcinomes cutanés est également diminué. Cependant, le vitiligo a un impact psychologique considérable car il est stigmatisant. Ce retentissement ne doit pas être sous-estimé. 

La demande de traitement de la part des patients est forte et doit être satisfaite. Pendant longtemps, les options thérapeutiques étaient peu nombreuses et insatisfaisantes. Depuis quelques années, des progrès ont heureusement été réalisés : s’il n’est pas possible d’empêcher la maladie d’apparaître et de se développer, on peut aujourd’hui repigmenter une part importante des lésions de vitiligo. 

Des traitements en plein essor

Du maquillage médical (proposé par des dermatologues formés) ou, dans une moindre mesure, des autobronzants, peuvent masquer les lésions bien délimitées. Mais, lorsqu’il existe une demande forte de traitement de la part des patients, il faut pouvoir proposer l’un de ceux reconnus. Il existe deux alternatives principales : des crèmes à appliquer sur les lésions et des traitements physiques par rayonnement UV. Pour les zones cutanées qui répondent classiquement mal aux traitements, il n’est pas rare de combiner ces deux approches thérapeutiques pour en potentialiser l’efficacité. La chirurgie, elle, est une alternative d’exception (cf. encadré). 

Quelle que soit l’option choisie, la repigmentation est un phénomène long et le traitement nécessite souvent 6 à 24 mois pour donner des résultats satisfaisants. La réponse varie également selon la localisation des lésions : les zones dépigmentées qui répondent le mieux sont celles présentes sur le visage alors que celles qui touchent les mains et les pieds sont les plus difficiles à repigmenter. Dans tous les cas, et malgré le succès d’un traitement, il n’est pas rare que la dépigmentation récidive et qu’il soit nécessaire de tout recommencer. 

Le choix entre crèmes et UV peut être orienté par la taille et la localisation des taches. Les crèmes pour application locale (traitements topiques) – à base de dermocorticoïdes ou de tacrolimus (hors AMM) – sont prescrites en première intention. Celles contenant des corticoïdes ne doivent cependant pas être appliquées sur le visage, ni utilisées plus de deux à trois mois, à raison de cinq jours de traitement par semaine. 

Si ces traitements topiques ne donnent pas de bons résultats, la photothérapie peut être proposée, seule ou associée aux topiques : la peau est soumise deux à trois fois par semaine à un rayonnement UVB, administré en cabine (UVB spectre étroit 311 nm), ou bien par lampe ou laser Excimer (308 nm). On les préfère désormais aux UVA (PUVAthérapie, auparavant utilisés en association avec des psoralènes), car ils présentent une meilleure efficacité et moins d’effets secondaires. 

Parallèlement, pour les personnes dont le vitiligo est quasi-généralisé, provoquer la dépigmentation des zones de peau normales peut constituer une bonne alternative : l’opération est alors conduite par traitement laser. 


La greffe mélanocytaire, une réalité

La greffe de mélanocytes autologues est une bonne solution pour le traitement des lésions stables, n’ayant pas évoluées depuis au moins un an, ainsi que pour le vitiligo segmentaire.
La procédure est simple : une petite zone de peau non dépigmentée est prélevée sous anesthésie locale et les cellules qui la composent (notamment des mélanocytes et des kératinocytes) sont mises en suspension. Dans un second temps, les lésions à traiter sont dermabrasées (retrait de l’épiderme) et la suspension y est appliquée. La reprise de la pigmentation est progressive, optimale après 3 à 6 mois. Un traitement topique ou par photothérapie peut être utilisé pour améliorer encore le résultat. 


Les enjeux de la recherche

Avec l’identification des mécanismes biologiques et moléculaires impliqués dans la physiopathologie du vitiligo, de nouveaux traitements sont aujourd’hui en développement : parmi eux, des traitements locaux à base de prostaglandine E2, d’afamélanotide, d’inhibiteurs de JAK ou encore des molécules impliquées dans la voie du CXCL10, pourraient offrir de nouvelles approches pour repigmenter les zones de vitiligo. 

Un des problèmes à régler aujourd’hui est de parvenir à repigmenter les régions de la peau au niveau desquelles la réaction immunitaire est absente (vitiligo ancien par exemple). Dans ce cas, il est nécessaire de disposer de traitements ne ciblant plus le mécanisme immunitaire délétère, mais favorisant la différenciation des cellules souches mélanocytaires. Un traitement stimulant la voie Wnt permettrait de favoriser la différenciation de nouveaux mélanocytes à partir des cellules souches dormantes. Il serait particulièrement intéressant pour les zones de la peau difficiles à repigmenter, comme les extrémités (mains, pieds). 

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