FAM72A, une protéine indispensable à la diversification de nos anticorps

La production d’anticorps extrêmement variés est un prérequis pour une immunité efficace, afin de lutter contre une grande variété d’agents infectieux. Une équipe Inserm vient de découvrir le rôle majeur de la protéine FAM72A dans ce mécanisme. Grâce à elle, d’innombrables mutations surviennent dans les gènes des immunoglobulines, générant ainsi un grand nombre d’anticorps tous différents. Cette protéine dont le niveau d’expression est anormalement élevé dans certains cancers pourrait par ailleurs être à l’origine d’anomalies génétiques qui contribuent à la progression tumorale.

L’équipe Inserm dirigée par Bernardo Reina-Saint-Martin à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire*, à Illkirch, vient de découvrir le rôle clé de la protéine FAM72A dans le mécanisme de diversification des anticorps. Ce processus est indispensable au développement d’anticorps spécifiques de chaque antigène – notamment d’origine virale ou bactérienne – détecté dans l’organisme par des cellules immunitaires sentinelles.

Les anticorps sont produits par les lymphocytes B. Lorsqu’un antigène est reconnu, une enzyme nommée AID (pour activation-induced cytidine deaminase) est activée et altère l’ADN des gènes d’immunoglobulines. La réparation de ces altérations entraîne l’apparition de mutations qui conduisent à la production d’une grande variété d’anticorps. On appelle ce phénomène « hypermutation somatique ». Un second mécanisme survient ensuite, pour accroître encore la diversité de nos anticorps : la « commutation isotypique » ou « commutation de classe ». Sous l’influence de signaux émis par les lymphocytes T, les premières immunoglobulines qui sont produites, des IgM, peuvent changer de classe et devenir des IgG, IgE ou IgA, augmentant ainsi l’éventail des anticorps présents dans l’organisme.

C’est quoi un anticorps – 1 min 15 

Réparation non fidèle

Afin de découvrir les protéines impliquées dans ces mécanismes de diversification des anticorps, l’équipe de Bernardo Reina-Saint-Martin a inactivé un à un tous les gènes d’une lignée de lymphocytes B de souris, grâce à la technique CRISPR-Cas9. Les chercheurs ont alors constaté que la perte de fonction du gène FAM72A conduit à un défaut de l’hypermutation somatique et de la commutation isotypique dans les cellules en culture. Lorsque ce même gène est inactivé dans l’organisme de souris, les animaux présentent un défaut dans la diversification des anticorps. « En l’absence de FAM72A, nous observons une réparation fidèle de l’ADN des gènes d’immunoglobulines suite à l’action de l’enzyme AID, et donc à l’absence de mutation », explique Bernardo Reina-Saint-Martin. Au final, la production d’anticorps diversifiés n’a pas lieu. « À l’inverse, en présence de FAM72A, une réparation non fidèle de l’ADN est à l’origine de la diversité des anticorps. Cette protéine est donc garante de ce mécanisme indispensable à l’immunité ». Ces résultats ont été confirmés de manière indépendante par une équipe canadienne dirigée par Alberto Martin, à l’Université de Toronto, dont les travaux sont parus en même temps que ceux de l’équipe française.

La découverte du rôle crucial de FAM72A constitue une avancée importante dans la compréhension du fonctionnement de nos défenses immunitaires. Mais ce n’est pas tout : les chercheurs pourraient en outre avoir identifié une nouvelle cible pour le traitement de cancers. En effet, de précédents travaux montrent que FAM72A est surexprimée dans un certain nombre de cancers digestifs, du sein, du poumon, du foie ou encore des ovaires. Or, ces résultats suggèrent que des niveaux accrus de FAM72A dans les cellules tumorales pourraient être à l’origine d’une accumulation de mutations et d’anomalies chromosomiques. « Nous savons que les anomalies génétiques présentes dans les tumeurs sont associées à la résistance aux traitements et à la progression de la maladie. Il paraît donc particulièrement intéressant de poursuivre l’étude du rôle de FAM72A dans ce contexte pathologique », conclut Bernardo Reina-San-Martin.

Note :
* unité 1258 Inserm/CNRS/Université de Strasbourg, équipe Biologie moléculaire des lymphocytes B, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), Illkirch

Source : M Rogier et coll. Fam72a enforces error-prone DNA repair during antibody diversification. Nature, édition en ligne du 24 novembre 2021. DOI : 10.1038/s41586-021–04093‑y

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