Et si on arrêtait l’alcool ?

Dans le film danois Drunk réalisé par Thomas Vinterberg et sorti en 2021, quatre hommes découvrent une théorie selon laquelle l’humain souffrirait d’un déficit de 0,5 gramme d’alcool dans le sang. Pour la tester, ils se mettent à boire quotidiennement et de plus en plus, dans l’espoir d’améliorer leur vie. Le film nous questionne sur notre consommation et les risques associés. Entretien avec Mickael Naassila, neurobiologiste et auteur du livre J’arrête de boire sans devenir chiant, sorti en janvier dernier.

Un entretien à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°66

Si la théorie du film est imaginaire, des chercheurs français ont avancé en 1992 que la consommation de vin rouge pouvait avoir des effets bénéfiques contre les maladies coronariennes. Qu’en est-il aujourd’hui de cette hypothèse du French paradox ?

Mickael Naassila : À ma connaissance, il n’existe aucune étude clinique contrôlée qui prouve que la consommation d’alcool serait bénéfique à la santé humaine. Pour qu’une substance soit reconnue pour ses bienfaits thérapeutiques, elle doit passer par ce type d’étude. Ce qui n’est pas le cas de l’alcool. S’il y a un effet bénéfique reconnu, il est principalement social. Mais pour la santé en général, les démonstrations de bénéfices n’existent pas. À l’inverse, les recherches ont démontré des effets positifs à arrêter sa consommation.

Quels sont les principaux risques d’une consommation régulière pour la santé ?

M. N. : Toute consommation d’alcool comporte des risques pour la santé. Même si l’on respecte les repères de consommation actuels – pas plus de deux verres par jour, dix par semaine, et deux jours sans consommer –, il s’agit d’une consommation dite « à moindre risque », mais jamais « sans risque ». Les risques auxquels on s’expose sont multiples. Il y a principalement les cancers. Les seuils de déclenchement de la maladie sont assez bas. Cela signifie qu’un risque de cancer est présent même avec une consommation modérée. Ensuite, il y a les maladies cardiovasculaires. L’alcool est un puissant hypertenseur et un perturbateur de la rythmicité cardiaque, ce qui contredit directement l’idée du French paradox. L’alcool étant hépatotoxique, il y a également des risques d’atteintes du foie. La consommation régulière peut entraîner une stéatose (maladie du foie gras), puis une fibrose et une cirrhose, et enfin un cancer de l’organe. Une étude récente alerte d’ailleurs sur une « épidémie » de maladies du foie d’ici 2050, en partie due à la consommation d’alcool. Enfin, il y a des risques de déficits cognitifs, de démences précoces. Sans oublier les violences et les accidents de la route. Il faut noter que ces risques varient aussi selon l’état de santé de l’individu, son comportement de consommation (quantité, fréquence…), son terrain génétique, la prise de médicaments, son âge et son sexe.

Quels conseils donneriez-vous pour réduire sa consommation ou l’arrêter ?

M. N. : Le premier est de prendre conscience de sa consommation. L’estimer en « verres standards » n’est pas toujours simple : par exemple, un demi de bière est considéré comme un verre standard, mais une pinte (50 cl) en représente deux. Une bière à haut degré d’alcool peut rapidement compter pour plusieurs verres. Des outils comme l’application gratuite de la Société française d’alcoologie mydéfi peuvent être très utiles pour enregistrer vos consommations quotidiennes et évaluer où vous vous situez par rapport aux repères de consommation. L’objectif principal n’est pas toujours l’abstinence immédiate, mais de se fixer des objectifs de réduction pour se rapprocher des seuils de moindre risque, voire de passer en dessous. Enfin, il est essentiel de s’affirmer face à la pression sociale. Il ne faut pas se sentir obligé de se justifier de ne pas consommer d’alcool. C’est un choix personnel lié à une démarche d’hygiène de vie et de santé, tout comme le fait de ne plus consommer de viande, par exemple.


Mickael Naassila, professeur à l’université de Picardie Jules-Verne, est directeur du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (unité 1247 Inserm/Université de Picardie Jules-Verne), à Amiens.


Lire le livre le Mickael Naassila : J’arrête de boire sans devenir chiant. janvier 2025, éditions Solar

Propos recueillis P. N.

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