AccueilActualitéScienceAllergies alimentaires : vers un vaccin thérapeutiqueAllergies alimentaires : vers un vaccin thérapeutique Publié le : 04/12/2025 Temps de lecture : 4 min Actualité, ScienceMettre au point un vaccin thérapeutique contre l’allergie alimentaire : c’est le projet des équipes Inserm de Laurent Reber à l’Université de Toulouse et de Pierre Bruhns à l’Institut Pasteur de Paris, en collaboration avec l’entreprise française Néovacs. Ce vaccin vise à protéger d’un choc anaphylactique, la manifestation la plus sévère de l’allergie, les personnes qui souffrent d’ores et déjà d’allergies alimentaires sévères. Testé chez la souris, il a donné des résultats prometteurs.Il existe des vaccins préventifs et d’autres thérapeutiques. Celui développé contre l’allergie alimentaire par les équipes de deux chercheurs Inserm, Laurent Reber à Toulouse et Pierre Bruhns à Paris, appartient à la seconde catégorie. Il s’adresse aux personnes qui présentent déjà une allergie sévère à un aliment, avec l’objectif de les protéger contre la complication la plus grave de cette allergie : le choc anaphylactique. Potentiellement mortelle, l’anaphylaxie est due à une activation inappropriée du système immunitaire qui implique des anticorps appelés immunoglobulines E (IgE). Cet évènement constitue une urgence médicale absolue et se manifeste par l’apparition d’œdèmes, des difficultés respiratoires et/ou digestives, ou encore une perte de connaissance. Ainsi, ce vaccin thérapeutique pourrait sauver la vie de certaines personnes allergiques.Une cible éprouvéeLes IgE sont impliquées dans un grand nombre de réactions allergiques. En s’y liant, un allergène (la molécule qui provoque l’allergie) induit l’activation de cellules immunitaires appelées mastocytes. Ces dernières relarguent alors massivement de l’histamine, un médiateur chimique responsable des symptômes allergiques. Pour bloquer ce processus, le vaccin développé par les équipes de Laurent Reber et Pierre Bruhns cible les IgE. Cette approche s’inspire d’un médicament déjà sur le marché depuis une vingtaine d’années : l’omalizumab. Il s’agit d’un anticorps monoclonal dirigé contre ces mêmes immunoglobulines, utilisé dans le traitement l’asthme allergique sévère. Récemment, son indication a été étendue aux allergies alimentaires aux États-Unis. « Concrètement, cet anticorps thérapeutique est injecté au patient et se lie aux IgE qui circulent dans son sang, les empêchant ainsi de se fixer aux mastocytes, explique Laurent Reber. Grâce aux vingt ans de recul dont nous disposons avec ce médicament, nous savons que les IgE sont une bonne cible pour traiter ces allergies et que bloquer leur activité n’entraîne pas d’effet indésirable important chez les patients, y compris lorsque le traitement dure plusieurs années. Toutefois, l’omalizumab est très cher et son injection doit être renouvelée toutes les deux à quatre semaines car il est rapidement dégradé. Ce traitement n’est donc pas optimal », clarifie-t-il.Un mastocyte humain, cellule clé de l’allergie, activé par des complexes allergènes/anticorps de type IgE. Cette activation conduit à la libération de granule (en vert) qui contiennent de l’histamine © Inserm/L. ReberD’où l’idée de faire produire des anticorps anti-IgE par l’organisme lui-même dans le cadre d’une approche vaccinale. « L’objectif est d’obtenir une réponse durable en activant des lymphocytes B capables de produire ces anticorps sur le long-terme », explique Laurent Reber. Pour cela, les chercheurs ont développé une protéine vaccinale composée d’un fragment d’IgE qui comprend le site de liaison aux mastocytes, greffé à un dérivé de toxine diphtérique déjà utilisée dans d’autres vaccins, qui permet au vaccin d’être reconnu par le système immunitaire et de déclencher une réponse efficace. Face à cette protéine vaccinale, le système immunitaire devrait produire des anticorps anti-IgE capables de bloquer la liaison avec les mastocytes.Une protection totaleLes chercheurs ont testé leur vaccin thérapeutique chez des souris transgéniques qui synthétisent des IgE humaines. Un mois après l’injection de la protéine vaccinale, ils ont constaté une production d’anticorps anti-IgE humaine, ainsi qu’une diminution massive de la quantité d’IgE libres en circulation dans le sang des souris vaccinées. Cet effet s’est maintenu pendant l’année de surveillance des animaux. Dans un second temps, les scientifiques ont évalué l’efficacité du vaccin thérapeutique dans des modèles animaux d’anaphylaxie : des chocs anaphylactiques ont été observés chez des souris non vaccinées, alors que celles qui avaient reçu le vaccin ont toutes été protégées. Et là encore, l’effet protecteur a pu être observé jusqu’à un an après l’injection du vaccin. « Un an de protection chez la souris, c’est très long ! indique Laurent Reber. Cela signifie que la réponse vaccinale est durable. Toutefois, seuls des essais cliniques permettront de savoir combien de temps le vaccin est efficace chez l’humain et sous quels délais des rappels seront nécessaires », rappelle-t-il.L’équipe de Laurent Reber travaille en étroite collaboration avec le laboratoire Néovacs en vue de lancer un premier essai clinique. « Un tel vaccin thérapeutique serait en priorité destiné à des personnes atteintes de forme sévère d’allergie alimentaire, à l’image de celles qui prennent aujourd’hui l’omalizumab. Dans un second temps, l’utilisation pourrait concerner des profils moins sévères. Ce vaccin pourrait aussi être développé dans d’autres allergies médiées par les IgE dont l’asthme allergique, certaines allergies aux venins, ou encore une forme particulière d’urticaire chronique », conclut-il.Laurent Reber est directeur de recherche Inserm, responsable de l’équipe Asthme, allergie et immunothérapie dans l’unité de recherche Infinity (unité 1291 Inserm/CNRS/Université de Toulouse) à Toulouse. Pierre Bruhns est directeur de recherche Inserm, responsable de l’équipe Anticorps en thérapie et patholgie dans l’unité mixte de recherche Immunologie humorale (unité 1222 Inserm/Institut Pasteur) à Paris.Source : E. Conde et coll. A vaccine targeting human IgE induces long-term protection against anaphylaxis in humanized mice. Science Translationnal Medicine, 3 décembre 2025 ; DOI : 10.1126/scitranslmed.ads0982Autrice : A. R.À lire aussi Inserm Magazine n°64 – Nouvelle formuleMagazine AllergiesL’allergie est un dérèglement du système immunitaire qui correspond à une absence ou à… Laurent Reber : Mieux comprendre le rôle des anticorps dans les allergiesPortraits