Acné : la propolis comme nouveau traitement ?

La propolis est une substance produite par les abeilles à partir des résines récoltées sur les plantes avoisinant leur rucher. À Marseille, l’équipe Inserm de Jean-Michel Brunel vient de démontrer que les propolis récoltées sur deux sites au Rwanda permettent de lutter contre C. acnes, la bactérie responsable des boutons d’acné. Les chercheurs ont identifié et caractérisé les molécules actives responsables de cette propriété antibactérienne : une découverte qui devrait, ils l’espèrent, attirer l’intérêt des industriels.

La propolis comme traitement anti-acné ? Cette association qui peut sembler surprenante repose sur deux études récentes conduite dans le laboratoire Inserm de Jean-Michel Brunel, à Marseille. La propolis est une substance élaborée par les abeilles à partir de résines sécrétées par des plantes. Elle leur sert à colmater les interstices de la ruche. Grâce à ses propriétés antibactériennes, elle protège la colonie contre l’intrusion de nuisibles et la prolifération de germes, réduisant ainsi les risques de maladies. Or, Jean-Michel Brunel et son équipe sont justement en quête de nouvelles molécules pour développer des traitements antibactériens innovants, dans un contexte de résistance croissante des pathogènes aux médicaments actuellement disponibles.

À chaque propolis ses molécules

Le laboratoire marseillais s’est donc intéressé à la propolis, ou plutôt aux propolis. En effet, « la composition d’une propolis donnée dépend de la flore locale qui environne le rucher et dont se nourrissent les abeilles : elle sera donc différente d’une ruche à une autre », prévient Jean-Michel Brunel. Dans ce but, il a déjà réuni près de deux cents échantillons de différentes régions et pays. Récemment, il a récupéré des propolis en provenance de deux zones du Rwanda, connu pour ses forêts primaires riches en plantes endémiques. Le scientifique a centré ses dernières recherches sur celles-ci.

Après avoir exposé plusieurs bactéries pathogènes aux propolis du Rwanda, son équipe a constaté qu’elles inhibaient la croissance de C. acnes, responsable du développement des boutons d’acné. Elle a alors recherché les molécules responsables de cette activité et en a identifié deux, chacune propre à une propolis spécifique. Dans la première, il s’agit d’un dérivé phénolique, le 2,4‑Di-tert-butylphenol (2,4‑DTBP), et dans l’autre d’un acide gras, l’acide linoléique. Pour confirmer cette découverte, les chercheurs ont testé l’effet de la propolis contenant du 2,4‑DTBP sur un modèle murin. Après l’inoculation de C. acnes, la substance a réduit l’inflammation cutanée et fait disparaître les boutons. « Dans le cadre de ce travail et grâce à un partenariat avec un dermatologue, quelques patients volontaires ont par ailleurs pu être traités avec une crème à base de cette propolis : une réduction de la sévérité de leur acné a été constatée en quelques jours », précise Jean-Michel Brunel.

Un besoin de nouveaux traitements

Avec ces résultats qui constituent une preuve de concept, l’équipe espère maintenant susciter l’intérêt d’industriels. Environ 80 % des adolescents sont en effet touchés par l’acné, une maladie dermatologique qui peut persister à l’âge adulte. Des antibiotiques déjà disponibles constituent un traitement de première intention pour les acnés modérées, en particulier l’érythromycine et les tétracyclines. Mais leur utilisation prolongée entraîne l’apparition de résistances dans 60 à 92 % des cas, selon les études et les pays d’Europe. De nouveaux antibiotiques sont donc nécessaires pour compléter l’arsenal thérapeutique. « Il faudrait qu’un laboratoire pharmaceutique puisse mener un essai clinique chez l’humain pour s’assurer de l’innocuité du potentiel traitement, soit à partir des molécules actives que nous avons décrites, soit en utilisant directement ces propolis qui contiennent également des molécules aux propriétés anti-inflammatoires intéressantes pour le traitement de l’acné », clarifie Jean-Michel Brunel.

En attendant, le chercheur va tester d’autres propolis qui proviennent notamment de ruches françaises, toujours sur C. acnes, mais aussi sur d’autres germes impliqués dans des infections de la peau, des caries ou encore des angines, « des maladies pour lesquelles des traitements sont faciles à développer sous forme de pommades ou encore de sprays », conclut-il.

L’acné, un trop plein de sébum

Le sébum est une substance grasse produite par les glandes sébacées situées sous la peau afin de la lubrifier et la protéger. Au moment de la puberté, la production de sébum augmente sous l’effet des hormones sexuelles, entraînant à la fois une peau plus grasse et une accumulation de sébum sous-cutanée qui conduit à l’apparition de comédons (les « points noirs »). Le canal de sortie du sébum peut aussi se boucher, ce qui provoque une inflammation et favorise la prolifération de la bactérie C. acnes, naturellement présente dans la peau. Il se forme alors des boutons remplis de pus, particulièrement disgracieux.


Jean-Michel Brunel est chercheur dans l’unité Membranes et cibles thérapeutiques (unité 1261 Inserm/Aix-Marseille Université/Institut de recherche biomédicale des armées) à Marseille.


Sources : F. Rouvier et coll. Identification of 2,4‑Di-tert-Butylphenol as an Antimicrobial Agent Against Cutibacterium acnes Bacteria from Rwandan Propolis. Antibiotics, 13 novembre 2024 ; DOI :10.3390/antibiotics13111080 et F. Rouvier et coll. Linoleic Fatty Acid from Rwandan Propolis : A Potential Antimicrobial Agent Against Cutibacterium acnes. Curr Issues Mol Biol 27 février 2025 ; DOI :10.3390/cimb47030162

Autrice : A. R.

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Interprétation de test de détection colorimétrique de carbapénèmase. Laboratoire de recherche 914 Inserm "Résistances Emergentes aux antibiotiques", CHU hôpital du Kremlin Bicêtre (Val-de-Marne).