Nadine Cerf-Bensussan : Comprendre les maladies de la barrière intestinale

Formée à la pédiatrie et à l’immunologie, Nadine Cerf-Bensussan étudie le système immunitaire associé à l’intestin ainsi que son rôle en pathologie humaine. Responsable d’une équipe à l’Institut des maladies génétiques Imagine, elle a obtenu un financement du Conseil européen de la recherche en 2013 (ERC Advanced Grant). Il va notamment lui permettre d’en apprendre plus sur des maladies génétiques rares et très sévères qui affectent le fonctionnement de cette barrière, afin d’en améliorer le diagnostic et le traitement.

Nadine Cerf
Nadine Cerf-Bensussan © Inserm/Delapierre, Patrick

Le système immunitaire de l’intestin n’était pas un sujet à la mode lorsque vous avez commencé à l’étudier. Qu’est-ce qui vous a attirée dans cette voie ?

Lors de mon tout premier stage hospitalier, j’ai été fascinée par la manière dont Claude Griscelli, pédiatre et immunologiste à l’hôpital Necker, abordait le système immunitaire à travers l’étude de ses dysfonctionnements. En retour, il identifiait des outils diagnostiques et des stratégies thérapeutiques rationnelles. J’ai rejoint son équipe pour travailler sur l’immunité intestinale chez l’homme, en parallèle avec Delphine Guy-Grand qui étudiait cette thématique chez la souris. 

Il est vrai qu’à l’époque, les immunologistes ne s’intéressaient que très peu, voire pas du tout, à l’intestin. Pourtant il m’a semblé alors évident qu’avec ses 300m2 en contact avec des milliards de microbes, et bombardé quotidiennement par des antigènes alimentaires, l’intestin devait nécessairement faire l’objet d’une surveillance très étroite du système immunitaire. Le sujet m’a passionnée et m’a conduit à réaliser une thèse de sciences, en partie à Harvard et en partie à Necker. J’ai ensuite continué à travailler sur l’immunité intestinale et les maladies associées à son dysfonctionnement, au sein d’un laboratoire Inserm. 

Depuis 2003 et des travaux initiés avec les microbiologistes de l’équipe de François Taddei, notre équipe s’est aussi attachée à élucider, chez la souris, les interactions entre l’hôte et l’énorme communauté microbienne hébergée dans l’intestin. En 2012, j’ai été invitée à rejoindre l’institut Imagine qui se constituait. Cela m’a incité à appliquer mon expertise à l’étude des maladies intestinales génétiques du petit enfant, notamment celles qui sont dues à un dysfonctionnement des interactions avec les bactéries intestinales. 

Comment ces différents versants s’articulent-ils dans votre projet de recherche financé par l’ERC ?

L’objectif du projet est de définir les facteurs indispensables au développement d’une barrière intestinale efficace et bien régulée chez l’homme. Le but, à terme, est d’identifier des pistes thérapeutiques pertinentes en cas de dysfonctionnement. 

Nous savons aujourd’hui que cette barrière se construit à travers un dialogue complexe et très dynamique entre le système immunitaire et les bactéries du microbiote. Nous avons notamment isolé, chez la souris, une bactérie qui joue un rôle essentiel dans la maturation de cette barrière. Notre intention est de découvrir si cette bactérie existe également chez l’homme et de dévoiler par quels mécanismes elle contribue à l’élaboration de la barrière intestinale. 

Au cours des 15 dernières années, un grand nombre de gènes participant à la constitution de la barrière intestinale ont été identifiés chez la souris. L’étude de patients atteints de maladies gastro-intestinales rares d’origine génétique doit permettre de répertorier précisément ceux qui sont indispensables chez l’homme. En retour, l’identification précise du gène déficient et du type cellulaire affecté par ce déficit, chez chaque patient, doit aider à choisir la stratégie thérapeutique la plus adaptée à ce patient. Ce travail s’inscrit dans la démarche de recherche translationnelle développée à l’Institut Imagine sur les maladies génétiques de l’enfant. Il s’effectue en coopération étroite avec les gastroentérologues pédiatres de Necker et d’autres services de gastroentérologie pédiatrique qui ont accepté de participer au réseau Immunobiota mis en place grâce au financement de l’ERC. 

En quoi la bourse ERC a‑t-elle servi vos recherches ?

Ce programme de financement est une chance fantastique dans la vie d’un chercheur : il donne une liberté et un souffle que le morcellement actuel des financements rend exceptionnel. Je n’aurais pas osé candidater si l’Inserm ne m’avait expressément demandé de le faire ! Cette incitation est intervenue au moment où j’allais rejoindre Imagine, me permettant de concevoir un programme ambitieux et innovant sur 5 ans. Le financement de l’ERC m’a permis aussi d’engager des jeunes talentueux, qui apportent au projet des compétences complémentaires des miennes. Une de mes grandes satisfactions est également d’avoir vu une jeune chercheuse en microbiologie financée grâce à l’ERC, Pamela Schnupf, intégrer l’Inserm cette année. Son projet est de concevoir des vaccins efficaces contre des entéropathogènes comme Shigella. Pour cela, elle compte utiliser une bactérie très immunostimulante que nous avons contribué à caractériser ensemble. 

En savoir plus sur Nadine Cerf-Bensussan et ses travaux

Nadine Cerf-Bensussan dirige le Laboratoire d’immunité intestinale au sein de l’unité 1163 Inserm/Université Paris-Descartes, à l’Institut des maladies génétique Imagine. Elle a reçu un Prix Recherche Inserm en 2014. 

Nadine Cerf-Bensussan, Prix Recherche Inserm 2014 – portrait vidéo – 3 min 07