Sclérose en plaques : une voie de l’inflammation démasquée

Deux protéines impliquées dans la régulation de l’expression de nos gènes, les facteurs de transcription FOXO3 et EOMES, peuvent « convertir » un lymphocyte T en cellule « nuisible » pour son environnement. Ce mécanisme est retrouvé dans un modèle murin de la sclérose en plaques.

FOXO3 et EOMES semblent former un couple infernal dans l’initiation d’une cascade conduisant à l’inflammation au niveau du système nerveux central. Une équipe toulousaine vient en effet de montrer que ces deux facteurs de transcription, capables d’activer ou de réprimer l’expression de gènes spécifiques, coopèrent pour rendre les lymphocytes T toxiques pour leur environnement, via la production de plusieurs molécules inflammatoires. 

Tout est parti d’une simple étude sur le rôle de la protéine FOXO3 dans les cellules lymphoïdes précurseurs, à l’origine des lymphocytes T. Les chercheurs avaient connaissance du rôle de ce facteur de transcription dans la régulation de cellules myéloïdes telles que les macrophages, les cellules dendritiques ainsi que celle des neutrophiles. Mais ils ignoraient si cette protéine avait une fonction dans les cellules lymphoïdes où elle est produite en très petite quantité. Pour trancher la question, ils ont mené différentes expériences in vitro, avec des lymphocytes T au repos, activés, ou encore déficients en FOXO3. « Nous avons regardé quels étaient les gènes cibles de FOXO3, et comment les cellules T se comportaient en présence et en absence de ce facteur de transcription », explique Anne Dejean*, responsable des travaux. 

Des preuves in vitro et in vivo

Les chercheurs ont constaté que la production de FOXO3 augmente considérablement quand les lymphocytes T sont activés, et qu’elle stimule la production d’un autre facteur de transcription, EOMES. Les chercheurs ont en outre découvert que ce dernier déclenche la production et la libération de cytokines inflammatoires par la cellule T CD4. « Autant dire que sous l’effet de FOXO3 et EOMES, le lymphocyte se différencie en cellule dont les fonctions sont altérées », clarifie Anne Dejean. 

Intrigués, les chercheurs ont poursuivi leurs travaux dans un modèle murin de la sclérose en plaques, une maladie caractérisée par une inflammation du cerveau et de la moelle épinière induite par des lymphocytes T CD4 pathogènes. Ils ont montré que pour acquérir ce profil délétère, ces lymphocytes doivent exprimer FOXO3 et EOMES. Le couple infernal conduit alors à la production de molécules inflammatoires : cytokines, IFN‑γ et GM-CSF. Les souris dépourvues d’un gène fonctionnel codant pour FOXO3 sont quant à elles quasiment épargnées. « Nous pouvons dire que nous avons identifié une nouvelle voie conduisant à l’inflammation dans cette maladie », affirme Anne Dejean. 

Reste à déterminer pourquoi ce phénomène se déclenche chez certaines personnes, et si ces facteurs FOXO3 et EOMES pourraient être des cibles thérapeutiques pour lutter contre la sclérose en plaques ou d’autres maladies inflammatoires auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn. « Il faut d’abord que nous parvenions à mieux identifier toutes les fonctions de ces deux facteurs de transcription dans les cellules, pour s’assurer que le fait de réduire leur expression n’entrainera pas la perte d’une autre fonction importante », conclut Anne Dejean.