Le SARS-CoV‑2 sous les microscopes

Lorsque l’épidémie de covid-19 s’intensifie en France en mars 2020, les chercheurs de l’équipe Interféron et restriction antivirale, à l’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier, n’hésitent pas longtemps à se lancer dans l’étude du SARS-CoV‑2, le virus qui en est responsable. Six mois plus tard, où en sont-ils ? Visite de ce laboratoire en plein mouvement, alors que les recherches habituelles ont repris leur cours et y côtoient de nouveaux projets centrés sur le SARS-CoV‑2.

Un reportage à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°48

« Nous n’étions pas spécialistes des coronavirus, certes, mais nous sommes virologistes et très peu d’équipes travaillaient alors sur les coronavirus en France, raconte Caroline Goujon, responsable de l’équipe Interféron et restriction antivirale, à l’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM). On ne pouvait pas rester les bras croisés ! Ça a été une évidence : nous aussi, nous devions participer à l’effort de recherche mondial. » Au moment du confinement, tous les autres projets ont dû être subitement arrêtés, mais une partie de l’équipe a continué à venir au laboratoire afin de se consacrer à plein temps à l’étude du SARS-CoV‑2. Le laboratoire a un avantage : Olivier Moncorgé, le chercheur ayant participé à sa création aux côtés de la scientifique en 2015, est spécialiste de la grippe. Or les virus grippaux partagent au moins un point commun avec le virus SARS-CoV‑2 : ils s’attaquent aux cellules du système respiratoire et certaines techniques d’étude sont semblables. Autre atout : un de leurs collègues avait déjà pris contact avec l’institut Pasteur et demandé un échantillon du nouveau coronavirus. Le Centre d’études des maladies infectieuses et pharmacologie anti-infectieuse (Cemipai), une plateforme située dans le bâtiment de l’IRIM et permettant d’étudier les pathogènes de classe 3, comme le SARS-CoV‑2, s’est aussi réorganisée rapidement pour dédier un de ses modules au nouveau virus. Mi-mars, tout est prêt. Les chercheurs de l’équipe ne sont que quatre à être autorisés dans les locaux mais ils s’organisent : quand les uns dévorent la bibliographie, les autres développent des outils moléculaires ou mettent au point des modèles cellulaires. Six mois plus tard, où en sont-ils ? 

L’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM) accueille 13 équipes, dont celle baptisée Interféron et restriction antivirale, créée il y a cinq ans grâce au programme ATIP-Avenir. Celui-ci permet chaque année à de jeunes chercheurs de monter leur propre équipe de recherche. Dirigée par Caroline Goujon (devant au centre), l’équipe compte neuf membres travaillant sur les virus de la grippe, du sida et désormais du SARS-CoV‑2. © Inserm/François Guénet
Etude du SARS-CoV‑2, équipe Interféron et restriction antivirale, à l’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM). © Inserm/François Guénet

Certains chercheurs de l’équipe se dédient désormais presque entièrement au SARS-CoV‑2. Depuis mars ils ont testé les effets sur le virus de plus de 70 molécules candidates et de près de 300 extraits naturels issus de champignons pour identifier de nouvelles pistes thérapeutiques. Ils étudient aussi l’impact des interférons : ces protéines, au cœur des recherches du laboratoire depuis sa naissance, sont naturellement produites par les cellules lorsqu’elles sont infectées, leur conférant à elles-mêmes et aux cellules voisines un état « antiviral » qui vise à empêcher le virus de se répliquer. 

Olivier Moncorgé s’apprête à entrer dans le module du Cemipai dédié au nouveau coronavirus. © Inserm/François Guénet

Les chercheurs étudient le SARS-CoV‑2 au Cemipai. Ce laboratoire, dépendant du CNRS et de l’université de Montpellier, leur permet de mener des recherches dans des conditions de sécurité microbiologique plus poussées encore que dans leur laboratoire habituel – on parle de laboratoire P3+, pour pathogène de classe 3. Plus on avance dans le laboratoire, plus la pression diminue, afin qu’aucun flux d’air potentiellement contaminé ne puisse s’en échapper. Une combinaison intégrale complétée par une casaque, une charlotte, une capuche, trois paires de gants, des sur-chaussures, un masque FFP3, des lunettes de protection : ces équipements de protection individuelle sont indispensables mais diminuent le confort, alors que les chercheurs passent de longues heures à travailler dans le laboratoire hermétique. 

Olivier Moncorgé est en train d’observer des cellules humaines infectées avec le virus SARS-CoV‑2 génétiquement modifié pour exprimer la protéine fluorescente mNeon green. A droite, les taches vertes correspondent aux cellules infectées par le virus.© Inserm/François Guénet

Pour étudier les mécanismes de propagation du virus SARS-CoV‑2, l’équipe observe des cellules humaines dites primaires, qui ont l’avantage d’être les vraies cibles du virus, mais également des lignées cellulaires immortalisées, plus faciles à manipuler et qui peuvent proliférer indéfiniment in vitro. Celles-ci ont été infectées avec le virus SARS-CoV‑2 génétiquement modifié pour exprimer la protéine fluorescente mNeon green. La fluorescence permet aux scientifiques de suivre en direct sa réplication : le virus infecte une cellule, dont il détourne la machinerie cellulaire afin de produire des virions, des particules contenant le génome viral et qui pourront infecter de nouvelles cellules. Plus l’écran s’emplit de vert, plus le virus a infecté de cellules. 

A gauche, les formes rondes et plus claires observées à l’écran sont des cellules dont la membrane est détruite par le virus, dites « cellules lysées ». Dans le cas du virus de la grippe ou du SARS-CoV‑2, ces taches peuvent être visibles à l’œil nu : on les appelle des plages de lyse. Afin de déterminer la concentration en virus infectieux d’un échantillon, les chercheurs doivent alors procéder au titrage viral, déterminé par le comptage de ces plages de lyse. Sur la plaque à droite, les puits contiennent des cellules qui ont été mises en contact avec différents composés pour tester leur éventuelle activité antivirale. Une fois infectées, les cellules vont être lysées par le virus sauf si un composé les protège de l’infection. S’il reste des cellules en fin d’infection, elles seront colorées en violet, tandis qu’un puits contenant des cellules mortes sera translucide. Ce test est un moyen simple et rapide d’identifier une activité antivirale contre le virus SARS-CoV‑2. © Inserm/François Guénet
Joe McKellar © Inserm/François Guénet

Joe McKellar, doctorant, étudie les mécanismes d’action de la protéine antivirale MX1. Cette enzyme joue un rôle important pour inhiber la réplication virale. Les protéines de la famille MX (MX1 et MX2) sont capables d’inhiber de nombreux virus, comme celui de la grippe A ou encore celui de l’immunodéficience acquise, responsable du sida. Les zones bleues correspondent aux noyaux des cellules, ici d’origine humaine. Les zones vertes signifient la présence de protéines MX1. Chez l’Homme, cette protéine est exclue du noyau (à gauche) alors que chez la souris, la protéine MX1 est, par contre, localisée dans le noyau (à droite). Pour autant, ces deux protéines à localisation différente sont toutes les deux capables de bloquer le virus de la grippe. L’étude de la localisation de ces protéines aide à mieux comprendre les mécanismes se mettant en place quand la cellule se défend contre un virus.