Neurosciences : La réalité virtuelle au secours de l’audition

En plongeant leurs jeunes patients dans un environnement virtuel, une équipe du Centre de recherche en neurosciences de Lyon cherche à améliorer leur qualité de vie. Atteints de surdité sévère et équipés d’implants cochléaires, ces enfants ont en effet des difficultés à localiser les sons dans l’espace, en particulier un environnement bruyant.

En cette matinée de fin d’automne 2024 particulièrement ensoleillée, nous avons rendez-vous avec Valérie Gaveau et ses collègues du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Nous les retrouvons dans le service de recherche d’ORL, au sein de l’hôpital Édouard-Herriot, le plus grand de la capitale des Gaules. Là, ils testent une approche de rééducation originale destinée à améliorer l’audition d’enfants sourds équipés d’implants cochléaires. Constitués d’une partie externe placée derrière l’oreille et d’une unité électronique implantée dans l’oreille, ces appareils réhabilitent significativement l’audition de ces enfants. Le hic : ils ne leur permettent pas de bien entendre en milieux bruyants, comme une rue ou un restaurant très fréquenté. Cela, à cause de difficultés à localiser la position d’où émanent les sons. Pour mieux aider ces enfants et améliorer leur qualité de vie, les chercheurs ont conçu le programme d’entraînement Kid Train. Il s’agit là d’une approche ludique destinée à s’entraîner à localiser les sons. Ceci, grâce à la réalité virtuelle, qui permet de plonger l’utilisateur dans un environnement virtuel avec lequel il peut interagir. Immersion dans une séance test !

Emy, 7 ans, équipée d'un casque de réalité virtuelle ©Inserm/François Guénet

Ce matin, c’est Emy, 7 ans, qui va participer à Kid Train. À son arrivée, les chercheurs lui expliquent les objectifs et le déroulé du programme. Au premier plan face à elle : son père, Valérie Gaveau, Léa Legret, orthophoniste, et Corine Amat, coresponsable du projet. Au second plan : Lisa Lever et Pouriya Hassani, étudiants en doctorat.

©Inserm/François Guénet

Avant de débuter l’entraînement, Emy répond à un questionnaire destiné à évaluer sa capacité initiale à entendre et à localiser les sons du quotidien. Une grille de réponse adaptée à son âge, agrémentée d’émoticônes et d’un code couleur, l’aide à graduer ses réponses de « pas du tout » à « parfaitement ».

©Inserm/François Guénet

Ensuite, la fillette réalise un test conçu cette fois pour évaluer son aptitude à comprendre ce qu’on lui dit, dans un environnement bruyant. Ici, elle doit répéter des phrases émises par un haut-parleur (devant elle), tandis que plusieurs autres diffusent du bruit semblable à celui d’un essaim d’abeilles. Ce test et le précédent sont cruciaux pour estimer, en fin de rééducation, les progrès qu’elle aura réalisés.

©Inserm/François Guénet

Enfin, Emy est équipée du dispositif de réalité virtuelle ! Il comprend un casque et une manette, similaires à ceux utilisés pour les jeux en réalité virtuelle. Le casque est équipé d’outils capables de détecter avec précision l’orientation dans l’espace de la tête de l’utilisateur et de la manette qu’il tient.

Dans le casque, Emy voit une reproduction de la pièce de rééducation, où volent plusieurs dragons à différents endroits. Elle entend divers mots (« canard », « palais »…) et doit déterminer quelle créature les a émis. Cela, en regardant l’animal retenu et en validant son choix avec la manette. En parallèle, les chercheurs peuvent suivre en temps réel ce qu’elle voit et ses actions, sur un écran. Quand l’enfant réussit à identifier correctement le dragon associé aux mots entendus, la tête de celui-ci s’orne d’un cercle vert. Dans le cas contraire, c’est un cercle rouge qui apparaît et Emy doit alors tenter de se réorienter vers le bon dragon !

En fait, les mots entendus par Emy… proviennent d’un haut-parleur portatif ! Lequel est placé par Valérie Gaveau exactement à l’emplacement du dragon sensé l’avoir émis ! Pour que l’enfant ne devine pas sa localisation au bruit de ses pas – ce qui empêcherait l’effort de traitement du son –, la scientifique a retiré ses chaussures ! De plus, un son d’ambiance est émis en permanence par six haut-parleurs fixes.

©Inserm/François Guénet

En plus d’Emy, 15 autres enfants participeront à l’étude, suivis par Aurélie Coudert, médecin en ORL pédiatrique. Chacun effectuera huit séances de rééducation. Le but : habituer leur cerveau à collecter toutes les informations, auditives et visuelles, nécessaires pour déterminer d’où vient le son.

Reportage réalisé auprès de l’équipe Intégration multisensorielle, perception, action et cognition (Impact), au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (unité 1028 Inserm/CNRS/Université Claude-Bernard – Lyon 1/Université Jean-Monnet – Saint-Étienne), à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°63.

Photos : Inserm/F. G.
Autrice : K. B.

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