Pascale Bomont, engagée pour les maladies rares

Experte des maladies neurodégénératives rares, Pascale Bomont a décroché un financement européen qui va lui permettre de booster ses recherches. Ses travaux visent à mieux comprendre le rôle du cytosquelette dans le système nerveux sain et pathologique. Ils pourraient conduire au développement de traitements pour un large éventail de maladies liées à des désordres de cet échafaudage interne à nos cellules, des plus rares aux plus fréquentes.

Pascale Bomont
Pascale Bomont

Des cartons, des dossiers, des aquariums… le déménagement de Pascale Bomont n’a pas été de tout repos. Cette chercheuse Inserm vient de rejoindre l’institut Neuromyogène* à Lyon, un centre dédié à l’étude de la physiopathologie du muscle et du système nerveux. C’est là qu’elle a décidé de conduire un projet soutenu par l’Europe à hauteur de 1,8 M€ euros (ERC Consolidator Grant), dont l’objectif est d’explorer le rôle et les modes de régulation du cytosquelette des cellules du système nerveux, et plus particulièrement ceux d’un de ses composants : les neurofilaments. 

Le cytosquelette est l’échafaudage interne de nos cellules : il leur donne leur forme et leur permet de résister aux contraintes mécaniques. En mettant en lumière les rôles fonctionnels encore méconnus des neurofilaments qui entrent dans sa composition au sein du neurone, Pascale Bomont pourra mieux comprendre les mécanismes pathologiques impliqués dans certaines maladies. L’enjeu est énorme. « La plupart des maladies neurodégénératives, qu’elles soient rares ou fréquentes, présentent des anomalies précoces du cytosquelette avec la formation d’agrégats de neurofilaments, explique la chercheuse. Pour plusieurs maladies, des manipulations génétiques ont montré que supprimer ces agrégats résorbe les symptômes chez la souris. Pour imaginer un traitement applicable chez l’Homme, nous devons identifier et cibler les régulateurs des neurofilaments ».

Pour atteindre son but, Pascale Bomont est partie de zéro, ou presque : « Il n’y avait pas de modèle animal suffisamment bon pour travailler sur cette thématique. J’en ai donc créé de nouveaux chez le poisson zèbre. Nous allons maintenant pouvoir les utiliser pour étudier la dynamique du cytosquelette, afin de mieux comprendre son fonctionnement. En parallèle, nous reproduirons chez le poisson des mutations associées à des maladies rares, pour étudier les anomalies du cytosquelette qu’elles génèrent, disséquer leurs rôles dans la mort neuronale et développer de nouveaux axes de thérapie », explique-t-elle. 

Vingt ans de recherche sur les maladies rares

Pour Pascale Bomont, les maladies rares sont une source d’inspiration et de motivation : elle défend le droit de chaque patient à l’égalité de traitement et l’importance d’étudier les maladies rares pour enrichir la connaissance du vivant. Elle connaît bien le sujet puisqu’elle a consacré vingt ans de sa carrière à plusieurs neuropathies rares, dont la neuropathie à axones géants (NAG), une maladie neurodégénérative fatale qui frappe le système nerveux central et périphérique dès le plus jeune âge. Elle s’y est intéressée dès sa thèse en génétique humaine, préparée à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire à Strasbourg. À cette époque, au début des années 2000, le génome humain n’était pas encore entièrement séquencé : identifier les gènes responsables de maladies rares était un tour de force auquel elle s’est employée avec ingéniosité. Ce travail l’a aussi amenée à rencontrer des familles de patients, marquant un tournant dans son approche de la recherche : « Comprendre les mécanismes fondamentaux dérégulés dans les maladies est crucial, mais transformer cela en innovation pour aider les malades est une urgence et une motivation de chaque instant dans mes travaux », témoigne-t-elle. 

Son doctorat en poche, elle s’est envolée pour San Diego aux États-Unis, afin de rejoindre un laboratoire du Ludwig Institute for Cancer Research, expert dans l’étude du cytosquelette et des maladies neurodégénératives. Elle s’est alors immergée dans le domaine de la biologie cellulaire pour l’appliquer à son modèle de NAG. Forte de ses avancées, Pascale Bomont a ensuite développé son expertise en neurobiologie : en 2007, elle obtient un poste de chargée de recherche à l’Inserm et rentre en France où elle intègre l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée à Marseille. Grâce à l’obtention de financements de l’AFM-Téléthon, elle monte une équipe émergente et développe de nouveaux modèles d’étude de cette neuropathie, à partir de biopsies de peau de patients ainsi que chez la souris. En 2011, le programme Atip-Avenir lui permet de créer son équipe de recherche à l’Institut des neurosciences de Montpellier. Déployant son expertise en génétique, biologie cellulaire et neurobiologie, elle identifie de nouveaux gènes de maladies rares, développe des outils diagnostiques et des modèles de poissons. Ainsi, elle découvre plusieurs mécanismes de la physiopathologie de la NAG, dont les retombées vont bien au-delà de cette seule maladie rare : les voies identifiées, fondamentales dans la biologie du neurone, sont en effet impactées dans des dizaines de maladies parmi lesquelles des myopathies et des cancers. 

Aujourd’hui directrice de recherche Inserm, responsable de l’équipe Mécanismes et thérapies pour les maladies neuromusculaires à l’institut Neuromyogène de Lyon, Pascale Bomont poursuit son combat pour les maladies rares. En plus du financement européen pour son projet sur le rôle du cytosquelette dans le système nerveux, elle a obtenu le soutien de l’AFM-Téléthon pour un projet de thérapies pour la NAG. 

Dynamisme, inventivité, solidarité

Pascale Bomont doit ce parcours exemplaire à une bonne dose de dynamisme et d’inventivité, qui la conduisent à explorer chaque piste susceptible d’aboutir à une découverte ou à un nouveau traitement. « J’exploite tous les moyens pour répondre aux questions posées : notre métier est créatif ! Quand c’est nécessaire, je fais appel à des experts d’autres disciplines ». Elle a également à cœur de partager ses connaissances : Fête de la science, Semaine du cerveau, Téléthon, toutes les occasions sont bonnes pour inviter les familles de patients et le grand public dans son laboratoire, proposer des travaux pratiques ou encore créer des vidéos scientifiques. Sa force, c’est aussi son équipe : « Nous ne sommes pas que des expertises individuelles, nous travaillons en synergie pour exploiter le meilleur de chacun et démultiplier nos efforts, notre créativité et nos ressources, avec le plaisir d’avancer ensemble ». Pas de doute, la recherche sur les maladies rares a trouvé une ambassadrice engagée. 

Note :
*unité 1217 Inserm/CNRS/Université de Lyon