Maryse Lebrun, déjoue les tours des parasites

Maryse Lebrun, directrice de recherche Inserm à Montpellier, travaille sur des parasites aussi célèbres que Toxoplasma gondii, l’agent de la toxoplasmose ou Plasmodium falciparum, celui du paludisme. Son objectif est de décrire les mécanismes d’interaction de ces organismes avec les cellules hôtes qu’ils infectent. Les processus mis en jeu sont en effet bien différents de ceux utilisés par les bactéries et décrits à ce jour. A la clé, la découverte de mécanismes biologiques inédits et, peut-être, de nouvelles pistes thérapeutiques contre ces maladies. C’est pour cela que le Conseil européen de la recherche vient de lui accorder un financement de 2,5 millions d’euros pour cinq ans (ERC Advanced Grant).

C’est l’histoire d’une vie consacrée à déjouer les tours de parasites qui pénètrent insidieusement dans les cellules de leurs hôtes, souvent l’Homme, et entraînent des maladies aussi sévères que le paludisme ou la toxoplasmose. Maryse Lebrun n’avait pas forcément cela en tête lorsqu’elle a attaqué sa licence de biologie cellulaire à Nantes, ou même son DEA de microbiologie à Rennes. Le déclic arrive en thèse. Nous sommes alors en 1990 et elle intègre un laboratoire Inra, à Tours, qui travaille sur les pathologies animales, en particulier d’origine bactérienne. Elle s’intéresse plus particulièrement à Listeria monocytogenes, ce qui l’amène à se rapprocher de Pascale Cossart à l’Institut Pasteur. Cette rencontre est déterminante pour sa carrière. « Cette grande figure de la microbiologie française m’a réellement donné le goût pour la bactériologie et la microbiologie en général, ainsi que le désir d’étudier les interactions hôtes/pathogènes et les phénomènes d’invasion », explique Maryse Lebrun. Elle rejoint son laboratoire et c’est finalement après un autre postdoctorat dans le laboratoire de Daniel Bout à Tours, qu’elle se spécialise dans les parasites, en particulier Toxoplasma.

Ses nouvelles connaissances lui permettent d’être recrutée par l’Inserm en 2002, comme chargée de recherche dans l’unité de recherche Biogenèse membranaire et interactions avec la cellule hôte chez Plasmodium et Toxoplasma (UMR 5235), à Montpellier. Elle y poursuit son travail sur Toxoplasma gondii. « Il s’agissait d’une thématique porteuse car beaucoup d’équipes ont travaillé sur les invasions bactériennes, mais très peu sur les parasites : presque tout reste à découvrir », explique Maryse Lebrun. Cela lui vaut l’obtention de plusieurs financements, entre autres de l’Agence nationale de recherche (ANR), qui lui permettent de découvrir un mécanisme d’invasion original, jamais décrit jusqu’alors pour les parasites : ils produisent à la fois la serrure et la clé qui leur permettent d’entrer dans les cellules hôtes. La chercheuse décrit également d’autres molécules d’attachement, d’invasion et de virulence contenues dans les compartiments intracellulaires de ces parasites : les micronèmes et les rhoptries. Entre temps, promue directrice de recherche en 2009 au sein de la même unité montpelliéraine, Maryse Lebrun devient reconnue dans la communauté des experts de Toxoplasma et Plasmodium, un parasite au fonctionnement très similaire pour ce qui concerne l’invasion cellulaire. 

A la recherche de mécanismes « totalement nouveaux » !

Mais si elle cerne désormais assez bien le contenu des compartiments intracellulaires des parasites, la chercheuse et la communauté scientifique en général, ignorent tout des circonstances et de la façon dont sont libérées ces molécules nécessaires à l’infection, en particulier au niveau des rhoptries. Elle monte alors un dossier pour le Conseil européen de la recherche, dans le but d’obtenir un nouveau financement destiné à clarifier ces points. L’institution est immédiatement séduite car « si on ne sait pratiquement rien sur ces mécanismes de sécrétion, on en sait suffisamment pour dire qu’ils n’ont rien en commun avec ceux déployés par les bactéries pour injecter leur facteurs de virulence dans la cellule hôte. Cela signifie que l’on se lance dans la recherche de mécanismes totalement nouveaux », clarifie-t-elle. Ce projet a donc deux mérites : découvrir des voies biologiques inédites et, peut-être, ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques contre la toxoplasmose et le paludisme. Ce double objectif séduit l’ERC qui lui accorde une bourse de 2,5 millions d’euros pour cinq ans, à compter de juillet 2020. 

Elle va pouvoir étoffer son équipe déjà composée de dix personnes, et lancer de nouvelles investigations. Un ingénieur et trois postdoctorants sont déjà prévus pour mettre au point un modèle de cilié de type paramécie, dont les compartiments cellulaires présentent des similitudes avec les rhoptries, pour comprendre comment les facteurs de virulence passent à travers la membrane de la cellule hôte, ou encore pour étudier l’expression du potentiel pathogène des parasites. Ces derniers peuvent trembler… 

Maryse Lebrun dirige l’équipe Invasion de la cellule hôte et survie intracellulaire des parasites apicomplexa, au sein de l’unité de recherche Biogenèse membranaire et interactions avec la cellule hôte chez Plasmodium et Toxoplasma (UMR 5235 CNRS/Université Montpellier), à Montpellier.