Marc Bardou, pour plus d’égalité face au dépistage du cancer du col de l’utérus

Marc Bardou souhaite améliorer nettement l’accès au dépistage du cancer du col de l’utérus des femmes les plus précaires. Pour cela, il a monté un projet de recherche en santé publique ambitieux, qui réunit de nombreuses équipes de plusieurs pays européens. Ce projet, Cbig-Screen, a reçu le soutien de l’Union européenne, assorti d’un important financement dans le cadre du défi sociétal Santé, bien-être, vieillissement du programme Horizon 2020.

Marc Bardou
Marc Bardou

Marc Bardou* est un atout pour les populations vulnérables. Hépatologue et professeur de pharmacologie médicale au CHU de Dijon, il mène plusieurs projets de recherche en santé publique destinés à améliorer l’accès aux soins de ces personnes. Il n’invente rien de particulier, mais cherche à optimiser les systèmes déjà en place, les évalue et s’inspire de ce qui fonctionne pour ramener les personnes défavorisées sur le chemin des soins. Son projet le plus ambitieux est Cbig-Screen : lancé le 26 mars dernier, il est destiné à augmenter la couverture de dépistage du cancer du col de l’utérus chez les femmes vulnérables, et cela à l’échelle européenne. « Il n’y a pas plus inégalitaire que ce cancer, rappelle-t-il. Les populations précaires cumulent des facteurs qui augmentent de 30 % leur risque de le développer et, en parallèle, échappent largement au dépistage. » L’objectif de Cbig-Screen est donc de réduire de moitié le nombre de femmes précaires non dépistées : femmes défavorisées ou vulnérables, notamment migrantes, atteintes de VIH ou encore travailleuses du sexe. 

Pour s’attaquer au problème, Marc Bardou a commencé par créer un réseau de compétences en s’entourant de nombreux partenaires européens : « J’ai épluché la littérature scientifique et, chaque fois qu’un travail avait une valeur ajoutée par rapport au projet, j’ai contacté l’équipe pour lui proposer de participer », raconte-t-il. De fil en aiguille, il a convaincu 14 partenaires de rejoindre l’aventure. « Nous avons soumis notre projet à la Commission européenne, mais avons dû nous y reprendre à trois fois avant de décrocher le sésame ! Ces appels à projets exigent des dossiers sans faille, qui ne laissent aucune place au doute sur la méthodologie ou l’obtention de résultats et imposent de bien quantifier les bénéfices attendus à l’échelle de l’Union européenne », explique le chercheur. 

Pour, mais aussi avec, les femmes concernées

Concrètement, le consortium va recueillir, analyser et partager les connaissances sur les lacunes et les possibilités d’amélioration des systèmes déjà en place, dans le but de construire une politique européenne qui prendra en compte des particularités de ces femmes et des territoires où elles résident. « Ce projet mêle des aspects théoriques et pratiques. Nous organiserons des rencontres avec toutes les parties prenantes − notamment avec des représentantes des femmes concernées − pour évaluer l’acceptabilité des dispositifs proposés ou encore leur rapport aux soins, souligne Marc Bardou. L’équipe anglaise effectuera des modélisations pour prévoir l’impact de différentes politiques d’incitation qui seront ensuite évaluées sur le terrain dans trois pays (Estonie, Roumanie et Portugal). Cela permettra de confirmer ou d’infirmer la pertinence des modèles, et de les réadapter si nécessaire. Par exemple, l’envoi postal d’un test de détection du papillomavirus n’aura pas la même portée partout, selon la relation au courrier qui peut être perçu comme un média de valeur par certains ou un simple outil marketing par d’autres, et selon la qualité de l’organisation du système postal. Nous effectuerons également une évaluation médico-économique des mesures retenues. »

« Au cours de ma carrière j’ai vu beaucoup de patients précaires, atteints d’hépatites virales, confrontés à des troubles de la consommation de l’alcool… En outre, j’ai été amené à rencontrer Esther Duflo, Prix Nobel d’économie pour ses travaux sur la réduction des impacts négatifs de la pauvreté, par exemple sur l’éducation ou la santé. Tout cela m’a incité à développer davantage de recherches interventionnelles en santé publique au service des plus vulnérables », explique-t-il. Marc Bardou a soutenu sa thèse de médecine en 1996 et sa thèse de science en 2000. En 2008, il a rejoint l’Inserm en créant un Centre d’investigation clinique (CIC) plurithématique au CHU de Dijon. Par la suite, en 2012, il a pris en charge la coordination du réseau national gynécologie-obstétrique des CIC de l’Inserm, une responsabilité notamment légitimée par ses travaux sur la menace d’accouchement prématurée. Il poursuit désormais ses recherches au sein de ce même CIC, tout en étant co-pilote de la cellule interministérielle Recherche au ministère des Solidarités et de la Santé. Il y apporte son expertise de chercheur pour aider au pilotage de la recherche préventive, thérapeutique et épidémiologique, dans le cadre de la pandémie Covid-19. 

Note :
* Centre d’investigation clinique 1432, Inserm/Université de Bourgogne/CHU de Dijon