Ganna Panasyuk : Explorer la face cachée du métabolisme

Chercheuse Inserm à l’Institut Necker-Enfants Malades (INEM), Ganna Panasyuk veut mieux comprendre comment les cellules identifient et utilisent les nutriments dont elles ont besoin, et comment elles savent où et quand les utiliser. Son projet de recherche entend plus spécifiquement mettre la lumière sur un versant mal connu du métabolisme cellulaire : le rôle des voies de dégradation et l’impact de leur dysfonctionnement sur la santé. Elle vient pour cela d’obtenir un financement du Conseil européen de la recherche (ERC Consolidator Grant).

Ganna Panasyuk

Quel est l’objectif des travaux pour lesquels vous avez reçu le soutien de l’ERC ?

L’objectif général de mon projet, Metabolic integration by nutrient SENSing (MetaboSENS), est de mieux comprendre les mécanismes qui régissent le métabolisme cellulaire, c’est-à-dire l’ensemble des réactions qui permettent aux cellules de synthétiser (anabolisme) ou de dégrader (catabolisme) des molécules pour assurer leurs fonctions, croître et se multiplier. C’est un sujet important car des changements métaboliques sont associés, ou sont même à l’origine, de nombreuses maladies. 

La protéine mTOR s’est révélée essentielle dans le contrôle des processus liés à la croissance : elle-même activée par la présence de nutriments (acides aminés, glucose), elle déclenche à son tour des cascades de réactions métaboliques stimulant la croissance cellulaire. Notamment, ces dysfonctionnements sont associés aux nombreuses maladies comme les cancers et le diabète. Cette protéine a d’autant plus retenu l’attention qu’elle est présente dans toutes les cellules eucaryotes, de la levure aux mammifères, témoignant de son rôle essentiel dans le métabolisme. 

Mon ambition est de créer un domaine de recherche fondamental sur les voies de signalisation qui peuvent contrebalancer celle contrôlée par mTOR. Notre conviction est qu’il existe une autre voie qui contrôle les processus de dégradation. Nous nous fondons sur le fait que, chez la levure, les mécanismes d’autophagie qui se mettent en place en cas de restriction alimentaire dépendent d’un complexe protéique (VPS34 et VPS15) qui, comme mTOR, a été conservé au cours de l’évolution. Chez l’humain, le complexe de ces protéines est connu sous le nom de PI3Kinase de classe III. Nous proposons d’étudier quelles activités métaboliques il contrôle, et par quels mécanismes il agit. Nous voulons également savoir si son dysfonctionnement est lié à des pathologies humaines. 

Qu’est-ce qui fait l’originalité du projet MetaboSENS ?

Le projet est très intégratif. En partant de questions portant sur le fonctionnement cellulaire, nous cherchons à qualifier l’impact de la PI3-kinase de classe III sur le métabolisme global de la souris, puis à identifier si des dysfonctionnements de ce complexe sont à l’œuvre dans des maladies métaboliques rares chez l’humain.

Nous avons obtenu des résultats préliminaires encourageants dans un modèle de souris créé par notre équipe, dans lequel l’absence de cette enzyme dans le foie entraîne de très graves dysfonctionnements métaboliques. 

Enfin, nous disposons d’un environnement de recherche propice au campus Hôpital Necker à l’Institut Necker-Enfants Malades. Grâce aux médecins associés à l’équipe, nous allons explorer des maladies rares dont la cause n’est pas identifiée, afin de rechercher d’éventuelles déficiences des fonctions de la PI3-kinase de classe III. Nous bénéficierons aussi des plateformes de la structure fédérative de recherche du campus pour réaliser nos analyses (génétiques, métaboliques, transcriptionnelles…). 

Que va permettre le financement de l’ERC que vous venez de recevoir ?

Cette bourse de 2 millions d’euros sur 5 ans va nous permettre de financer les analyses moléculaires et de créer d’autres modèles murins pour découvrir le rôle de cette voie de signalisation dans le métabolisme. Elle nous donnera une excellente visibilité internationale et va également permettre d’étoffer l’équipe en embauchant les meilleurs scientifiques pour réussir dans ce défi. C’est une formidable impulsion pour ce nouveau domaine. 

C’est l’aboutissement d’un parcours ?

Le métabolisme est un domaine qui me fascine car c’est la base de la vie. Déjà, au cours de ma thèse, j’ai travaillé sur les principales voies de régulation de la croissance (mTOR, PI3K, S6K) dans le laboratoire de Valeriy Filonenko à Kiev (Institute of Molecular Biology and Genetics), en étroite collaboration avec le Ludwig Institute for Cancer Research de Londres. Mes choix professionnels se sont précisés au cours d’un post-doctorat effectué dans le laboratoire de Ivan Gout, à l’University College London. J’y ai découvert une forme courte de la protéine mTOR, impliquée dans la prolifération cancéreuse. C’est là que j’ai réalisé que je voulais continuer la recherche sur les voies de régulation du métabolisme, mais en y associant un travail sur des modèles animaux et sur les pathologies humaines. J’ai rejoint l’équipe Inserm de Mario Pende, d’abord en tant que post-doctorante puis en tant que chargée de recherche, en me spécialisant sur les voies de signalisation des PI3-kinases. En 2016, j’ai reçu une bourse ANR jeune chercheur qui m’a permis de réaliser les travaux qui ont étayé mon dossier pour décrocher le financement de l’ERC. 

Ganna Panasyuk est co-responsable de l’équipe Contrôle de la croissance cellulaire par les nutriments, au sein de Institut Necker-Enfants Malades, l’unité 1151 Inserm/CNRS/Université Paris Descartes, à Paris. 

Pour en savoir plus sur ses travaux :