L’apnée du sommeil au théâtre

« L’apnée du sommeil au théâtre » est l’épisode 10 de la saison 1 des Volontaires, le podcast de l’Inserm avec les citoyennes et les citoyens qui font avancer la recherche médicale.

L’apnée du sommeil est une maladie chronique lourde de conséquence.
Son traitement est le port d’un masque qui envoie de l’air dans les voies respiratoires via une machine que les patients doivent porter toutes les nuits. Un dispositif contraignant qu’ils ont souvent du mal à supporter. Pour mieux les comprendre et les aider, des chercheurs de l’Inserm ont travaillé avec des volontaires et une troupe de théâtre. Résultat : une pièce qui a été jouée à Grenoble devant des scientifiques et des patients et à laquelle le journaliste et docteur en neurosciences Chandrou Koumar a assisté. Lever de rideau sur un spectacle aux vertus libératrices !

Invités

  • Sébastien Bailly, pharmacien et biostatisticien au laboratoire Hypoxie et physiopathologies (HP2) à La Tronche
  • Héléna Revil, chercheuse en sciences politiques et en sociologie au laboratoire de sciences sociales PACTE (université Grenoble Alpes)
  • François Goy, comédien dans la compagnie La Pagaille

Écouter l’épisode

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Durée (13 min 42)

Transcription de l’épisode

Générique/musique

Chandrou : Bonjour, pour ce nouveau rendez-vous, je suis à Grenoble pour assister à une pièce de théâtre originale au service de la recherche. 

Dialogue du spectacle : « Tu dors beaucoup, mais tu es tout le temps fatigué ! »

Chandrou : Eh oui, les volontaires sont aussi une source d’inspiration pour le théâtre.

Dialogue du spectacle :

« – Mais Leïla, tu ronfles dans toutes les positions.

– Est-ce que ça fait plus comme… le bruit d’un moteur ou du vent très fort à faire claquer les volets ? »

Musique

Chandrou : Vous écoutez le podcast Les volontaires dans lequel on va à la rencontre de celles et ceux qui participent à la recherche médicale de l’Inserm. L’Inserm, c’est le seul organisme de recherche publique entièrement dédié à la santé humaine. Je suis Chandrou Koumar, journaliste et docteur en neurosciences. On se retrouve pour se poser une question plus complexe qu’il n’y paraît : pourquoi de nombreux patients cessent de prendre leur traitement alors qu’il peut réduire leurs symptômes ?

Dialogue du spectacle : « Mais pourquoi vous tenez absolument à me remettre cette machine ? »

Chandrou : Des scientifiques s’intéressent à l’apnée du sommeil et pour comprendre l’implication de chaque acteur dans la chaîne de soin, ils ont monté une pièce de théâtre. Leur but ? Avoir les réactions des soignants face aux témoignages des patients.

Une spectatrice : C’est la première fois que j’ai vécu ça. J’ai trouvé ça vraiment très riche, merci.

Applaudissements

Chandrou : Cette étude scientifique originale, c’est le projet SOCIO-SAS et j’ai déjà hâte de découvrir leur étonnant dispositif.

Applaudissements

Et comme je le dis à qui veut bien m’écouter : la science, c’est avant tout une aventure humaine. Je vais donc à la rencontre de Catherine, volontaire dans l’étude SOCIO-SAS.

Catherine : Je suis ici parce que j’ai fait l’objet d’une étude suite à une recherche d’apnée du sommeil.

Chandrou : Ainsi que du scientifique Sébastien Bailly, du laboratoire HP2 Inserm.

Sébastien Bailly : Je suis pharmacien et biostatisticien.

Chandrou : Et d’Héléna Revil du laboratoire Pactes, avec qui il collabore.

Héléna Revil : Je suis chercheur en sciences politiques et en sociologie.

Fin musique

Chandrou : La dernière fois que je suis venu à Grenoble, c’était pour le premier épisode de la série et on se penchait sur les perturbateurs endocriniens. Mais aujourd’hui, je suis à la Maison des sciences humaines Alpes et j’attends patiemment le début de la pièce de théâtre. Celle-ci, jouée par les comédiens de la compagnie La Pagaille, met en scène une synthèse des propos des patients volontaires de l’étude SOCIO-SAS ainsi que ceux de leurs soignants récoltés par des sociologues. 

Pourquoi ont-ils stoppé le traitement régulant leur apnée du sommeil ? Ou, à l’inverse, comment sont-ils parvenus à continuer le traitement ? 

Autant de réponses qui intéressent les médecins, les acteurs de soins et les volontaires-patients présents dans le public.

Bonjour Catherine. Est-ce que vous vous attendiez à être la source d’inspiration, la muse d’une pièce de théâtre autour de la science ?

Catherine : Pas du tout. Et même à la limite, je l’apprends aujourd’hui (rires) et ça ne me gêne pas du tout. J’ai pas de problème avec ça. Après tout, si ça peut servir à d’autres personnes, c’est aussi le but. C’est un peu pour ça que j’ai accepté d’être volontaire. Donc si ça permet, ce que ce que j’ai dit, ce que j’ai ressenti, permet d’être développé et diffusé. Si ça peut aider les personnes, tant mieux !

Chandrou : Catherine souffre d’apnée du sommeil. Et bien l’étude SOCIO-SAS s’y intéresse et elle a débuté en 2022 et elle concerne 250 patients volontaires et a suivi leur prise de traitement pendant six mois.

Dialogue du spectacle : « Alors ce qui est vraiment important, c’est de conserver l’appareillage un minimum de 4 heures par nuit pour garantir l’efficacité du traitement. Ça, ça va vous permettre de baisser votre nombre d’apnée par heure et vous allez très vite ressentir les effets dans votre quotidien. »

Chandrou : Sébastien Bailly, pharmacien et biostatisticien de l’étude SOCIO-SAS. Il fait aussi partie du public de la pièce de ce soir.

Sébastien Bailly : Alors le syndrome d’apnée du sommeil, c’est une maladie chronique qui touche le sommeil, comme son nom l’indique, avec des obstructions des voies aériennes pendant la nuit qui provoquent des apnées, donc des arrêts respiratoires et donc un manque d’oxygène pour l’organisme. Et les conséquences, c’est le lendemain, à force d’avoir des réveils dans la nuit, on est plus fatigué, il y a plus de risques d’accident et aussi pour l’organisme, c’est une privation d’oxygène. Donc il y a des conséquences cardiovasculaires et métaboliques plus sur le long terme. 

Il y a beaucoup d’études, beaucoup de questions qui sont posées sur comment on peut comprendre le problème de l’observance au traitement, puisqu’en fait le traitement de l’apnée du sommeil dans les cas sévères, c’est un traitement par pression positive continue. Donc c’est un masque que les personnes doivent porter la nuit et qui envoie de l’air pour garder les voies aériennes ouvertes.

Dialogue du spectacle :

« – Je suis ton père… Ahahah ! Vous n’avez pas vu Star Wars ?

– Si si ! Non, vous allez voir, les modèles ont beaucoup évolué, c’est pas si impressionnant que ça. »

Chandrou : C’est une grosse machine.

Sébastien Bailly : C’est une machine qui est posée à côté du lit, qui fonctionne avec un ventilateur, avec un tuyau et un masque et qui est porté. Et l’observance au traitement n’est pas bonne.

Chandrou : Observance au traitement, c’est-à-dire en gros la capacité du patient à respecter entre guillemets la prescription et à bien utiliser la machine dans les bonnes conditions. 

Sébastien Bailly : Exactement, c’est de pouvoir le respecter un temps, on va dire minimum qui est théorique d’utilisation de la machine la nuit et chaque nuit.

Chandrou : Tant qu’on souffre de l’apnée du sommeil. On doit continuer à utiliser la machine, donc potentiellement jusqu’à la fin de sa vie une fois qu’on a le diagnostic.

Sébastien Bailly : Voilà, c’est possible.

Dialogue du spectacle :

« – Attendez, vous voulez dire que je vais devoir dormir avec cette machine tout le temps ?

– Oui, mais vous allez très vite voir les bénéfices au quotidien. »

Chandrou : Dans le public. Il y a aussi Héléna Revil, sociologue au laboratoire Pactes, qui collabore avec le laboratoire Inserm HP2. Héléna a discuté avec de nombreux volontaires qu’ils aient maintenu leurs traitements ou non.

Héléna Revil : L’idée, vraiment, c’était de comprendre le rapport des patients avec ce traitement-là, de discuter de manière très simple de comment ça se passait pour eux et qui nous racontent en effet les différentes étapes de leur prise en charge et qu’ils nous disent ce qu’ils ne disent parfois pas, en effet, aux professionnels de santé, et c’est vraiment l’idée de mettre en discussion ce qu’on a pu effectivement collecter à travers ces entretiens. La compagnie La Pagaille a vraiment assumé tout le processus de création, de l’écriture de la pièce à sa mise en scène. Nous, on est juste là, entre guillemets, pour transmettre une synthèse des analyses qu’on a réalisées à partir des entretiens menés avec les patients.

Chandrou : Catherine, volontaire dans l’étude SOCIO-SAS.

Catherine : J’ai envie de dire aussi que, par exemple, l’appareil, c’est pas l’idéal, même si on a fait beaucoup de progrès. Bon, moi je suis insomniaque, en plus, donc c’était tout de suite très compliqué et ça, on n’en parle pas beaucoup. Il y a tous les défauts de l’appareil, mais tout le monde vous dira « On peut pas bouger, on est sanglé sur son lit. Dès qu’on bouge, il y a tout qui bouge, donc on est réveillé donc... » Mais ces trucs-là, on essaie de vous dire : « Mais c’est pas grave, vous allez vous habituer ». C’est pas tout à fait vrai. Alors il y a des gens qui souffrent beaucoup et pour lesquels c’est nécessaire et ils sont vraiment obligés d’être appareillés. Moi pour finir, je dormais pas du tout. Alors déjà je dors peu, si en plus je dormais pas du tout avec l’appareil… Mais il faut le dire. Je veux dire… si on ne le dit pas franchement, ouvertement, personne ne saura et les choses vont pas se… Et autant que ça passe justement par une pièce de théâtre, par des podcasts, parce que c’est une parole qu’il faut diffuser.

Héléna Revil : Le théâtre, c’est un très bel outil pour ne pas incriminer qui que ce soit, mais pour permettre de mettre en discussion.

Dialogue du spectacle :

« – Je comprends votre point de vue et vos difficultés. Je prends toujours mes décisions en fonction de ce que je pense être le mieux pour le bien de mes patients. Donc je vous propose de prendre le temps de retrouver un rythme de sommeil satisfaisant et dans trois mois, on repart à zéro : je vous réexplique les différentes possibilités de traitement, on avise et on prend une décision ensemble. Ça vous convient ?

Oui, c’est d’accord, merci. »

Applaudissements

Chandrou : La pièce est maintenant terminée et je suis très curieux de savoir ce qu’en pensent les uns et les autres

Je ne sais pas qui parle…

De ma place dans le public j’ai entendu des réactions, des agacements, j’ai entendu des rires, du coup, qu’est-ce qu’il en est pour vous ?

Rires

Catherine, dans le public : Je pense qu’on peut déjà dire qu’on a tous plus ou moins retrouvé, sinon dans la totalité, du moins dans certaines scènes, des 

des expériences qu’on a eues, ce qui nous a fait sourire ou agacé parce que ce sont des discours qu’on a entendu et qu’on a peut-être plus du tout envie d’entendre d’ailleurs…

Une spectatrice : Je trouve que ça fait tellement réfléchir la façon dont vous le présenter. Vraiment, je vous félicite. Ça fait réfléchir que tous, collectivement, on a des choses à faire dans la communication, dans la décision médicale partagée.

Un spectateur : Je voulais rajouter par rapport à la libido, parce que de mettre un tout un appareillage, c’est une espèce de rituel du soir qui est un peu tue l’amour en fait. Bon moi de mon côté on est deux appareillés donc ça marche, il pas de problème.

Rires

Catherine, dans le public : Mais quelques fois j’avais envie de dire au médecin ou au paramédical : « Mais vous savez de quoi je parle » ? 

Une spectatrice : Et en fait, parfois on peut plus accompagner le patient, on a tout fait et donc on s’en remet à la décision du médecin et le médecin ne nous répond pas forcément.

François : Ouais, donc je suis François Goy, comédien dans la compagnie La Pagaille et moi j’ai beaucoup aimé l’exercice de s’emparer donc des récits qui viennent des entretiens. Et en même temps, je trouve que ça mettait quand même pas mal la pression. C’est une grosse responsabilité de représenter des vécus qui ne sont pas les nôtres. Sachant que pas mal de personnes concernées étaient dans la salle et du coup ça mettait, ça donnait vraiment l’envie d’essayer de comprendre au maximum ce qui se passe dans la vie de ces gens-là. Et donc le travail de création de personnage a été hyper important, hyper intéressant et je suis très content des retours qu’il y a eu ce soir de la part des gens dans la salle qui ont dit que, à priori, ça leur parlait la manière dont on s’en était emparé.

Musique

Catherine : Le théâtre est un très bon médium pour expliquer aux gens ce qui se passe, leur faire participer, c’est beaucoup plus parlant, c’est beaucoup plus simple. 

Chandrou : Est-ce que vous êtes fier d’avoir inspiré la pièce maintenant que vous l’avez vue ?

Catherine : Ouais, je ne l’ai pas inspirée tant que ça. Mais oui, mais ça me fait plaisir quelque part, que ce pour quoi j’ai participé aboutisse à ce genre de théâtre. Non, mais je trouve ça très bien.

Héléna Revil : À l’issue de cette représentation, je suis encore plus convaincue que dans le monde de la recherche, il faut aller vers des formes de valorisation qui sont aussi de la valorisation artistique.

Chandrou : Énormément de choses ont été dites là, du coup, dans la discussion post-pièce, qu’est-ce que vous allez en ressortir de ça ? En quoi ça va être utile à l’étude SOCIO-SAS et aux patients, encore une fois, comme Catherine ?

Héléna Revil : On va en ressortir des éléments qui viennent conforter des résultats sur lesquels on va pouvoir assez classiquement publier, et on va en ressortir des éléments qui vont permettre de créer des petits collectifs pour travailler et continuer à avancer ensemble. Je pense qu’il y a aussi des patients qui ont envie de continuer à faire partie de cette recherche, mais pas simplement en tant que objet de la recherche dans le sens vraiment du volontaire qui a envie de créer aussi les outils de la recherche, de participer à l’analyse.

Catherine : Parce que je pense que l’expérience, notre expérience de patient, quelle qu’elle soit, elle est utile et elle permet plus ou moins de faire avancer la recherche. Merci à vous.

Musique

Chandrou : J’ai été surpris par la pièce de théâtre de ce soir. Je n’avais jamais vu du théâtre documentaire qui permet de libérer la parole, comme ça a été le cas. Et on peut dire que les échanges de ce soir ont été riche en émotions. À très vite pour de nouvelles rencontres scientifiques avec les volontaires. Merci d’avoir écouté cet épisode consacré aux volontaires qui participent à la recherche sur le syndrome de l’apnée du sommeil. Les volontaires, c’est un podcast de l’Inserm produit par Maison K Prod. À bientôt pour de nouvelles aventures et de nouvelles études en recherche médicale. Et si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à vous abonner et à le partager autour de vous et si vous le pouvez, pensez à nous mettre cinq étoiles sur votre application, ça nous aide vraiment. Partagez, likez !

Musique fin

Autour de l’épisode

Une série créée par l’Inserm, orchestrée par Chandrou Koumar, journaliste et docteur en neurosciences et produite par MaisonK Prod. Musique et mixage : Ben Molinaro. Graphisme : Anna Toussaint.