Syndrome de Rett

Une déficience intellectuelle sévère et progressive, exclusivement féminine

Le syndrome de Rett est une maladie rare qui altère le développement du système nerveux central (SNC). Il se manifeste par une régression rapide des acquis après 6 à 24 mois de développement normal. Les petites filles malades ont une déficience intellectuelle sévère et présentent des complications multiples, dont des troubles respiratoires et cardiovasculaires. Aujourd’hui, une prise en charge globale des symptômes leur permet de vivre plusieurs dizaines d’années. Des travaux de recherche offrent même l’espoir de parvenir un jour à guérir la maladie, par thérapie génique.

Dossier réalisé en collaboration avec Laurent Villard et Jean-Christophe Roux, unité 1251 Inserm/Aix Marseille Université, Marseille Medical Genetics Center (MMG), Marseille

Comprendre le syndrome de Rett

Le syndrome de Rett est un désordre neurologique grave, causé par une mutation affectant un gène situé sur le chromosome sexuel X. Ce syndrome n’est pas pour autant familial : la mutation n’est pas présente chez les parents, elle apparaît accidentellement dans l’une des gamètes au moment de la fécondation. 

La maladie touche exclusivement les filles, même si certaines maladies cliniquement proches – dites Rett like – peuvent aussi concerner les garçons. La maladie apparaît le plus souvent entre le 6e et le 24e mois de l’enfant, après un développement normal durant les premiers mois de vie. 

Le syndrome de Rett concerne 1 naissance sur 10 à 15 000, ce qui représente 40 à 50 nouveaux enfants malades chaque année en France, et 9 000 dans le monde. La maladie correspond à 2 à 3% de l’ensemble des cas de déficience intellectuelle profonde, et à 10% de ceux recensés chez la femme. 

MECP2, chef d’orchestre inopérant

L’origine génétique de la maladie a été démontrée en 1999 : chez 95% des enfants touchés par ce syndrome, elle est associée à une mutation du gène MECP2. Chez les 5% restants, une mutation peut être présente au niveau d’autres gènes (CDKL5, FOXG1…), conduisant à un syndrome Rett Like. Néanmoins, aucune mutation n’est mise en évidence dans 2% des cas. 

Depuis la découverte du gène MECP2, le rôle de la protéine pour laquelle il code a été exploré : il s’agit d’un modulateur très important de l’expression de plusieurs centaines de gènes de notre génome. La protéine MECP2 est très abondante au niveau cérébral, où sa concentration est mille fois supérieure à celle d’autres facteurs de transcription. On la trouve également dans les autres tissus de l’organisme, de manière moins abondante. Au niveau du tissu nerveux, la protéine MECP2 assure le fonctionnement harmonieux des neurones, mais aussi celui d’autres cellules comme les cellules gliales. Dans le syndrome de Rett, la mutation du gène rendrait la protéine inopérante. Le système nerveux serait alors incapable de fonctionner normalement. 


Mutations de MECP2, MECP2-pathies et syndromes Rett Like

Seule la moitié des patients porteurs d’une mutation du gène MECP2 sont atteints par le syndrome de Rett. Chez les autres, la variation génétique présente entraîne des troubles neurologiques de sévérité variable. L’ensemble de ces maladies affectant le fonctionnement cérébral et ayant une composante génétique commune est regroupé sous le terme de MECP2-pathies. Leur diversité souligne le rôle clé de MECP2, véritable chef d’orchestre de l’organisation du système nerveux central. La parfaite compréhension de son rôle dans l’organisme pourra non seulement être utile à la prise en charge des malades atteints de MECP2-pathies, mais elle devrait aussi bénéficier à des patients souffrant d’autres maladies du cerveau et à l’ensemble des neurosciences. 

Par ailleurs, dans certains cas, le chromosome X peut présenter deux ou trois copies du gène MECP2, au lieu d’une seule. C’est ce que l’on appelle le syndrome de duplication, associé à une surexpression de la protéine, qui se traduit également par une déficience intellectuelle et par des troubles moteurs. Cette observation permet de supposer que la quantité de MECP2 présente dans les tissus doit être régulée de façon précise : elle ne doit être ni trop faible, ni trop élevée, pour assurer le bon fonctionnement du tissu neuronal. 

Enfin, il existe des formes atypiques du syndrome de Rett, qui présentent certaines ressemblances cliniques mais qui ne sont pas liées à une mutation du gène MECP2. Certaines sont associées à des mutations des gènes CDKL5 ou FOXG1. Ces pathologies sont appelées syndromes Rett Like.


Un handicap profond d’apparition précoce et progressive

Dans sa forme typique, le syndrome de Rett apparaît après des premiers mois de vie au cours desquels le développement de l’enfant est normal. La fillette voit alors son développement cérébral, sa croissance, son apprentissage du langage et ses acquis psychomoteurs (marche, coordination) s’arrêter et décliner sur plusieurs mois à plusieurs années, pour se stabiliser ensuite. L’enfant présente un polyhandicap important avec une déficience intellectuelle sévère, accompagnée par : 

  • des mouvements stéréotypés et répétitifs des mains
  • des troubles respiratoires (hyperventilation ou apnée)
  • une épilepsie
  • une spasticité (posture raide et contractures involontaires)
  • une scoliose….

L’enfant perd son intérêt pour les interactions sociales et ne suit plus les personnes ou les objets du regard, même si ces manifestations peuvent connaître ensuite une certaine amélioration. Dans 50% des cas, elle ne marche pas et perd parfois sa capacité à s’asseoir. Souvent des troubles de la déglutition existent, favorisant l’apparition d’une dénutrition. 

L’enfant vit ainsi pendant des années, voire des dizaines d’années. La maladie n’est pas mortelle, mais ce sont les complications cardiorespiratoires ou nutritionnelles qui raccourcissent souvent l’espérance de vie des malades. 

En pratique, la sévérité de la maladie est hétérogène en raison de l’inactivation du chromosome X, un mécanisme épigénétique qui s’instaure chez les filles avant la naissance, in utero. Ce mécanisme vise à assurer un dosage génique équivalent chez les filles (qui présentent deux chromosomes X) et chez les garçons (qui n’en présentent qu’un seul) : concrètement un des deux chromosomes X est inactivé dans chaque cellule de l’organisme féminin. Ainsi, dans le syndrome de Rett, chaque patiente est une « mosaïque » de cellules qui expriment l’une ou l’autre copie (normale ou mutée) du gène MECP2. La sévérité des symptômes associés dépend donc de la proportion des cellules exprimant la protéine MECP2 mutée par rapport à celles exprimant la protéine normale. 

Utiliser la génétique pour conforter le diagnostic clinique

Le diagnostic repose en premier lieu sur la présence d’un certain nombre des symptômes typiques de la maladie, présentés ci-dessus et définis par le RettSearch Consortium en 2010, en l’absence de lésions cérébrales secondaires à un traumatisme, une maladie neurométabolique ou une infection sévère. 

Pour confirmer le diagnostic, des tests génétiques sont réalisés de manière systématique. La mutation du gène MECP2 est recherchée dans le génome de l’enfant à partir d’une simple prise de sang. Avec l’avènement du séquençage haut débit, il est désormais possible de rechercher simultanément des mutations de gènes impliqués dans d’autres types de déficiences intellectuelles ou dans l’apparition des phénomènes épileptiques. On dispose ainsi de moyens permettant de poser un diagnostic différentiel. C’est ainsi qu’on pourra aussi identifier la mutation, excessivement rare, des gènes CDKL5 et FOXG1.

Traiter les symptômes

Malgré l’intensité de la recherche dédiée, il n’existe pas, pour l’heure, de traitement spécifique du syndrome de Rett. Les traitements et prises en charge aujourd’hui proposés aux patientes permettent d’optimiser leur développement psychomoteur et somatique, de prendre en charge les troubles associés au syndrome (digestifs, respiratoires, osseux…) et d’améliorer leur qualité de vie. 

Pour cela, la prise en charge allie des traitements pharmacologiques (prise en charge de l’épilepsie, de la fragilité osseuse, des troubles du sommeil, du reflux gastro-œsophagien…) et une prise en charge non pharmacologique (kinésithérapie, orthophonie, ergothérapie, prévention de la dénutrition…). 

Les enjeux de la recherche

Grâce à une mobilisation forte des associations de patients et la médiatisation de la maladie sur le plan international, les recherches sur le syndrome de Rett ont bénéficié de financements importants. Des innovations thérapeutiques pourraient bientôt voir le jour, même s’il faut rester prudent quant à l’aboutissement des différentes approches actuellement développées. 

Schématiquement, deux types d’approches sont envisagées pour traiter cette maladie : 

Les approches pharmacologiques

Elles visent à soulager un symptôme ou à pallier une difficulté rencontrée par le patient grâce à un traitement médicamenteux. Il s’agit de traitements dit symptomatiques.

La désipramine, qui module certains neurotransmetteurs, a par exemple fait l’objet d’études cliniques pour améliorer le fonctionnement respiratoire, particulièrement altéré dans la maladie. Pour l’heure, les premiers résultats issus d’essais français sont mitigés car il existe une forte hétérogénéité de réponses d’une patiente à l’autre, pour une même dose administrée. D’autres molécules présentant un mécanisme d’action proche (comme la mirtazapine) doivent cependant être évaluées prochainement. 

Les approches de thérapie génique

Encore expérimentales, les approches de thérapie génique pourraient apporter une amélioration voire une guérison définitive de la maladie. Le principe est d’introduire une copie fonctionnelle du gène MECP2 dans les neurones malades, afin qu’il remplace durablement la copie défectueuse.

Délivrer un gène fonctionnel dans des cellules malades nécessite un vecteur qui en assurera le transport. Et pour atteindre les neurones du système nerveux central, il est nécessaire d’utiliser un vecteur capable de passer la barrière hématoencéphalique (BHE). Pour améliorer l’efficacité de l’approche, l’augmentation transitoire de la perméabilité de cette barrière au moment du traitement est envisagée, grâce à des méthodes physiques comme la sonoporation par ultrasons.

Chez la souris, l’introduction du gène MECP2 par thérapie génique offre un soulagement important des symptômes chez l’animal jeune. Cet effet est cependant moins significatif si le traitement est réalisé sur des souris plus âgées, chez lesquelles la maladie est bien établie, une difficulté qui devra être contournée pour espérer une application clinique chez l’enfant. De plus, les futurs essais cliniques de thérapie génique devront éclaircir la question des taux de MECP2 à atteindre dans un contexte où les patientes présentent une expression hétérogène du gène normal (patientes mosaïques) : l’approche devra permettre d’introduire le gène-médicament uniquement dans les cellules exprimant le variant muté. 

D’autres approches, voisines, visent non plus à introduire le gène normal dans les cellules malades mais à y réactiver le chromosome X inactivé : elles sont appelées « approches de réactivation du chromosome X ».

Enfin, la correction de la mutation grâce aux ciseaux moléculaires Crispr/Cas9 est étudiée. Cette approche pose encore un certain nombre de difficultés techniques, notamment pour cibler les cellules présentant effectivement le variant muté. 


La perspective du facteur neurotrophique BDNF

Une alternative au rétablissement de la voie du MECP2 est de rétablir le fonctionnement des protéines d’intérêt qu’elle devrait réguler. Parmi les nombreux gènes soumis à l’influence de MECP2, le gène BDNF code pour un facteur neurotrophique déterminant pour la survie, le développement et la plasticité neuronale. Dans le syndrome de Rett, les vésicules axonales qui transportent normalement le BDNF dans la cellule sont rares et lentes, et les neurones sont peu développés et connectés. 

Dans un modèle animal de la maladie, accroître la mobilité du BDNF a permis de pallier sa faible concentration dans le neurone et d’améliorer les symptômes présentés par les souris. Si cette preuve de concept permet d’envisager des applications cliniques, il n’est malheureusement pas possible d’envisager l’administration de BDNF chez l’Homme, car ce facteur neurotrophique n’est pas capable de passer la barrière hématoencéphalique (BHE). Deux approches sont donc envisagées pour accroître la présence du BDNF dans les neurones : des traitements pharmacologiques (fingolimod, acétate de glatiramère, FK506…), et la thérapie de substitution (grâce à un vecteur viral de thérapie génique). 


Pour aller plus loin

Associations de patients