Hépatite B

Une infection potentiellement grave contre laquelle un vaccin offre une protection efficace

L’hépatite B est une maladie du foie causée par un virus à ADN de la famille des hepadnavirus. Non diagnostiquée, elle peut évoluer vers une cirrhose, voire un cancer du foie. Avec 350 millions de personnes atteintes à travers le monde, c’est une des maladies chroniques les plus fréquentes. Pourtant un vaccin permet de s’en prémunir.

Dossier réalisé en collaboration avec Philippe Roingeard, directeur de l’unité 1259 Inserm/Université de Tours.

Comprendre l’hépatite B

L’hépatite B chronique est une maladie liée au virus de l’hépatite B (VHB). L’infection reste le plus souvent asymptomatique pendant de nombreuses années. Non diagnostiquée, elle peut évoluer et exposer les personnes contaminées à un risque élevé de cirrhose, puis de cancer du foie.

Dans notre pays, 3,2 millions de personnes auraient été en contact avec le VHB et plus de 280 000 souffriraient d’une forme chronique de l’infection. Ces chiffres se traduiraient par plus de 1 000 décès annuels dus à l’infection et à ses conséquences. 


Les six virus de l’hépatite

L’hépatite est un terme générique sous lequel on rassemble les pathologies caractérisées par une inflammation du foie. Deux types d’agents peuvent causer une hépatite : des virus et des produits toxiques (alcool, médicament…). On parle ainsi respectivement d’hépatites virales et d’hépatites toxiques.

Les hépatites virales, de loin les plus fréquentes à travers le monde, peuvent être dues à six virus différents : A, B, C, D, E et G, l’existence d’un virus de l’hépatite F, soupçonnée un temps, ayant été depuis infirmée. S’ils ont pour point commun de cibler le foie, ils présentent tous des structures très différentes, ce qui explique que chacun nécessite le développement de traitements préventifs ou curatifs spécifiques. 

Les virus de l’hépatite A (VHA) et de l’hépatite E (VHE) se transmettent en cas de conditions d’hygiène précaires, via l’eau ou des aliments contaminés ; on les retrouve dans les selles de personnes infectées. Les deux virus provoquent une hépatite aiguë qui disparaît après quelques semaines d’évolution. La maladie associée au VHE est souvent plus discrète que celle associée au VHA. 

L’hépatite D est due à un covirus du VHB qui ne touche que les personnes déjà contaminées par ce dernier. Les deux virus utilisent les mêmes voies de transmission. Se protéger du VHB permet de se protéger du VHD. Des travaux récents posent l’hypothèse que le VHD pourrait aussi utiliser d’autres virus humain pour se propager. Ces travaux restent toutefois très préliminaires et nécessiteront d’être confirmés. 


Le virus de l’hépatite G (VHG) se transmet par voie sanguine et n’entraîne que peu de symptômes. 


Pour en savoir plus sur l’hépatite C


Un virus hautement contagieux

Le virus de l’hépatite B se transmet facilement par le sang, le sperme et les sécrétions vaginales. En France, les nouvelles infections surviennent principalement lors de relations sexuelles non protégées avec une personne contaminée. Parallèlement, le partage de matériel d’injection ou de consommation de drogues est une voie de contamination possible pour les personnes toxicomanes. 

Le VHB est un virus bien plus contagieux que le VIH : il peut donc se transmettre dans l’entourage de la personne contaminée par le biais de matériel souillé par des traces de sang (coupe-ongles, rasoir, boucles d’oreilles…), ou via du matériel mal désinfecté utilisé pour l’acupuncture, le tatouage, le piercing… 

Le VHB peut également être transmis de la mère à l’enfant lors d’une grossesse ou d’un accouchement, si la mère n’est pas traitée (transmission du virus observée dans 40 à 90% des cas). Exceptionnel en France grâce au dépistage obligatoire du VHB pendant la grossesse, ce mode de contamination est très important dans les pays ne bénéficiant pas d’un système de santé efficace. 

Historiquement, les infections par transfusion sanguine ont été un facteur important de propagation du virus en France avant les années 1990. Mais depuis la découverte du virus et la mise en place de mesures adaptées, le risque lié aux transfusions sanguines est nul. 


Un vaccin injustement décrié

L’infection par le VHB peut être évitée en prenant des mesures de précaution vis-à-vis des principaux risques de contamination et en se faisant vacciner. 

Pour tous les enfants nés à partir du 1er janvier 2018 et tous ceux entrant en collectivité, la vaccination contre le VHB est incluse dans le schéma vaccinal obligatoire ciblant 11 pathogènes. Cette vaccination est proposée simultanément aux autres vaccins recommandés ou obligatoires chez les enfants en bas-âge. En France, le vaccin est en outre obligatoire pour les professionnels de santé à risque élevé d’exposition.

Les polémiques sur l’innocuité du vaccin expliquent qu’une partie de la population – essentiellement les adolescents et les jeunes adultes – ne soient actuellement pas protégés vis-à-vis du VHB. Pourtant, les données internationales sur l’utilisation de ce vaccin ne montrent pas de sur-risque de survenue d’une sclérose en plaques (SEP) chez les personnes vaccinées. Pour les experts, les signaux qui ont pu inquiéter dans les années 1990 s’expliquent par le fait que la vaccination qui devait initialement cibler les seuls enfants a ensuite été élargie aux adultes, c’est-à-dire à un âge auquel surviennent généralement les premiers symptômes de la SEP. La polémique est ainsi née de diagnostics posés dans les semaines ou les mois ayant suivi la vaccination. L’analyse de toutes ces données, ainsi que celles disponibles au niveau international, ne met pas en évidence de surrisque de maladie démyélinisante chez les sujets vaccinés par rapport aux autres. 


Une infection difficile à repérer aux stades précoces

Le VHB entraîne une hépatite aiguë survenant un à six mois après l’infection. Cette manifestation correspond à une phase de mobilisation importante de l’immunité contre la réplication active du virus : les mécanismes de défense de l’organisme détruisent les cellules infectées, provoquant chez un patient sur deux environ de la fièvre, des nausées, des vomissements, des urines foncées, des selles blanchâtres…. Chez les autres, cette phase reste asymptomatique. 

Chez 1% des patients environ, l’hépatite est dite fulminante : les mécanismes de dégradation du foie sont alors majeurs et mettent en jeu le pronostic vital. Ces patients nécessitent une transplantation hépatique en urgence. 

A l’issue de l’hépatite B aiguë, environ 90% des adultes contaminées se débarrassent du virus. Les autres restent définitivement contaminées et développent une hépatite B chronique. Il est difficile de prédire quelles sont les personnes qui pourront ou non éliminer le virus de leur organisme : l’état général de la personne, sa consommation d’alcool, la présence d’infections concomitantes et bien d’autres facteurs peuvent influencer l’évolution de la maladie. On sait aussi que le risque de passage à la chronicité est d’autant plus élevé que la contamination survient à un âge précoce. 

Les hépatites – documentaire – 14 min 35 – vidéo extraite de la série Grandes tueuses (2016)

Des complications tardives

L’hépatite B chronique est une maladie qui reste silencieuse durant de nombreuses années. Mais au cours cette période, le virus provoque des lésions au niveau du foie. Les cellules hépatiques infectées sont éliminées par le système immunitaire, puis peu à peu remplacées par un tissu fibreux cicatriciel. En l’absence de traitement, la fibrose progresse et peut aboutir au développement d’une cirrhose. A ce stade, on parle d’insuffisance hépatocellulaire. La capacité du foie à assurer ses fonctions habituelles est limitée et les symptômes sont multiples : ictère (jaunisse), augmentation de la taille du foie, risque d’hémorragie de l’œsophage ou du tube digestif… A terme, la cirrhose peut évoluer vers un cancer du foie (hépatocarcinome ou carcinome hépatocellulaire). 

Privilégier le dépistage précoce

En pratique, le diagnostic de l’infection par le VHB est souvent réalisé lorsque le patient consulte en raison des symptômes tardifs de la maladie. L’hépatite B a alors atteint un stade sévère que les traitements actuels ne soulagent que partiellement. Le dépistage précoce de la maladie, au stade asymptomatique, est indispensable pour limiter les conséquences de l’infection chronique. 

A défaut d’être vacciné, les experts préconisent un dépistage individuel de l’infection au moins une fois au cours de la vie, simultanément à celui du VIH et du VHC. Il est également recommandé de réaliser des dépistages réguliers après tout comportement à risque de contamination (rapport sexuel non protégé, voyage prolongé dans une zone endémique…). Le dépistage est également systématiquement réalisé chez les femmes enceintes. 

Le VHB peut être dépisté dès le troisième mois suivant l’infection. Le dépistage repose sur une analyse de sang. Plusieurs marqueurs sont recherchés, certains étant des constituants du virus – les antigènes (Ag) HBs et HBe – d’autres étant le témoin de défenses immunitaires que le patient développe contre le virus – anticorps (Ac) anti-HBs et anti-HBc. Cette analyse peut être réalisée en laboratoire d’analyses médicales sur prescription médicale ou dans un centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD).

Par ailleurs, il existe désormais des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), moins performants, mais qui présentent l’avantage d’être réalisables en temps réel à partir d’une simple goutte de sang prélevée au bout du doigt. S’ils doivent toujours être complétés par un test sanguin classique, ils constituent un outil complémentaire, particulièrement adapté pour être utilisé dans un contexte associatif auprès de populations à risque éloignées du soin (personnes précarisées, migrants, usagers de drogues…). 

Traitement au long cours

Le VHB est un virus à ADN et son génome peut s’intégrer dans celui des cellules infectées. C’est pourquoi il est difficile d’éradiquer le VHB de l’organisme une fois que la maladie est devenue chronique. Les traitements actuels permettent uniquement de contrôler la réplication du virus, limitant ainsi les conséquences de l’infection sur le foie. Ils ne permettent pas de guérir complètement l’infection, ni les lésions hépatiques. 

En pratique, l’objectif du traitement antiviral est de prévenir l’aggravation de l’atteinte hépatique afin d’améliorer l’espérance de vie des patients infectés. Son efficacité dépend du moment auquel le traitement est démarré, dépendant lui-même de trois paramètres : l’ampleur de la charge virale, reflétant l’activité du virus, l’élévation du niveau de marqueurs hépatiques, reflétant la souffrance tissulaire, et la sévérité de la fibrose. Les recommandations sur la prise en charge des patients infectés sont réactualisées régulièrement en fonction des données cliniques disponibles. Ces dernières années, elles ont permis d’élargir l’accès au traitement à des patients dont l’atteinte hépatique était moins sévère. 

Deux principales options de traitement sont aujourd’hui proposées : l’interféron pégylé 2‑alpha et les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (NUC).

  • L’interféron alpha est un immunomodulateur injectable qui possède également des propriétés antivirales. Prescrit sur une période de 6 à 12 mois, il permet d’inactiver le virus chez environ un tiers des patients qui peuvent alors arrêter le traitement. Toutefois, le VHB peut toujours se réactiver, même des années après, imposant une surveillance au long cours. Par ailleurs, c’est un traitement souvent mal toléré, associé à des effets indésirables fréquents comme un syndrome pseudogrippal, une fatigue ou des manifestations anxiodépressives.
  • Les analogues nucléosidiques ou nucléotidiques (NUC) bloquent la transcription du génome du VHB. Ils inhibent fortement la réplication virale mais expose à un risque de rechute à l’arrêt du traitement, du fait de leur efficacité uniquement suspensive. Ils sont généralement bien tolérés. Les molécules les plus largement utilisées sont les plus récentes (tenofovir, entecavir), permettant de contrôler la multiplication du virus tout en rendant exceptionnelle la survenue de résistance. Chez une minorité de patients, infectés par le sous-groupe des VHB présentant l’antigène HBe, le virus peut devenir inactif (ou « dormant ») : l’arrêt du traitement peut alors être envisagé.

Quelle que soit l’option choisie, la réponse au traitement est évaluée en dosant régulièrement la charge virale et des différents antigènes (recherche de l’élimination de l’HBeAg et normalisation des enzymes hépatiques) dans le sang. 

Les enjeux de la recherche

Par comparaison avec l’ampleur des récentes avancées dans la prise en charge de l’hépatite C, la recherche de nouveaux traitements anti-VHB est plus discrète. Toutefois, plusieurs pistes se dessinent aujourd’hui, laissant augurer d’innovations thérapeutiques ciblant des mécanismes clés jusqu’à présent méconnus. Il sera probablement difficile de réussir à complètement éradiquer le virus de l’organisme, mais les chercheurs travaillent dans ce sens. Les recherches en cours portent aussi sur la mise au point de traitements qui, seuls ou associés, permettront d’éviter toute apparition de résistance et augmenteront la proportion de patients qui atteignent le stade occulte de l’hépatite B. 

Sur un plan plus fondamental, la compréhension des mécanismes évolutifs de la fibrose et de la cirrhose continue à être approfondie afin d’identifier des facteurs prédictifs et de proposer des stratégies thérapeutiques spécifiques. Une meilleure connaissance des premières étapes de l’infection, de la réplication virale et de l’interaction entre le virus et l’immunité est aussi très importante pour envisager de réduire le taux de passage à la chronicité des épisodes aigus. 

On sait aujourd’hui que le matériel génétique du VHB adopte une forme particulière une fois dans les cellules hépatiques infectées (ADN circulaire clos de façon covalente ou ADNccc). Cette particularité lui offre à la fois la capacité de se répliquer et de se chroniciser sans être sensibles aux médicaments actuels. De nombreux travaux de recherche sont aujourd’hui consacrés à décrypter les mécanismes de formation et de dégradation de l’ADN ccc pour, à terme, disposer de nouvelles cibles thérapeutiques. Les phases préalables à sa formation (transcription virale) pourrait constituer une autre voie à cibler. D’autres équipes se consacrent plus volontiers à l’identification puis au ciblage des protéines de la capside virale (particule), décrites comme pouvant limiter la réponse immunitaire.

Parallèlement aux approches visant à guérir l’infection, une seconde voie est à l’étude : elle consiste à induire une activité immunitaire capable d’éliminer les cellules infectées par le VHB (lymphocytes T spécifiques anti-VHB, production d’anticorps neutralisants). 

Concernant le suivi de l’infection et de l’efficacité des traitements, les praticiens manquent encore de biomarqueurs directs et plus spécifiques que ceux utilisés aujourd’hui. En effet, l’AgHBs n’évolue qu’après plusieurs années. L’ARN viral, dont la présence a été récemment mise en évidence dans le sang, fait ainsi l’objet de travaux. 

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