Allergies

Un dérèglement du système immunitaire de plus en plus fréquents

L’allergie est un dérèglement du système immunitaire qui correspond à une perte de la tolérance vis-à-vis de substances a priori inoffensives : les allergènes. Si le nombre de personnes allergiques semble considérablement augmenté depuis plusieurs décennies, il existe aujourd’hui des solutions efficaces pour leur prise en charge, qu’il s’agisse de traitement médicamenteux ou de stratégie de désensibilisation.

Dossier réalisé avec la collaboration du conseil scientifique de la Société française d’allergologie

Comprendre les allergies

Les allergies peuvent avoir des manifestations cutanées (urticaire, dermatite), respiratoires (rhinite, asthme) ou généralisées (anaphylaxie) et leur prévalence a considérablement augmenté au cours des 20–30 dernières années dans les pays industrialisés : on estime aujourd’hui que 25 à 30% de la population est concernée par une maladie allergique. Et si les allergies sont particulièrement fréquentes chez les enfants et les jeunes adultes, tout le monde peut en souffrir, avec des variations selon les pays et l’âge.

Aujourd’hui, la prévalence de la dermatite atopique est évaluée à 15–20%, celle de l’asthme à 7–10 %, celle de la rhinite et de la conjonctivite allergique autour de 15–20%. La prévalence des allergies alimentaires oscillerait entre 2% chez l’adulte et 5% chez les enfants. 

Les mécanismes de l’allergie

Notre système immunitaire est spécialisé dans la reconnaissance des corps étrangers comme les parasites, les bactéries ou encore les virus. Quand l’un d’eux pénètre l’organisme, le système immunitaire produit des molécules spécialisées, chargées de reconnaître l’intrus puis de le détruire. L’allergie est un dérèglement du système immunitaire qui correspond à une perte de la tolérance vis-à-vis de substances a priori inoffensives : les allergènes

Pour que l’allergie se déclenche, deux conditions sont nécessaires : 

  • une prédisposition génétique,
  • une exposition à la substance allergène.

Les mécanismes à l’origine des maladies allergiques sont de mieux en mieux compris. Les maladies allergiques peuvent être dues aux anticorps et/ou aux lymphocytes T, des cellules spécialisées du système immunitaire. Ainsi, l’eczéma et l’asthme chronique sont causés par des lymphocytes T. Ces cellules infiltrent la peau et les bronches où elles sont activées par des allergènes eux-mêmes capables d’y pénétrer. Mais, la majorité des allergies sont causées par des anticorps, les immunoglobulines de type E (IgE). Elles sont dites IgE-dépendantes.

Chez les non allergiques, la fonction normale des IgE est de lutter contre les parasites. Ces anticorps sont couramment fabriqués par le système immunitaire. Ils circulent à l’état libre dans le sérum sanguin et sont aussi retrouvés associés à des cellules du système immunitaire particulièrement nombreuses dans la peau, les poumons et le tube digestif : les polynucléaires basophiles et les mastocytes tissulaires. Cela explique la localisation des symptômes allergiques. Lorsqu’un allergène se lie à des IgE associés à une de ces cellules, cette dernière est « activée ». Elle va alors relarguer des médiateurs chimiques : histamine, tryptase, leucotriènes, prostaglandines… Ces molécules sont responsables des rougeurs, sécrétions et œdèmes observés lors de la réaction allergique. 


Qu’est-ce que l’atopie ?

L’atopie est un phénomène héréditaire. Ce terme désigne la fabrication par le système immunitaire d’anticorps IgE spécifiquement dirigés contre une substance allergène. Les principales manifestations de l’atopie sont l’asthme, la rhinite et conjonctivite allergique et la dermatite atopique. 


Le diagnostic des allergies

Une allergie est diagnostiquée par un médecin allergologue. Au-delà du diagnostic, le médecin identifiera l’allergène responsable de l’allergie.

La visite commence par un interrogatoire minutieux, visant à détailler les symptômes, les circonstances déclenchantes, les antécédents du patient et de sa famille, son environnement (condition de vie habituel et occasionnel, école et loisir, exposition aux animaux domestiques, tabagisme passif…) et ses habitudes de vie. L’examen se poursuit par un examen clinique, en particulier des poumons (écoute des sifflements), des yeux (conjonctivite, eczéma sur la paupière), du nez (aspect et couleur de la muqueuse, présence de polypes, état de l’obstruction), de la peau… 

Lorsque la suspicion d’allergie est confirmée par l’interrogatoire et l’examen clinique, le médecin allergologue procède à des tests cutanés, les prick-tests. Ceux-ci peuvent être pratiqués dès les premiers mois de vie, dès lors qu’une allergie est suspectée. Le prick-test est le plus souvent effectué sur la face interne de l’avant-bras (parfois dans le dos chez le nourrisson). Il consiste à piquer l’épiderme, à l’aide d’aiguilles spéciales, au travers d’une goutte d’un extrait allergénique préalablement déposée sur la peau. Outre les allergènes à tester, le médecin dépose une goutte d’une solution « témoin négatif » (simple solution à la glycérine) et une goutte « témoin positif » (histamine et/ou codéine). Aucune réaction ne doit se produire au niveau du témoin négatif : il permet d’écarter une allergie de frottement (dermographisme). En revanche, une réaction locale doit s’observer au niveau du témoin positif : il permet de s’assurer que le patient n’est pas/plus sous l’effet des médications antiallergiques. 


Les examens sanguins

Les dosages les plus utilisés en allergologie concernent les immunoglobulines E spécifiques d’allergènes. Ces examens sanguins permettent de confirmer l’identité d’allergènes détectés lors des tests cutanés. Ce dosage est également utile lorsque les tests cutanés sont impossibles. 


La dernière étape du diagnostic d’une allergie passe par des tests de provocation : ils apportent la preuve d’un lien direct entre une sensibilisation et la pathologie observée. Ils sont réalisés par administration de l’allergène au niveau de la muqueuse respiratoire ou digestive. Ils sont limités par leur danger potentiel, leur complexité de réalisation et d’interprétation. Les tests de provocation restent toutefois un temps essentiel du diagnostic d’allergie alimentaire. Ils suivent des règles précises : ainsi, ils doivent être impérativement réalisés dans des structures aptes à prendre en charge des réactions allergiques graves, avec un personnel médical et non médical hautement spécialisé. 

Le traitement des allergies

La prise en charge des maladies allergiques est globale. Néanmoins, elle débute par l’éviction des allergènes mis en évidence par les tests d’allergie, lorsque cela est possible. Cette mesure d’éviction est associée à des traitements médicamenteux (principalement l’utilisation d’antihistaminiques), ainsi qu’à des mesures éducatives pour éviter les récidives et les crises d’allergie.

La désensibilisation, ou immunothérapie allergénique (ITA), a pour but de rendre le patient tolérant vis-à-vis de l’allergène responsable. C’est une sorte de traitement vaccinal des allergies, reposant sur l’administration régulière d’extraits allergéniques pendant une période prolongée, idéalement 3 à 5 ans. Néanmoins, les bénéfices sont beaucoup plus précoces, apparaissant nettement au bout de trois ou quatre mois. L’immunothérapie allergénique s’applique préférentiellement aux patients souffrant d’allergies aux acariens, aux pollens, ou au venin d’hyménoptères. Pendant longtemps, la désensibilisation se faisait par injections sous-cutanées, hebdomadaires puis mensuelles. Depuis plusieurs années, on tend à lui préférer la voie sublinguale, moins contraignante et mieux tolérée. Il s’agit de prendre le matin des gouttes d’allergènes, gardées deux minutes sous la langue puis avalées. Enfin, des comprimés sont maintenant disponibles pour certains allergènes. 

L’effet protecteur de la désensibilisation se prolonge habituellement plusieurs années après l’arrêt de celle-ci. Plusieurs études montrent, en outre, que ce traitement réduit le risque de développer d’autres allergies. 

Les allergènes

On distingue plusieurs catégories d’allergènes :

  • Les pneumallergènes ou aéro-allergènes 
    Ils pénètrent l’organisme par voie aérienne et respiratoire. Les plus fréquents sont les acariens, les poils d’animaux, les pollens et les moisissures. Il existe des pneumallergènes d’intérieur (ex : les acariens) et d’extérieur (ex : les pollens).
  • Les trophallergènes
    Ils pénètrent le corps par ingestion (voie alimentaire). Tous les aliments sont capables de déclencher une allergie, mais les principaux sont le lait de vache (PLV pour protéine du lait de vache), les œufs de poule et l’arachide. Citons également les poissons et fruits de mer, le sésame, les fruits à coque comme la noisette, les fruits et légumes avec la pomme, le céleri, le kiwi… Il faut aussi noter que diverses allergies croisées pollens-aliments sont décrites : les personnes sensibles au bouleau sont par exemple souvent atteintes par des allergies aux rosacées (pommes, pêches, cerises, abricots).
  • Les allergènes de contact
    Boucles et boutons de jeans, fermetures éclair, montures de lunettes, bijoux de fantaisie… de nombreux accessoires contenant du nickel ou du chrome. Placés en contact direct avec la peau, ils sont à l’origine d’allergies. Citons également les allergies aux produits cosmétiques et parfums, ainsi que l’allergie au henné noir utilisé pour réaliser des tatouages temporaires.

L’allergie au latex

Le latex entre dans la composition de nombreux produits courants (gants, préservatifs, jouets et matériels médicaux..). La prévalence de l’allergie à cette substance augmente chez les personnels particulièrement exposés : les infirmières et les chirurgiens, les sujets ayant bénéficié de plusieurs interventions chirurgicales (comme les enfants opérés de spina bifida). Les personnes allergiques au latex souffrent, dans un tiers des cas, d’allergies croisées latex-aliments, au premier rang desquels la banane, l’avocat, le kiwi, la châtaigne et d’autres encore. 


  • Les venins d’hyménoptères
    Abeilles, guêpes, frelons, bourdons… il existe plus de 200 000 espèces d’hyménoptères. Quelques-unes sont particulièrement dangereuses pour les personnes allergiques à leur venin : l’allergie peut en effet déclencher un choc anaphylactique, potentiellement mortel.
  • Les médicaments
    Les antibiotiques, et en particulier les béta-lactamines, sont les principales substances à l’origine d’allergies médicamenteuses. Viennent ensuite les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les curares (ou myorelaxants) utilisés en anesthésie générale. Mais, comme pour les aliments, tous les médicaments peuvent être responsables de réactions allergiques dues aux IgE ou aux lymphocytes T (on parle alors de toxidermies).

Les enjeux de la recherche

Notre environnement à l’origine de la multiplication des cas ?

La forte composante génétique des allergies est connue de longue date. Mais l’augmentation de la fréquence de ces maladies est beaucoup trop rapide pour être expliquée par un changement de notre constitution génétique. Cependant, il est désormais bien établi que l’expression de nos gènes peut être modifiée par l’environnement, via des mécanismes épigénétiques. Or, notre environnement subit actuellement des changements majeurs : 

Le réchauffement climatique a pour conséquence un allongement de la période de pollinisation, une augmentation de la quantité de pollens dans l’air, la production de pollens dont le contenu allergénique est majoré. De plus, les aires de production des pollens allergisants sont modifiées, avec globalement une translation vers le nord. Il faut ajouter à cela les migrations assistées, notamment l’implantation ornementale de cyprès et de bouleaux loin de leur habitat naturel. La pollution atmosphérique, notamment l’ozone et les particules de diesel, aurait aussi un rôle dans l’augmentation de fréquence des allergies aux pollens. 

D’autres explications sont également avancées : des modifications de l’environnement intérieur, des régimes alimentaires, la multiplication des médicaments ou encore l’amélioration de l’hygiène pourrait contribuer à l’augmentation de la fréquence des allergies. 


Un excès d’hygiène ?

Les progrès de l’hygiène depuis un siècle ont apporté beaucoup de bénéfices à la santé et ne sont pas étrangers à l’augmentation de l’espérance de vie. Cependant, plusieurs études suggèrent une moindre fréquence des maladies allergiques chez les sujets qui ont présenté des infections respiratoires répétées au cours de leurs premières années de la vie. Ainsi, l’amélioration régulière des conditions d’hygiène pourrait contribuer à l’augmentation de fréquence des maladies allergiques. 


Pour aller plus loin

Associations de patients