Fibromyalgie (2020)

Ce document présente la synthèse et les recommandations issues des travaux du groupe d’experts réunis par l’Inserm dans le cadre de la procédure d’expertise collective pour répondre à la préoccupation de la Direction générale de la santé (DGS) concernant les connaissances actuelles sur le syndrome fibromyalgique.

Ce travail s’appuie essentiellement sur les données issues de la littérature scientifique publiées dans les dix dernières années au second semestre 2018. Près de 1 600 documents ont été retenus par interrogation de douze bases de données (Pubmed, Web of Science, Scopus, psycINFO, Cochrane, BDSP, Cairn, Francis, SocIndex, Science Direct, In-Extenso.org, Persée). Le Pôle d’expertise collective de l’Inserm, rattaché à l’Institut thématique Santé publique, a assuré la coordination de cette expertise.

La fibromyalgie est une forme de douleur chronique diffuse qui est définie comme un syndrome fait de symptômes chroniques, d’intensité modérée à sévère, incluant des douleurs diffuses avec sensibilité à la pression, de la fatigue, des troubles du sommeil, des troubles cognitifs et de nombreuses plaintes somatiques. Une forte prévalence féminine est rapportée dans la littérature, et le terme de syndrome fibromyalgique est utilisé pour rendre compte de douleurs généralisées chroniques chez les enfants et les adolescents, sans qu’il soit très clair que cette entité soit similaire au syndrome de l’adulte. En France, la prévalence du syndrome fibromyalgique est estimée être égale à 1,6%. Le syndrome fibromyalgique peut avoir des conséquences médicales et psychosociales majeures (restriction d’activités, handicap moteur invalidant, arrêts de travail prolongés, etc.). Une errance médicale importante est rapportée par les personnes atteintes de ce syndrome, tandis qu’une proportion non négligeable de praticiens indiquent se sentir désarmés devant les patients souffrant de fibromyalgie. Son traitement n’est pas codifié et il est le plus souvent symptomatique. En raison de nombreux examens, de consultations répétées auprès de spécialistes, de visites fréquentes pour soins de santé, d’un absentéisme au travail possible, la fibromyalgie génèrerait d’importants coûts individuels et collectifs. 

La douleur, symptôme clef mais pas unique de la fibromyalgie, est définie selon l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes ». Cette définition souligne en partie la nature complexe des douleurs chroniques diffuses en général et donc de la fibromyalgie, qui peuvent faire appel à une construction multidimensionnelle. La France a été pionnière dans l’amélioration de la prise en charge de la douleur avec notamment un engagement des pouvoirs publics qui s’est traduit par trois plans d’action triennaux successifs pour développer la lutte contre la douleur. Cependant, l’absence de signes biomédicaux qui seraient reconnus par tous comme signes objectifs de maladie dans la fibromyalgie et une prévalence rapportée comme relativement élevée dans la population générale font que son étiologie, son diagnostic, sa prise en charge, et même sa réalité clinique, demeurent des sujets soumis à controverse. Le fondement des débats est notamment de savoir si la fibromyalgie est « réelle ». En l’absence d’éléments cliniques tangibles, l’organicité de la fibromyalgie est en effet remise en cause et la nécessité d’une prise en charge parfois sous-estimée. Cette dernière est jugée (trop) difficile, chronophage et peu valorisante par certains professionnels de santé, du fait entre autres de ses nombreuses comorbidités. Cela peut être à l’origine d’incompréhensions, de frustrations et de réserves entre soignants et soignés. Reflétant ces tensions, les professionnels de santé sont classés en « fibro-sceptiques », « fibro-conscients » ou fibro-bienveillants » par les associations de patients. Le ministère des Solidarités et de la Santé est ainsi régulièrement interpellé par les associations de patients et par leurs relais parlementaires sur la fibromyalgie à cause des délais de diagnostic qu’ils estiment importants, des inégalités régionales de reconnaissance du handicap par l’Assurance maladie, et d’une variabilité dans la qualité de leur prise en charge. 

La fibromyalgie a été reconnue comme une pathologie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1990. Elle est classée en tant qu’« autres affections des tissus mous, non classées ailleurs » (M79.7) dans la version n°10 de la Classification internationale des maladies (CIM) et en tant que « douleur chronique généralisée » dans la version n°11, publiée en juin 2018 (MG30.01 Widespread Chronic Pain). La Ligue européenne contre les rhumatismes (EULAR) a émis des premières recommandations de prise en charge en 2007. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a approuvé l’usage de la prégabaline, de la duloxétine et du milnacipran dans la fibromyalgie. En revanche, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a refusé leur extension dans cette indication. 

En 2007, l’Académie nationale de médecine a publié un rapport sur la fibromyalgie, dans lequel elle recommande d’utiliser le terme de syndrome et non pas de maladie pour définir l’ensemble des symptômes caractéristiques de la fibromyalgie, faute de données biologiques et anatomo-pathologiques permettant d’asseoir le diagnostic. En décembre 2008, le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) a rédigé à la demande de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) des recommandations professionnelles sur la douleur chronique en général, incluant la fibromyalgie. Ces recommandations ont été suivies en juillet 2010 d’un rapport d’orientation sur le syndrome fibromyalgique de l’adulte après saisine du ministère de la Santé. En octobre 2016, une commission d’enquête parlementaire sur la fibromyalgie a publié une liste de 20 propositions. Elle propose entre autres de substituer le mot maladie au mot syndrome dans la terminologie utilisée par les autorités sanitaires françaises pour caractériser la fibromyalgie. En 2017, la SFETD a publié un livre blanc de la douleur, dans lequel la fibromyalgie est amplement abordée en tant qu’entité clinique. 

L’ensemble de ces rapports et propositions n’ont pas ou peu évoqué la physiopathologie et le syndrome fibromyalgique juvénile. La Direction générale de la santé (DGS) a donc sollicité l’Inserm pour qu’il réalise un bilan des dernières connaissances acquises sur le syndrome fibromyalgique en incluant entre autres points ces deux thèmes. La procédure d’expertise collective de l’Inserm mise en oeuvre pour répondre à cette demande consiste en une analyse d’un corpus documentaire sur la fibromyalgie, composé de publications des dix dernières années, par un groupe pluridisciplinaire de quinze experts, cliniciens et/ou chercheurs dans les domaines de l’algologie, l’économie, la médecine physique et de réadaptation, la médecine du travail, la neurologie, les neurosciences, la pédiatrie, la pharmacologie, la psychiatrie, la psychologie, la psychosociologie, la rhumatologie, la santé publique et la sociologie. 

Fibromyalgie, une expertise collective de l’Inserm – animation – 2 min 52 – 2020 

Journée d’échanges autour l’expertise collective Inserm sur la fibromyalgie

A l’occasion de la publication de l’expertise collective Inserm sur la fibromyalgie, le groupe pluridisciplinaire d’experts qui a mené ce travail a présenté son analyse des connaissances acquises par la recherche internationale, ainsi que des recommandations d’actions et de recherches destinées à améliorer l’efficacité de la prise en charge individuelle des patients. 

Regarder la captation de la journée du 8 octobre 2020