Addictions

Du plaisir à la dépendance

Les addictions sont des pathologies cérébrales définies par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères. Les chercheurs tentent de mieux décrire les mécanismes impliqués dans l’apparition, le maintien et les rechutes des addictions. Ils essaient aussi d’en identifier les facteurs de vulnérabilité individuels, sociétaux et environnementaux, pour permettre une meilleure prévention et prise en charge.

Dossier réalisé en collaboration avec Amine Benyamina, unité 1178 Inserm/université Paris Sud, hôpital universitaire Paul-Brousse, Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions, Villejuif.

Comprendre les addictions

L’addiction est une pathologie qui repose sur la consommation répétée d’un produit (tabac, alcool, drogues…) ou la pratique anormalement excessive d’un comportement (jeux, temps sur les réseaux sociaux…) qui conduit à : 

  • une perte de contrôle du niveau de consommation/pratique
  • une modification de l’équilibre émotionnel
  • des troubles d’ordre médical
  • des perturbations de la vie personnelle, professionnelle et sociale
L’addiction – interview de Bruno Falissard – 3 min – 2014 

Une diversité d’addictions, dont certaines sont très répandues

Les addictions les plus fréquentes sont celles relatives aux substances psychoactives réglementées (tabac, alcool...), détournées de leur usage (médicaments, poppers, colles, solvants…) ou illicites (cannabis, cocaïne, ecstasy...). Régulièrement, d’autres substances à potentiel addictif émergent, comme le protoxyde d’azote contenu dans les cartouches de siphons à chantilly ou de nouveaux produits de synthèse (MDMA, cathinones...). Toutes provoquent un effet immédiat sur les perceptions, l’humeur et le comportement, à un degré variable, et exposent à un risque de dépendance plus ou moins rapide et plus ou moins sévère. 

Prises globalement, ces addictions concernent plusieurs millions de personnes en France. Ainsi, selon l’Office français des dépendances et toxicomanies (OFDT), 8% de la population adulte présenterait un risque chronique d’addiction à l’alcool (données 2014) et un quart (27%) une addiction au tabac (données 2019). L’usage problématique ou la dépendance au cannabis concernerait 7% des adolescents de 17 ans et 3% des 18–64 ans. Par ailleurs, l’usage régulier de cocaïne, freebase ou crack concernerait 1,6% des adultes français. Les usagers problématiques de drogues, toutes substances illicites confondues, seraient 350 000 en France, parmi lesquels environ un tiers rapporte avoir pratiqué une injection intraveineuse au cours de l’année écoulée (données 2019).

Concernant les addictions liées à des pratiques, comme les jeux d’argent, les jeux vidéo, le sexe, les réseaux sociaux ou encore les achats compulsifs, les statistiques sont moins nombreuses nécessitent d’être mieux connues. On sait cependant qu’environ une personne sur dix qui participent à des jeux de hasard ou d’argent en ligne a une pratique à risque modéré ou est un joueur excessif (enquête E‑Games, France 2017). Pour les autres pratiques à risque, les chiffres sont plus disparates.

De la consommation à l’addiction : des facteurs de risque multiples

La survenue d’une addiction repose sur trois composantes : l’individu, le produit et l’environnement.

Des facteurs individuels

L’âge, le sexe, la maturité cérébrale, la personnalité et l’humeur d’un individu jouent un rôle important sur son risque individuel d’addiction. L’initiation précoce et le sexe masculin constituent des vulnérabilités spécifiques. Ainsi, commencer à consommer de l’alcool au début de l’adolescence multiplie par dix le risque de devenir alcoolo-dépendant à l’âge adulte, par rapport à une initiation plus tardive vers l’âge de 20 ans. Les personnes anxieuses, au caractère introverti, ou encore avec une tendance dépressive, ont un risque accru de dépendance, tout comme celles avides de sensations fortes. 

Sur le plan neurobiologique, le niveau d’activité des neurotransmetteurs qui régissent notre fonctionnement et notre comportement peut varier d’un individu à l’autre et constituer chez certains une vulnérabilité vis-à-vis du risque d’addiction. Des perturbations des systèmes dopaminergique (impliqué dans le circuit de la récompense), cannabinoïde (homéostasie cellulaire) ou sérotoninergique (humeur), notamment, sont associées à une telle vulnérabilité. Cette disparité neurobiologique repose principalement sur des facteurs génétiques. Les gènes influençant le métabolisme des drogues (et donc leur disponibilité dans l’organisme) et ceux intervenant dans le mécanisme de neurotransmission du circuit de la récompense seraient par exemple impliqués. Ainsi, l’allèle A1 du gène du récepteur à la dopamine (DRD2) constituerait un facteur de risque d’addiction, via la « recherche d’expériences » au sens large et des comportements impulsifs ou compulsifs. 

Des variations génétiques expliquent aussi en partie la variabilité des effets ressentis par chacun face à une même drogue. Elles peuvent être favorables à l’émergence d’une addiction. Des consommations associées à des sensations agréables et des effets positifs sur le fonctionnement psychique (désinhibition, oubli des problèmes, amélioration des performances…) sont en effet une incitation à renouveler l’expérience. Il en est de même en cas de tolérance spontanée élevée à une substance, avec des effets positifs et modérés. 

Des produits/pratiques au potentiel addictif variable

Du côté du produit, l’addiction peut s’installer plus ou moins rapidement : après une ou quelques prises (crack, cocaïne...), plus progressivement, voire très lentement (alcool, jeux…). Tout dépend du potentiel addictif de la substance ou de la pratique, qui dépend lui-même de la nature et de l’intensité de son interaction avec les neurotransmetteurs. Le tabac, puis l’héroïne, la cocaïne ou l’alcool sont ainsi les produits les plus à risque et dont la consommation problématique est la plus fréquente. Concernant les jeux vidéo, ceux « en réseau », notamment en mode multi-joueurs, sont réputés plus addictogènes que les autres. 

Des facteurs environnementaux

Enfin, l’influence de l’environnement (stress, contexte social et amical, présence de troubles psychiques…) est aussi déterminante. Par exemple, le principal facteur de risque de dépendance au tabac est d’avoir grandi au sein d’un foyer de fumeurs facilitant l’accès au tabac. De même que l’addiction au cannabis est fortement associée au fait d’avoir eu des amis fumeurs au moment de l’adolescence.

L’addiction, sous la dépendance des liens bidirectionnels entre comportement et neurobiologie

L’installation d’une addiction implique trois stades successifs : 

La recherche de plaisir

Le premier stade résulte de l’activation du circuit cérébral de la récompense par la substance consommée (ou la pratique réalisée). Ce circuit est sous la dépendance de la dopamine, dans le noyau accumbens. La répétition de cette consommation va conditionner la personne (apprentissage pavlovien), et des décharges de dopamine vont progressivement être libérées par anticipation, prédisant l’arrivée de la récompense. Ainsi, la reproduction de la situation (environnement ou état mental) associée à la consommation ou à la pratique va favoriser une nouvelle consommation. C’est la phase de recherche de plaisir. D’autres systèmes de neurotransmission sont modifiés en parallèle, comme ceux mettant en jeu de la sérotonine ou les récepteurs aux endorphines. Ces derniers deviennent moins sensibles aux molécules endogènes habituellement impliquées dans l’antalgie et la sensation de bien-être, et la production naturelle d’endorphines diminue. Dès lors, le plaisir n’est plus obtenu que par l’apport de la substance extérieure, ce qui induit une augmentation de la tolérance à cette substance et une sensation de manque dès l’arrêt de sa consommation. 

Système de récompense et addiction – animation pédagogique – 3 min – vidéo extraite de la plateforme Maad Digital (2016)

Un état émotionnel négatif

Le second stade est celui où le taux de dopamine libéré à chaque consommation diminue progressivement, rendant le circuit de la récompense beaucoup moins sensible à toutes les molécules qui le stimulent habituellement. Par ailleurs, les décharges répétées de dopamine conduisent à une modification du fonctionnement de l’amygdale cérébrale, rendant l’individu plus stressé, avec des émotions plus négatives (dysphorie). Aussi, ce qui apportaient du plaisir au quotidien devient moins motivants et seule un accroissement de la dose de substance consommée (ou du temps de pratique) peut à la fois satisfaire le circuit de la récompense et soulager de la dysphorie. A ce stade, la consommation ou la pratique excessive vise donc à sortir d’un état émotionnel négatif, et non plus à prendre du plaisir. Cette phase est en outre associée à une perte progressive de la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité des neurones à se réorganiser entre eux pour intégrer de nouvelles données. 

La perte de contrôle

Durant le troisième stade, l’altération des circuits de la récompense et des émotions est telle que des processus contrôlés par le cortex préfrontal sont modifiés : il s’agit notamment des capacités d’autorégulation, de la prise de décision ou de la capacité à résister aux envies de consommer. Ce stade de perte de contrôle (ou craving) explique les rechutes répétées, même lorsque le désir d’arrêter est sincère. 

L’observation par imagerie (IRM ou PET-Scan) du cerveau de personnes dépendantes montre notamment une diminution des flux sanguins, une hypoactivation des régions corticales frontales et une hyperactivation des régions impliquées dans la motivation, la mémoire, le conditionnement et les émotions. Mais il n’est pas clairement établi si cette dérégulation fonctionnelle est une prédisposition qui précède le développement de l’addiction, ou si elle résulte simplement de la consommation chronique de drogue. Des études menées auprès de personnes dépendantes de pratiques montrent que les phénomènes cérébraux impliqués sont similaires à ceux observés chez les individus dépendants de substances psychoactives. Ce type d’analyse reste néanmoins compliquées par le fait que les personnes qui ont une addiction consomment souvent plusieurs substances, ce qui rend l’interprétation des modifications observées délicates. 


Le cycle infernal des jeux de hasard et d’argent

Les joueurs pathologiques sont en grande majorité des hommes, quadragénaires, souvent pères de famille. Ils pratiquent des jeux de hasard pur (roulette, machines à sous) ou de jeux mêlant hasard et stratégie (paris sportifs, poker, black jack). Le point de départ de leur pathologie est toujours un gain initial qui génère une émotion très positive et les incite à rejouer pour revivre ce moment « magique ». Puis le jeu et le gain s’imposent vite comme une manière de se sentir bien. Mais les pertes successives incitent le joueur à retenter inlassablement sa chance dans l’espoir de « se refaire », en augmentant les mises à mesure que les pertes s’accroissent. Les raisonnements deviennent erronés et vont à l’encontre des lois de probabilité que les joueurs connaissent pourtant généralement bien. Il s’écoule généralement plusieurs années entre le début du jeu et le moment où l’addiction est constituée. 


Des conséquences multiples, médicales, personnelles et sociales

L’installation d’une addiction engendre de multiples conséquences qui s’installent dans un délai plus ou moins court et dont l’issue peut être sévère, voire tragique. 

Des risques immédiats liées à la substance/pratique

Conduire sous influence d'une substance psychoactive augmente le risque d'accident morte : x 8,5 avec l'alcool ; x 15 avec alcool et cannabis

Les premières conséquences sont spécifiques de l’addiction et sont immédiates. Euphorie, perte de contrôle, diminution du stress, désinhibition : elles varient selon la nature de la substance ou de la pratique. Un risque vital immédiat lié à l’usage excessif existe dans certains cas (overdose, coma éthylique). Une étude coordonnée par l’OFDT estime en outre que la conduite après une prise excessive d’alcool multiplie par 8,5 le risque d’être responsable d’un accident mortel. Si le conducteur a également consommé du cannabis, ce risque est multiplié par 15. 

Dans un second temps, s’installent les symptômes liés à l’exposition chronique et répétée, associés aux phénomènes de tolérance et de sevrage. 

Des conséquences sur la vie quotidienne

Les secondes conséquences sont d’ordre comportemental : la consommation ou la pratique envahit progressivement la vie quotidienne de la personne dépendante et peut avoir des répercussions délétères sur sa vie familiale, relationnelle et professionnelle. Elles engendrent un risque progressif accru d’isolement, de marginalisation, de stigmatisation, de perte d’emploi ou de déscolarisation… 

Des complications à longs termes

Les addictions ont des répercussions médicales, psychologiques et psychiatriques sur le long terme. Une consommation chronique a en effet des conséquences médicales propres, en parallèle du processus addictif. Une modification du caractère (impulsivité, troubles de la mémoire, de l’attention…) et des troubles de l’humeur (notamment une anxiété) s’instaurent progressivement. Des complications sont spécifiquement associées à certaines addictions : risque cardiovasculaire ou de cancer avec le tabac, risque cognitif ou tumoral avec l’alcool, troubles neurologiques et psychiatriques chez consommateurs réguliers de nombreuses drogues illicites, contamination par le VIH, VHB ou VHC chez les usagers de drogues injectables… 


Un diagnostic très normé

Le diagnostic de l’addiction (ou dépendance) repose sur des critères bien définis, fixés par des instances internationales de santé mentale et répertoriés dans un manuel, le Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders (DSM). Parmi ces critères, on trouve la perte de contrôle de soi, l’interférence de la consommation sur les activités scolaires ou professionnelles, ou encore la poursuite de la consommation malgré la prise de conscience des troubles qu’elle engendre. Un sujet est considéré comme souffrant d’une addiction quand il présente ou a présenté, au cours des 12 derniers mois, au moins deux des onze critères suivants : 

  • Besoin impérieux et irrépressible de consommer la substance ou de jouer (craving)
  • Perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de substance ou au jeu
  • Beaucoup de temps consacré à la recherche de substances ou au jeu
  • Augmentation de la tolérance au produit addictif
  • Présence d’un syndrome de sevrage, c’est-à-dire de l’ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation ou du jeu
  • Incapacité de remplir des obligations importantes
  • Usage même lorsqu’il y a un risque physique
  • Problèmes personnels ou sociaux
  • Désir ou efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité
  • Activités réduites au profit de la consommation ou du jeu
  • Poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou psychologiques

L’addiction est qualifiée de faible si 2 à 3 critères sont satisfaits, modérée pour 4 à 5 critères et sévère pour 6 critères et plus. 

Les experts du DSM ne recensent comme addiction que les dépendances aux substances et celle aux jeux vidéo et d’argent. Les usages intensifs de smartphone, l’hyperactivité sexuelle ou professionnelle ne sont pas, à ce jour, considérés comme d’authentiques addictions car on ne dispose pas de données scientifiques convaincantes en ce sens. 


La prise en charge : sevrage et accompagnement

La prise en charge d’une addiction est multidisciplinaire et nécessite le plus souvent l’association d’un traitement médicamenteux, d’une prise en charge psychologique individuelle et/ou collective et d’un accompagnement social. 

Le premier élément de prise en charge repose sur le sevrage, c’est-à-dire l’arrêt de la consommation ou de la pratique addictive. La diminution de la fréquence de la consommation peut, pour certaines substances et dans certains contextes, aider le sujet à atteindre le sevrage complet. C’est le cas pour l’alcool ou le tabac. 

Sur le plan pharmacologique, il existe des traitements de substitution, qui aident au sevrage de différentes substances psychoactives. À ce titre, la cigarette électronique est considérée comme un traitement qui permet une réduction de la consommation de tabac, aux côtés des substituts nicotiniques. Parallèlement, différents médicaments dits « addictolytiques » sont disponibles, comme le baclofène qui est utilisé pour réduire la consommation d’alcool chez les patients adultes ayant une dépendance à l’alcool avec consommation d’alcool à risque élevé. Cette molécule, comme d’autres addictolytiques, pourraient avoir une efficacité non pas spécifique d’une addiction mais transversale, commune à différentes addictions (voir plus loin). 

La prise en charge non pharmacologique des addictions repose sur un soutien psychosocial, notamment en cas de désocialisation, qui permet de préserver ou de favoriser l’intégration sociale, et d’accompagner le patient dans les démarches éventuellement nécessaires pour atteindre cet objectif (accès aux droits, démarches socioprofessionnelles, soutien juridique…). Ce soutien permet aussi d’identifier d’éventuelles problématiques psychologiques, et les moyens à mettre en œuvre afin de les résoudre. 

Parallèlement, une psychothérapie est le plus souvent indispensable. Elle peut reposer sur différentes approches selon les spécificités de la personne et de son addiction : thérapie psychodynamique, thérapie multidimensionnelle familiale, thérapie cognitive et comportementale (TCC), thérapie systémique, thérapie comportementale... 

Il n’existe pas de « recette » magique. La prise en charge est souvent longue et semée de rechutes. Le succès dépend essentiellement de la motivation du patient à se sevrer, puis de l’amélioration durable de ses conditions de vie et de son estime de soi : trouver un emploi, mener des activités, avoir des centres d’intérêt, trouver un rôle et une utilité dans la vie sociale. Les groupes de parole (Alcooliques AnonymesAlcool-AssistanceCroix BleueAddiction alcool Vie libreNarcotiques anonymes…) ont une grande importance pour y parvenir. Ils offrent un soutien majeur, pendant et après le sevrage, grâce aux échanges d’expériences de personnes qui ont vécu le même type de parcours. 

Les enjeux de la recherche

La recherche dans le domaine des addictions porte sur les différentes drogues ou activités addictives, et vise à explorer plusieurs dimensions, notamment les mécanismes neurobiologiques et les susceptibilités individuelles. Les chercheurs tentent en particulier de clarifier certains points : Pourquoi, face à un même produit, certaines personnes deviennent dépendantes et d’autres pas ? Pourquoi l’addiction est-elle si difficilement réversible ? Quelles sont les conséquences à long terme des consommations de substances psychoactives sur le cerveau des adolescents ? 

Mieux comprendre les vulnérabilités

Sur le plan de la compréhension des troubles addictifs, des liens bidirectionnels avérés sont déjà décrits, comme celui entre psychose et cannabis, ou entre troubles de l’humeur et alcool/psychostimulants. Les recherches actuelles visent à mieux comprendre ces liens. En effet, ils semblent permettre à certaines vulnérabilités neurobiologiques de favoriser le développement d’addictions et, à l’inverse, à certaines addictions de faciliter l’apparition de troubles psychiatriques. La neurobiologie et la neuroimagerie constituent des outils particulièrement précieux pour ces travaux. 

La recherche de nouveaux gènes impliqués dans la susceptibilité individuelle au développement d’une addiction conduit également à des développements intéressants. Des études portant sur des génomes entiers ont par exemple permis d’identifier les gènes DRD2 ou ANKK1 qui semblent associés à un risque de développer une dépendance aux substances psychotropes, tandis que les gènes de la famille CHRNA seraient plus spécifiquement impliqués dans la dépendance au tabac. 

Des équipes s’intéressent en outre aux modifications épigénétiques qui modulent le niveau d’expression de ces gènes et peuvent contribuer à l’apparition d’une addiction. Ces modifications peuvent survenir en réponse à la consommation de la substance addictive, à l’environnement (stress, traumatismes psychologiques…) ou avoir été héritées. Il apparaît aussi que la consommation chronique de drogues modifie l’état épigénétique des neurones et d’autres types de cellules cérébrales. Si la causalité entre ces modifications épigénétiques et la dépendance n’est pas parfaitement confirmée, ces pistes ouvrent toutefois des perspectives thérapeutiques, lointaines mais intéressantes, utilisant des techniques d’édition épigénétique. 

Améliorer la prise en charge

Sur le plan thérapeutique, une trentaine de médicaments qui visent une ou plusieurs addictions sont à l’étude à travers le monde. Certains se fondent sur des approches innovantes, comme les addictolytiques ou même des vaccins en développement dans la lutte contre l’addiction à la cocaïne, la nicotine ou aux opioïdes. Leur principe est d’aider l’organisme à produire des anticorps (immunisation active) ou d’injecter des anticorps thérapeutiques spécifiques (immunisation passive) qui permettent d’empêcher la substance ciblée d’atteindre le cerveau et d’y produire ses effets. Certains des essais cliniques en cours sont encourageants. 

Une autre approche, qui peut paraître surprenante, repose sur l’utilisation thérapeutique des substances psychédéliques, comme le LSD, les tryptamines (ayahuasca, ibogaïne et psilocybine) ou la mescaline. A leur mise au point, celles-ci ont été utilisées comme aide complémentaire aux psychothérapies dans l’exploration du psychisme de personnes dépressives, souffrant de stress post-traumatique ou d’addiction. Après une période où la répression vis-à-vis de ces drogues hallucinogènes ont conduit à abandonner ces recherches, on assiste à un regain d’intérêt pour ces molécules hallucinogènes. Des études cliniques en cours.

Des approches non médicamenteuses sont également à l’étude, comme la stimulation cérébrale, qu’elle fasse appel à des électrodes implantées dans le cerveau (stimulation cérébrale profonde) ou à un champ magnétique avec la stimulation magnétique transcrânienne répétée (SMTr) et la stimulation transcrânienne à courant continu (STCC), ces deux dernières techniques présentant l’avantage d’être non invasives. Dans tous les cas, l’idée est de moduler l’excitabilité neuronale dans des régions précises du cortex cérébral dont le fonctionnement est altéré par l’addiction. De nombreux protocoles sont en cours d’évaluation ou sur le point d’être évalués. On espère qu’ils permettront de réduire le craving et l’impulsivité, notamment dans les addictions au tabac ou à l’alcool.

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