Bande dessinée : Voyage au centre du microbiote

Si Jules Verne avait connu le concept de microbiote, soit l’ensemble des virus, bactéries et levures qui vivent dans notre corps, y aurait-il vu un monde à explorer ? C’est le pari d’une nouvelle bande dessinée, qui signe une collaboration entre l’Inserm – dans son rôle de conseiller scientifique – et les éditions Delcourt.

Sur l’île du Pacifique fictive de Microbiota, les relations entre les organismes ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être… Rencontre avec Pierre Da Silva, responsable Information, communication et culture scientifique pour la région Inserm Grand Ouest, qui a piloté le projet.

Quels sont les enjeux de santé publique qui concernent le microbiote et qui, identifiés par l’Inserm, sont représentés dans cette fiction en bande dessinée ?

Pierre Da Silva : L’objectif de cet ouvrage est de sensibiliser à la notion de microbiote dans son ensemble. On le réduit souvent à celui des intestins, mais nous abritons plusieurs microbiotes (pulmonaire, dermatologique, génital, digestif…) interdépendants. Or, cette fiction apporte les éléments nécessaires à la compréhension d’un sujet scientifique plus familier mais non moins complexe, qui permet de saisir les liens de dépendance entre les différents milieux et populations d’organismes au sein de notre corps : l’écosystème. On sait aujourd’hui que de nombreuses affections sont liées à un déséquilibre des microbiotes, notamment celui des intestins ; des maladies comme Parkinson ou Alzheimer, des troubles du spectre de l’autisme ou des troubles anxieux y trouveraient leur origine. La recherche a également découvert de nouvelles associations entre microbiote pulmonaire et affections respiratoires, microbiote de la peau et allergies… Finalement l’étude de nos « écosystèmes personnels » nous incite à repenser entièrement certaines maladies et pourrait ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques.

Quel est le fil conducteur de cette BD ? Comment les chercheurs du laboratoire Inserm TENS* ont-ils travaillé avec les scénaristes Stéphane Nappez et Fabrice Chillet, et l’illustratrice Héloïse Chochois ?

P. D. S. : L’idée audacieuse (et plutôt amusante) développée dans la BD est que nous pourrions améliorer notre santé en absorbant le microbiote idéal par suppositoire ! En effet, le récit présente le personnage haut en couleurs d’un milliardaire qui aurait fabriqué un cocktail de bactéries de haute précision, destiné à aider l’humanité à vivre mieux et plus longtemps : l’Eubiosa. Des journalistes accourent dans son laboratoire à ciel ouvert, qui emprunte la forme d’une île tropicale peuplée de créatures de toutes sortes. Ce concept de microbiote idéal, c’est à la fois une utopie issue de l’esprit d’un inventeur fou, mais aussi la métaphore des promesses, souvent excessive, de la réduction du vivant à quelques principes simples. De quoi stimuler des auteurs autant que des chercheurs ! Tout est parti d’une rencontre aux Utopiales, le festival international de la science-fiction à Nantes, avec Héloïse Chochois et Maxime Mahé, chercheur au laboratoire nantais TENS. Puis, des contacts multiples ont permis d’établir une petite équipe de professionnels de la BD et de chercheurs Inserm, avec l’aide de Carine Gimbert qui gère le projet Mibiogate (qui regroupe plusieurs laboratoires Inserm et INRAE). Un projet formel a été envoyé à Delcourt, qui l’a accueilli avec beaucoup d’enthousiasme ! Un partenariat Delcourt/Inserm était né, sous la forme d’échanges ininterrompus, que j’ai participé à structurer à organiser.

À quels aspects de notre écosystème intérieur personnel cette histoire nous permet-elle de réfléchir ?

P. D. S. : Cette bande dessinée met en perspective nos habitudes de vie, et notre propension à opter pour des comportements peu contraignants, plutôt que de rester attentifs à notre environnement. Tout ce qui nous entoure interagit avec nous, avec notre corps : il est essentiel d’évaluer l’impact de ce que nous ingérons, et des substances auxquelles nous sommes exposés. Notre alimentation et notre environnement jouent un rôle primordial dans notre santé. Non seulement nous faisons partie d’un écosystème complexe, mais nous sommes un écosystème complexe ! La science nous permet de mieux appréhender le monde qui nous entoure, mais ne constituera jamais un outil universel pour vaincre toutes les maladies, résoudre tous les problèmes liés à l’évolution de notre environnement. À nous de nous en saisir. Ce qui est valable pour notre microbiote l’est aussi pour la planète.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°54

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couverture de la la bd Voyage au centre du microbiote
Voyage au centre du microbiote : Lire un extrait

Note :
* unité 1235 Inserm/Nantes Université, Le système nerveux entérique dans les troubles intestinaux et cérébraux

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Low-temperature electron micrograph of a cluster of E. coli bacteria, magnified 10,000 times. Each individual bacterium is oblong shaped © Photo by Eric Erbe, digital colorization by Christopher Pooley, both of USDA, ARS, EMU. - This image was released by the Agricultural Research Service, the research agency of the United States Department of Agriculture, with the ID K11077-1