Le vieillissement de la perception visuelle modifie-t-il le sens de l’orientation ?

Si les personnes âgées ont souvent plus de mal à s’orienter, ce n’est pas seulement en raison de troubles de la mémoire ou de l’attention. Leurs capacités d’intégration des informations visuelles semblent aussi impliquées...

Les personnes âgées ont souvent plus de difficultés à s’orienter dans un environnement peu familier que les jeunes. La plupart des travaux menés pour comprendre l’origine de ce phénomène se sont penchés sur les capacités de planification, de mémoire ou d’attention, mais peu ont évalué l’implication du vieillissement du système de traitement des informations visuelles. Afin d’y remédier, des chercheurs ont comparé, dans un environnement virtuel, les performances de navigation spatiale de sujets âgés à celles de sujets jeunes. Ils ont en outre utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour en savoir plus sur les régions cérébrales mises en jeu dans les deux groupes d’individus. Leurs travaux montrent que la capacité à traiter les informations visuelles fines relatives à l’environnement, en d’autres termes les détails, diminue avec le vieillissement. En revanche, les plus âgés activent plus intensément une région du cerveau qui joue un rôle dans le traitement des informations plus globales de notre environnement, comme sa géométrie. 

Un sens de l’orientation plus global

« L’étude du déclin des capacités visuelles au cours du vieillissement a souvent été négligée dans les travaux dédiés aux capacités de navigation spatiale des sujets âgés, explique Stephen Ramanoël*. Mais avant d’évaluer la façon dont ces personnes utilisent l’information relative à leur environnement, il faut savoir si la trace ou l’encodage de cette information n’est pas altéré. C’est ce que nous avons donc voulu explorer avec cette expérience. »

Concrètement, les chercheurs ont mis au point un labyrinthe virtuel en trois dimensions dans lequel les participants devaient s’orienter à l’aide de manettes alors qu’on enregistrait leur activité cérébrale par IRMf. Deux groupes de participants ont été recrutés, l’un de vingt-cinq volontaires jeunes (âge moyen de 25 ans), l’autre d’une vingtaine de personnes âgées (73 ans en moyenne). Après un temps d’apprentissage leur permettant de se familiariser avec l’utilisation des manettes, l’expérimentation débutait : la tâche des participants était de retrouver l’emplacement d’une cible dans un labyrinthe en forme de Y, constitué de trois branches reliées par un point central. Pour se faire, ils devaient se servir de la position de différents objets présents au centre du labyrinthe. 

« Les sujets âgés apparaissent plus lents que les jeunes pour localiser la cible, ce qui était attendu. Par ailleurs, l’IRMf montre que les deux groupes d’âge ne mobilisent pas de la même façon les différentes régions cérébrales impliquées dans le traitement de l’information visuelle (en l’occurrence les objets placés dans le labyrinthe) et trouver la cible. » Ainsi, les jeunes adultes montraient une plus forte activité des régions occipito-temporales, des zones qui sont notamment impliquées dans le traitement de l’information visuelle fine de l’environnement. Les participants les plus âgés activaient quant à eux davantage les régions pariétales supérieures, avec une implication plus forte d’une zone du cortex occipital qui joue un rôle central dans le traitement des scènes. Elle permettrait d’intégrer les informations visuelles dans une perspective égocentrée, ainsi que la forme globale de notre environnement. « Les sujets âgés semblent avoir plus de difficultés que les sujets jeunes à utiliser les détails pour construire une carte mentale de leur environnement et s’orienter. Afin de compenser ces difficultés, au moins en partie, nous pensons que les plus âgés ont davantage recours à la géométrie de l’environnement. Ces premiers résultats nous motivent à conduire de nouvelles études afin de tester cette hypothèse. » 

Ces travaux, et d’autres en cours au sein de l’Institut de la vision dirigé par Serge Picaud à Paris, offrent une meilleure compréhension des conséquences du vieillissement sur les capacités d’orientation spatiale. Ils pourraient aider à concevoir des aides visuelles spécifiques, ainsi que l’aménagement des lieux de vie des personnes âgées, qu’il s’agisse d’habitat ou d’urbanisme. Autant de pistes de réhabilitation novatrices pour maintenir et améliorer l’autonomie des personnes âgées. 

Note :
*unité 968 Inserm/CNRS/Sorbonne Université, Institut de la vision, équipe Vieillissement visuel et action, Paris

Source : S Ramanoël et coll. Differential Brain Activity in Regions Linked to Visuospatial Processing During Landmark-Based Navigation in Young and Healthy Older Adults. Front Hum Neurosci du 29 octobre 2020. DOI : 10.3389/fnhum.2020.552111