La surveillance en médecine générale, indispensable au suivi de l’épidémie de Covid-19

En France, le nouveau coronavirus s’est progressivement diffusé sur tout le territoire, vraisemblablement à partir de janvier. Le réseau Sentinelles s’est alors avéré un outil efficace et réactif pour décrire l’évolution de l’épidémie au niveau national. Ce réseau constitué de médecins généralistes volontaires, répartis dans tout le pays, joue un rôle complémentaire aux autres systèmes de surveillance nationaux, un rôle qui restera de grande importance au moment du déconfinement.

Dès le mois de février 2020, le réseau Sentinelles est apparu comme un outil indispensable pour disposer de « photos » de l’épidémie de Covid-19 au niveau national, un outil complémentaire aux données hospitalières, les seules disponibles jusqu’alors. Le réseau Sentinelles existe depuis plus de 30 ans. Il rassemble plus de 500 médecins généralistes de France métropolitaine et de Corse, soit 1 à 2 % des praticiens français, localisés sur tout le territoire. Il est impliqué dans la surveillance d’une dizaine de pathologies, essentiellement infectieuses (grippe, varicelle, oreillons, gastro-entérite…). 

Pierre-Yves Boëlle, responsable de l’équipe de recherche Maladies transmissibles : surveillance et modélisation* dans laquelle s’inscrit le réseau Sentinelles raconte : « Historiquement, nous assurons le suivi du nombre de consultations pour syndromes grippaux, avec des confirmations du diagnostic par tests sérologiques. La semaine du 10 février, nous avons observé que le pic de l’épidémie de grippe était atteint. Le nombre de consultations pour les symptômes associés a diminué la semaine suivante, mais dès la semaine du 24 février, nous avons observé une nouvelle augmentation de leur nombre dans plusieurs régions, ce que nous n’avions jamais observé dans le contexte de la grippe depuis que le réseau existe. » Cette augmentation du nombre de consultations pour symptômes grippaux pouvait être due à une plus forte inquiétude de la population face à des symptômes qui ne les incitent pas à consulter habituellement, ou à une circulation active du SARS-CoV‑2 sur le territoire, encore mal décrite... Les résultats des tests diagnostiques confirmeront cette seconde hypothèse. 

Si ces données viennent d’être publiées, elles ont été transmises aux pouvoirs publics et à la communauté scientifique dès le début du mois de mars. La surveillance réalisée par le réseau Sentinelles se poursuit depuis. Elle est incluse dans les indicateurs utilisés par la Direction générale de la santé (DGS) et par Santé publique France, pour disposer d’un meilleur suivi de l’épidémie.

Un nouveau virus dans la liste

Fin février, le SARS-CoV‑2 a donc été ajouté à la liste des virus recherchés par les médecins du réseau, chez leurs patients qui consultent pour un syndrome grippal ou une infection respiratoire aiguë. Les autres virus recherchés sont celui de la grippe, le virus respiratoire syncytial, le rhinovirus humain et le métapneumovirus humain. Dès la semaine du 2 mars, les premiers tests positifs au SARS-CoV‑2 ont été identifiés. « Nous avons calculé le nombre de consultations en excès par rapport aux tendances saisonnières observées habituellement les autres années. Et nous avons pu mesurer la diffusion de la maladie dans la population. Nos observations ont permis de calibrer les modèles d’analyse épidémiologiques utilisés pour continuer à suivre l’épidémie en ambulatoire, explique le chercheur. L’amélioration des connaissances sur les symptômes associés au Covid-19, qui peuvent être plus frustres que ceux du syndrome grippal, nous a conduit à changer la nature de notre surveillance : depuis la semaine du 9 mars, nous surveillons uniquement les infections respiratoires aiguës, et non plus des syndromes grippaux. »

La surveillance par le réseau Sentinelles continue à offrir chaque semaine l’image de l’évolution de l’épidémie en France au cours de la semaine précédente. « Nos chiffres montrent une diminution des consultations pour infection respiratoire aiguë depuis le début du confinement. Il faut cependant garder en tête que les patients qui consultent les médecins généralistes ne sont qu’une partie des personnes potentiellement infectées, à côté des patients qui n’ont pas de symptômes, de ceux qui ne consultent pas pour leurs symptômes et, plus récemment, de ceux qui sont orientés vers les centres ambulatoires dédiés au Covid-19 et qui visent un dépistage spécifique des patients suspectés d’être infectés. » Les indicateurs issus de ces différents profils peuvent, tous ensemble, refléter le plus fidèlement possible la situation épidémique en France. Des indicateurs dont l’utilité sera déterminante une fois la levée du confinement effective. 

Note :
* unité 1136 Inserm/Sorbonne Université, Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, équipe Maladies transmissibles : surveillance et modélisation ; Hôpital Saint-Antoine, AP-HP