Le risque de cancer bronchique est-il dépendant du niveau de méthylation des gènes ?

Le tabagisme peut engendrer des mutations génétiques favorisant le développement d’un cancer bronchique. Dans une nouvelle étude, des chercheurs suggèrent qu’il peut aussi modifier le niveau d’expression des gènes, et que l’intensité de ce phénomène est corrélée au risque de cancer. Cette découverte pourrait déboucher sur un test évaluant le risque de cancer pulmonaire des fumeurs et anciens fumeurs.

Il y a quelques années, il a été montré que le tabac peut modifier le niveau de méthylation de l’ADN. Ces modifications chimiques sont dites épigénétiques : en modifiant la manière dont sont exprimés les gènes, elles peuvent notamment expliquer pourquoi parmi deux personnes portant le même gène de prédisposition à une maladie, il se peut qu’une seule la développe. 

Des chercheurs de l’Inserm*, en association avec plusieurs équipes européennes, ont voulu savoir si les modifications épigénétiques associées au tabagisme pouvaient influencer le risque de cancer bronchique. Pour cela, ils ont analysé le génome de personnes ayant ou non souffert de la maladie et ayant ou non une histoire contemporaine ou ancienne avec le tabac. Gianluca Severi a encadré ce travail. Il raconte : « Nous avons identifié plusieurs zones génomiques dont la méthylation est particulièrement influencé par le tabac. Le niveau de méthylation de ces zones était, en général, plus faible chez les fumeurs. Les anciens fumeurs montraient un niveau de méthylation intermédiaire entre ces derniers et les non-fumeurs ». Dans un second temps, les chercheurs ont aussi observé qu’il est possible d’utiliser six de ces régions pour prédire le risque de cancer : « L’analyse simultanée de ces six domaines a permis de relier le degré de méthylation de l’ADN des fumeurs et des anciens fumeurs avec leur risque de cancer bronchique » précise le chercheur. 

Première pierre d’un test prédictif du cancer bronchique

Pour conduire cette étude, les scientifiques ont utilisé les données recueillies au sein de plusieurs cohortes existantes : celles-ci rassemblaient des patients ayant souffert d’un cancer du poumon ainsi que des sujets témoins, exempts de cancer. Leur statut vis-à-vis de la consommation de tabac (quantité de cigarettes fumés, ancienneté) était connu. Les chercheurs ont étudié leur épigénome à partir d’ADN issu de leurs cellules sanguines. Ce travail a permis d’analyser environ 450 000 localisations de méthylation de l’ADN, encore appelés CpG (cytosinephosphate–guanine). Parmi elles, le niveau de méthylation de 6 CpG était significativement différent chez les personnes ayant eu un cancer, par rapport aux sujets contrôles. Pour 5 de ces CpG, l’intensité de ces modifications était étroitement liée au tabagisme.

Ces résultats pourraient être utiles dans un but prédictif : « L’analyse épigénétique de la méthylation est facilement réalisable, à partir d’une simple prise de sang. Sur le principe, il serait donc possible de développer un outil logiciel capable, à partir de l’analyse du niveau de méthylation de ces 6 CpG, de déterminer un pourcentage de risque de cancer à 5 ou 10 ans ». Les équipes impliquées dans cette étude se sont associées au Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dans cet objectif. Plusieurs aspects doivent toutefois encore être précisés. « Nous devons également évaluer si la méthylation est un médiateur entre le tabac et la cancérogénèse, ou si ce n’est seulement qu’un marqueur très précis de l’exposition au tabac, indirectement associé avec le risque de développer le cancer du poumon ».

Note :

* Unité 1018 Inserm/Université Paris sud, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Villejuif 

Source :

L Baglietto et coll. DNA methylation changes measured in pre-diagnostic peripheral blood samples are associated with smoking and lung cancer risk. International Journal of Cancer 2016. Article accepté doi : 10.1002/ijc.