La résistance à l’insuline, une histoire de communication

Dans le diabète, les cellules finissent par ne plus répondre aux sollicitations de l’insuline, une hormone impliquée dans la régulation du taux de glucose dans le sang. Des chercheurs de l’Inserm ont montré, in vitro, qu’un défaut de communication entre deux organites intracellulaires est impliqué dans l’apparition de cette insulinorésistance. Ces résultats ouvrent la voie à une possible stratégie thérapeutique.

La régulation de la concentration de glucose dans le sang est sous la dépendance de l’insuline, une hormone sécrétée par le pancréas. Cette hormone est dite hypoglycémiante : elle favorise le stockage du glucose circulant dans les cellules musculaires, adipeuses et hépatiques et, d’autre part, inhibe la synthèse et le relargage de ce sucre à partir des réserves stockées. Chez les diabétiques, ces cellules répondent moins bien à l’insuline. On parle d’insulinorésistance.

Ce phénomène intéresse les chercheurs car il apparaît de façon très précoce à cours de l’évolution du diabète : il précède les épisodes d’hyperglycémie prolongée et les altérations du pancréas. L’espoir est donc d’être capable de prévenir l’installation du diabète en améliorant la sensibilité des tissus périphériques à l’insuline.

Des processus intracellulaires en cause

« Beaucoup de recherches ont été réalisées au sujet des facteurs susceptibles de jouer sur la sensibilité à l’insuline, rappelle Jennifer Rieusset*. Mais ces dernières années, l’intérêt s’est focalisé sur deux organites intracellulaires qui présentent des altérations en cas d’insulinorésistance : les mitochondries et le réticulum endoplasmique. Nous avons fait l’hypothèse que c’est un défaut de la communication entre ces deux organites qui pourrait être en cause dans l’apparition de cette résistance à l’insuline ».

En 2014, Jennifer Rieusset et ses collègues ont été les premiers à montrer, sur des cellules de foie, que les interactions entre les deux organites étaient effectivement cruciales pour assurer l’équilibre glycémique et qu’elles étaient altérées dans le cas d’une insulinorésistance. Dans un article tout juste publié dans la revue Diabetes, ces chercheurs font maintenant état d’un faisceau convergeant de données, confirmant l’importance de ces interactions dans le muscle squelettique. De plus, leurs résultats suggèrent qu’un lien causal relierait les altérations de communication entre les deux organites et la résistance de la cellule musculaire à l’insuline.

© Jennifer Rieusset
Jennifer Rieusset et son équipe ont mis au point une technique beaucoup plus rapide et sensible que la microscopie électronique pour étudier les processus dynamiques. Dénommée In situ proximity ligation assay (PLA), cette technique permet de visualiser (points de fluorescence rouge) les zones de contact entre le réticulum endoplasmique et les mitochondries (distance inférieure à 40µm). Sur ces images de myotubes en culture primaire, issus de patients obèses, avec ou sans diabète, le nombre de points de contact est beaucoup moins important que chez les sujets insulinosensibles. En noir, le cytoplasme de la cellule ; en bleu, son noyau.

L’absence de communication à l’origine de la résistance ?

Au cours de ce travail, l’équipe a exploré le détail de ces interactions sur les cellules des muscles squelettiques. Les muscles utilisent à eux seuls 80% du glucose circulant dans le sang en réponse à l’insuline. Ils constituent par conséquent une cible privilégiée pour un traitement améliorant la sensibilité à cette hormone. 

Une grande originalité de l’étude est d’avoir travaillé sur des myotubes humains en culture primaire (cellules musculaires obtenues par biopsie et mises en culture). En comparant les données obtenues à partir de myotubes provenant de patients obèses, présentant ou non un diabète, les chercheurs ont montré que le nombre d’interactions entre les organites est corrélé avec le degré de sensibilité à l’insuline : plus les organites communiquent, plus les cellules sont sensibles à l’insuline. Inversement, moins ils communiquent, et plus la cellule est résistante. 

Vers une nouvelle stratégie thérapeutique

La nature causale de cette relation est suggérée par les expériences complémentaires, réalisées sur des myotubes de sujets sains. L’équipe a en effet pu montrer qu’en altérant les échanges entre les deux organites par des approches moléculaires, on induit une insulinorésistance de la cellule. A l’inverse, si l’on crée une insulinorésistance en traitant les cellules avec du palmitate (un des acides gras les plus courants chez les animaux), on observe un défaut d’interaction entre la mitochondrie et le réticulum endoplasmique. De plus, en restaurant artificiellement cette interaction, on améliore la sensibilité à l’insuline. Ces résultats sont confortés par ceux obtenus parallèlement par l’équipe sur différents modèles animaux. 

« La prochaine étape consistera à tester s’il est possible de restaurer la sensibilité à l’insuline in vivo, en agissant sur la communication entre mitochondries et réticulum endoplasmique, conclut Jennifer Rieusset. Pour cela nous avons besoin d’élucider les processus de régulation physiologique de ces interactions, afin d’élaborer des outils pharmacologiques capables de stimuler ou d’inhiber cette communication. »

La glycémie – animation pédagogique – 3 min 34 – vidéo extraite de la plateforme Corpus 

Note :

Unité 1060 Inserm/Inra/Université Lyon 1/Insa de Lyon, équipe Communication inter-organites et diabète, laboratoire CarMeN, Oullins. 

Source

E. Tubbs et coll., Disruption of mitochondria-associated endoplasmic reticulum membranes (MAMs) integrity contributes to muscle insulin resistance in mice and humans. Diabetes, édition en ligne du 11 janvier 2018.