Un remède contre les douleurs induites par les chimiothérapies anticancéreuses

Dans un modèle d’étude préclinique, un régime alimentaire pauvre en polyamines réduit les douleurs neuropathiques induites par un anticancéreux. Un essai est en cours chez l’homme.

Un régime alimentaire spécifique pourrait considérablement réduire le risque de douleurs neuropathiques induites par l’oxaliplatine, une chimiothérapie anticancéreuse couramment utilisé contre le cancer colorectal. C’est ce qu’indiquent les résultats d’une étude conduite dans le modèle expérimental du rat, par une équipe de l’Inserm*.

« Certaines chimiothérapies anticancéreuses sont neurotoxiques, c’est à dire qu’elles attaquent les nerfs et créent des lésions. Cela se manifeste parfois par des sensations désagréables, telles que des fourmillements aux extrémités des membres, ou encore par une hypersensibilité au chaud ou au froid. Les traitements disponibles sont peu efficaces contre ces douleurs dites « neuropathiques ». Or elles vont non seulement altérer la qualité de vie des patients, mais elles peuvent aussi conduire à une diminution des doses d’anticancéreux, voire à leur arrêt », explique David Balayssac, co-auteur de ces travaux. 

Succès chez le rat

Les mécanismes impliqués dans l’apparition et la transmission de ces douleurs sont encore mal connus. Toutefois, des récepteurs au glutamate (appelés NMDA) sont suspectés de jouer un rôle dans la transmission du message douloureux au niveau de la moelle épinière. Or, ces récepteurs sont sensibles aux polyamines, des petites molécules largement présentes dans l’alimentation, en particulier dans certains fromages comme le roquefort ou encore dans des fruits comme l’orange et la banane. « Les polyamines augmentent l’activité des récepteurs NMDA et pourraient donc favoriser la transmission du message douloureux dans ces neuropathies chimio-induites », estime David Balayssac. 

Les chercheurs ont vérifié cette hypothèse chez le rat, en soumettant des animaux à un régime dépourvu en polyamines pendant sept jours. Ils ont ensuite administré de l’oxaliplatine à ces rongeurs, ainsi qu’à un groupe de rats « témoins » qui n’avaient pas suivis le régime. L’hypersensibilité des animaux au froid et à une pression mécanique appliquée sur les pattes arrières a été évaluée dans les jours suivant l’injection de l’anticancéreux.

Une expérience couronnée de succès puisque le régime dépourvu en polyamines a tout simplement bloqué l’apparition des douleurs chimio-induites qui apparaissent chez les animaux témoins. 

En cours chez l’homme

L’idée est maintenant de tester ce régime chez l’homme. Une étude clinique a déjà démarré dans le service d’oncologie digestive du CHU de Clermont-Ferrand, dirigée par le Pr Denis Pezet. Une dizaine de patients traités par oxaliplatine a déjà été recrutée et l’étude en inclura à terme 80. Les participants suivent un régime pauvre en polyamines pendant toute la durée de leur chimiothérapie, en particulier les jours précédents et suivants l’administration de l’oxaliplatine (i.e. tous les 15 jours pendant plusieurs mois). Les chercheurs évaluent la sensibilité au chaud et au froid 48 heures après chaque séance de chimiothérapie. « L’objectif est de savoir si ce régime réduit l’apparition des symptômes aigus de la neuropathie survenant généralement dans les deux jours après une séance de chimiothérapie. Mais nous voulons également évaluer son effet sur l’apparition de la neuropathie chronique qui tend à s’installer en cas de signes aigus, marqués et répétés », clarifie David Balayssac. L’étude devrait durer deux à trois ans. 

Note :
* unité Inserm 1107 / Université d’Auvergne, Neuro-Dol, Clermont-Ferrand dirigée par le Pr Alain Eschalier 

Source : 
Ferrier et coll. A Polyamine-Deficient Diet Prevents Oxaliplatin-Induced Acute Cold and Mechanical Hypersensitivity in Rats. PLoS ONE du 30 octobre 2013, 8(10): e77828. doi:10.1371/journal.pone.0077828