Les odeurs émotionnelles créent des souvenirs forts

Plus une odeur suscite d’émotion, plus le contexte dans lequel elle a été respirée est bien mémorisé. Une équipe Inserm a réussi à mettre au point un protocole expérimental permettant de montrer ce phénomène en laboratoire, grâce à des volontaires. Reste à comprendre les mécanismes biologiques qui lui sont associés.

Les souvenirs associés à des odeurs sont d’autant plus précis que l’émotion générée par le parfum est intense. C’est ce que viennent de démontrer des chercheurs du Centre de recherche en neuroscience de Lyon. S’il est bien connu que les sens imprègnent la mémoire – un lieu, un moment, un visage peut resurgir du passé grâce à un son, une image ou encore une odeur – les mécanismes à l’origine de ce phénomène reste mystérieux. Afin d’avancer dans leur compréhension et d’en savoir plus sur le lien particulier entre mémoire et odeurs, cette équipe Inserm a développé un protocole expérimental, réalisable en laboratoire. 

Les chercheurs ont demandé à des volontaires de venir quatre jours de suite dans leur laboratoire. Pendant les trois premiers jours, on leur a chaque jour présenté une image différente sur un écran d’ordinateur. Cette image était parsemée de trois cercles colorés. Le volontaire disposait de quelques minutes pour explorer le visuel. Lorsqu’il passait la souris sur un des cercles, une odeur particulière était diffusée. Les participants n’étaient pas tenus au courant de l’objectif de l’étude.

Le quatrième jour, les chercheurs ont fait sentir aux volontaires les différentes odeurs utilisées lors de la première partie de l’expérience et leur ont demandé de se souvenir du contexte exact dans lequel ils les avaient senties (image visionnée et position du cercle). « Il s’agissait d’odeurs complexes, différentes de celles connues et rencontrées dans la vie courante, de sorte qu’il était difficile pour les participants de les décrire ou d’en parler », précisent Anne-Lise Saive et Jane Plailly, co-auteures des travaux. 

Informations complémentaires

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Des souvenirs vivaces

« Les volontaires ont réussi à retrouver le souvenir associé à un tiers des odeurs. Plus l’émotion suscitée par l’odeur était importante, qu’elle soit plaisante ou déplaisante, plus le souvenir était précis », détaillent les chercheuses. 

« Nous savions déjà plusieurs choses sur les odeurs. Par exemple, elles ne génèrent pas plus de souvenirs qu’une image ou un son, mais ces souvenirs sont souvent plus riches en émotion et peuvent être très anciens. Ils peuvent remonter à la petite enfance, alors que d’autres stimuli ne permettent fréquemment de remonter qu’à des souvenirs datant de l’adolescence, expliquent les chercheuses. En outre, les souvenirs associés aux odeurs sont souvent épisodiques et enfouis. Ils ne sont pas verbalisés et resurgissent tout à coup de façon très fidèle, en nous faisant voyager dans le temps. A l’inverse, un souvenir associé à un paysage ou une musique est plus fréquemment raconté, décrit et subit alors des distorsions qui lui font perdre de son intensité. Grâce à notre protocole nous montrons que plus l’émotion portée par l’odeur est intense, plus le souvenir est détaillé ».

L’IRM complément d’expérimentation

Très fondamentaux à ce stade, ces travaux n’ont pas d’application médicale directe. Néanmoins, la mémoire épisodique, essentielle à la constitution de l’individu, est rapidement altérée en cas de maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies neurodégénératives. Mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à cette mémorisation et à la restitution des souvenirs permettrait donc probablement de progresser dans la compréhension des processus pathologiques. « Afin d’avancer dans ce sens, nous utilisons maintenant l’IRM pour tenter de décrire les réseaux neuronaux impliqués dans cette mémoire épisodique », concluent les chercheuses. 

Note

*unité 1028 Inserm/CNRS/Université de Lyon 1, Centre de recherche en neuroscience de Lyon 

Source

A.L. Saive et coll. A unique memory process modulated by emotion underpins successful odor recognition and episodic retrieval in humans. Front Behav Neurosci, 6 juin 2014