Leucémie aiguë myéloïde : prédire et contrer la résistance aux anti-MYC

À l’hôpital Saint-Louis à Paris, l’équipe Atip-Avenir d’Alexandre Puissant vient d’identifier un moyen de prédire la réponse d’un patient aux anti-MYC, des traitements ciblés du cancer en cours de développement pour la prise en charge des leucémies aiguës myéloïdes. Mieux encore, ces travaux permettent de proposer une solution pour restaurer l’efficacité de ces traitements en cas de résistance.

La recherche de marqueurs qui permettent de prédire l’efficacité d’une thérapie ciblée anticancéreuse chez un patient donné est en plein boom. En effet, si ces traitements sont porteurs d’espoir, ils n’en restent pas moins lourds, chers et non dénués d’effets indésirables : être en mesure de les prescrire aux seuls patients qui en tireront bénéfice est donc au moins aussi important que de poursuivre leur développement. C’est précisément ce à quoi s’attelle l’équipe d’Alexandre Puissant*, en collaboration avec l’université de Duke (Caroline du Nord, États-Unis), dans le cadre de la leucémie. L’équipe vient d’identifier un marqueur prédictif de la réponse aux inhibiteurs de l’oncogène MYC (ou anti-MYC), des médicaments en cours de développement pour le traitement des leucémies aiguës myéloïdes. Pour cela, les chercheurs ont utilisé plusieurs modèles d’étude : des cellules de patients pris en charge à l’hôpital Saint-Louis, des lignées de cellules cancéreuses cultivées in vitro et des modèles animaux de leucémies aiguës. 

Ils ont également eu recours aux données relatives à l’expression des gènes de cellules cancéreuses issues de 700 patients atteints de leucémie aiguë myéloïde (cohortes du Cancer Genome Atlas Program TCGA-LAML et cohorte néerlandaise GSE14468). Elles leur ont permis d’observer l’existence d’un découplage entre la voie du folate – qui mobilise l’acide folique absorbé par l’alimentation pour assurer certaines fonctions comme la production de molécules rentrant dans la composition de l’ADN – et l’activité de l’oncogène MYC. En d’autres termes, quand l’une fonctionne bien, l’autre non. 

Une diminution de la réponse aux anti-MYC

Pour vérifier si l’activité de la voie du folate jouait un rôle dans la réponse aux traitements anti-MYC (en l’occurrence, des inhibiteurs des protéines BET à bromodomaine et CDK7), les chercheurs ont cultivé des cellules cancéreuses dans un milieu dépourvu d’acide folique. Ils ont aussi étudié la réponse aux traitements de cellules leucémiques porteuses d’un polymorphisme particulier du gène MTHFR, qui induit une diminution de l’activité de la voie des folates. Cette variation génétique est retrouvée chez environ 10% des Européens. 

Dans les deux situations, les chercheurs ont constaté une diminution de la réponse des cellules aux anti-MYC par rapport à celle observée dans des cellules cancéreuses dont le cycle du folate était normalement actif. Alexandre Puissant et ses collaborateurs ont alors poursuivi en corrigeant les anomalies générées dans la précédente série d’expériences. Dans le premier cas, ils ont restauré les apports en acide folique dans le milieu de culture des cellules, et dans le second, ils ont fourni le produit faisant défaut aux cellules porteuses du polymorphisme de MTHFR. Ces deux interventions ont suffi à restaurer la qualité de la réponse au traitement. 

En fouillant dans les mécanismes moléculaires pouvant expliquer le lien entre folate et MYC, l’équipe a montré qu’un mauvais fonctionnement de la voie des folates modifie le profil d’expression des gènes dans les cellules leucémiques et, dans ce cas particulier, active un programme transcriptionnel (dépendant du gène SPI1) qui contrecarre l’effet des anti-MYC. 

Pronostiquer et restaurer

« Ces travaux ont permis de découvrir un biomarqueur prédictif de la réponse aux anti-MYC facilement mesurable chez les patients grâce à un dosage sanguin des folates, couplé à l’étude du polymorphisme de MTHFR. Il pourrait non seulement prédire la réponse au traitement mais aussi permettre, par une simple supplémentation en produit métabolique final de la voie des folates, de restaurer cette réponse si elle n’est pas bonne. Il ne reste plus qu’à confirmer l’utilité de ces résultats en clinique ! », conclut Alexandre Puissant. 

Note :
*unité 944 Inserm/CNRS/Université de Paris, équipe Mécanismes moléculaires du développement de la leucémie aiguë myéloïde, Hôpital Saint-Louis, Paris 

Source : A Su et coll. The folate cycle enzyme MTHFR is a critical regulator of cell response to MYC-targeting therapies. Cancer Discovery, édition en ligne du 21 août 2020. doi : 10.1158/2159–8290.CD-19–0970