L’immunité anti-Covid durerait plus longtemps chez les femmes

Des chercheurs ont décrit l’évolution de la réponse immunitaire dans les mois qui suivent une infection par le SARS-CoV‑2. Leurs résultats suggèrent que le taux d’anticorps développé par les femmes est plus stable que celui de leurs homologues masculins…

Comprendre la cinétique des anticorps dirigés contre le SARS-CoV‑2 est indispensable pour savoir combien de temps dure la protection immunitaire après une infection, et par extension pour évaluer la durée de la protection vaccinale anti-Covid-19. Les premières études conduites sur le sujet ont montré que le taux d’anticorps augmente rapidement dans les 2 à 3 premières semaines, puis diminue progressivement. La question est cependant loin d’être parfaitement élucidée : en effet, certaines études suggèrent que l’ampleur de cette réponse, dite humorale, dépend de la sévérité de la maladie. Mais des travaux semblent aussi décrire que ces dynamiques sont variables, avec certaines personnes qui maintiennent des concentrations d’anticorps élevées sur plusieurs mois, tandis que d’autres voient ces taux rapidement chuter. 

Une équipe implantée à Strasbourg étudie la cinétique de la réponse humorale depuis le début de la pandémie. Au printemps dernier, elle a constitué trois cohortes qui rassemblent plusieurs centaines de professionnels hospitaliers au cœur de la région Grand-Est, l’une des plus sévèrement touchées par le nouveau coronavirus. Dans une récente analyse, elle s’est penchée sur le suivi à 6 mois de l’un de ces groupes, composé de 308 personnes qui ont présenté une forme légère de Covid-19. Les chercheurs ont globalement observé que les femmes avaient une protection immunitaire plus performante que celle des hommes. 

Samira Fafi-Kremer*, qui a dirigé ce travail en collaboration avec l’équipe d’Olivier Schwartz de l’institut Pasteur, explique : « À différents temps de suivi après l’infection, nous avons dosé les immunoglobulines (Ig), dirigées soit contre la protéine de surface S (IgM et IgG), soit contre la nucléocapside N (IgG) du virus. Nous avons constaté que les anticorps anti‑S étaient les plus persistants, avec 98 % des participants qui avaient un taux détectable dans les 3 à 6 mois après l’infection. Nous avons aussi observé que ce taux diminue progressivement avec le temps, mais avec une ampleur très différente d’un individu à l’autre. »

C’est en cherchant à identifier les facteurs démographiques ou cliniques qui sont le plus souvent associés à ces variations inter-individuelles que les chercheurs ont remarqué ces différences liées au sexe : « Immédiatement après l’infection, le taux d’anticorps anti-Covid-19 est en moyenne inférieur chez les femmes. Mais avec le temps, il suit un déclin qui est généralement moins prononcé chez elles que chez les hommes, quel que soit leur âge ou leur poids. » Les chercheurs ont ensuite schématiquement différencié dans la cohorte un groupe de patients avec des anticorps relativement stables dans le temps, et un groupe chez lesquels ils se raréfiaient progressivement. « Il apparaît que le premier est plutôt constitué de femmes, alors que le second est majoritairement masculin. »

Une explication à la fois hormonale et génétique

Cette observation va dans le sens d’autres études conduites par ailleurs, notamment auprès de femmes et d’hommes atteints de formes plus sévères de Covid-19. Et ce n’est pas vraiment surprenant : « On sait par exemple que les femmes ont d’une façon générale une réponse humorale et cellulaire plus robuste que les hommes, que ce soit face à d’autres maladies infectieuses ou en réponse à une vaccination. Le versant délétère de cette plus large réactivité est que les femmes sont plus souvent sujettes aux maladies auto-immunes », rappelle Samira Fafi-Kremer. Derrière cette particularité immunitaire, plusieurs mécanismes pourraient être impliqués, à la fois hormonaux, environnementaux (notamment via l’épigénétique) et génétiques. « Une grande partie des gènes de l’immunité se situe sur le chromosome sexuel X, présent en deux exemplaires chez les femmes, contre un seul chez les hommes. L’expression des gènes présents sur ce second chromosome est majoritairement réprimée, mais entre 15 et 30 % de ces gènes peuvent échapper à cette inactivation », poursuit la chercheuse. 

Ces résultats, établis 6 mois après l’infection, doivent être confirmés par le suivi de la cohorte à plus long terme. « Nous pourrons aussi déterminer le taux d’incidence des réinfections. Cela nous permettra d’évaluer dans quelle mesure la réponse humorale à une première infection permet d’être ou non protégé et, par extrapolation, d’appréhender la protection offerte par la vaccination. Par ailleurs, nous sommes en train de mesurer le maintien de la réponse lymphocytaire dans le même groupe de patients aux différents temps de suivi, pour évaluer la façon dont l’immunité mémoire persiste. » 

En attendant ces données, les disparités liées au sexe ne manquent pas d’intérêt car elles pourraient suggérer une réponse vaccinale différente chez les hommes et les femmes et, pourquoi pas, des schémas de vaccination adaptés au sexe... 

Note :
* unité 1109 Inserm/Université de Strasbourg, Centre de recherche d’immunologie et hématologie, Strasbourg 

Source : L Grzelak et coll. Sex differences in the evolution of neutralizing antibodies to SARS-CoV‑2. J Infect Dis., édition en ligne du 7 mars 2021. doi : 10.1093/infdis/jiab127