L’imitation, un réflexe aux effets durables sur les décisions ultérieures

Les adultes aussi se copient entre eux ! Et les travaux conduits par Stefano Palminteri et son équipe montrent que cela impacte durablement leurs décisions. Ainsi, non seulement nous optons préférentiellement pour un choix favorisé par un tiers, mais la valeur attribuée à ce choix est d’emblée positive puisque nous avons tendance à le renouveler par la suite. Sauf si l’expérience montre qu’il n’était pas le bon…

Les enfants imitent : ils veulent les mêmes jouets que les autres, répètent les mêmes phrases que les adultes, réagissent parfois comme leurs parents. Ce phénomène est bien connu et fait partie intégrante du processus de développement et d’apprentissage de chacun. Chez l’adulte, des travaux ont également montré qu’il existe une tendance à imiter ses pairs. L’équipe de Stefano Palminteri*, au Laboratoire de neurosciences cognitives computationnelles à Paris, s’est demandé quelles pouvaient être les conséquences de ce mimétisme sur leurs décisions. 

Pour répondre à cette question, le chercheur et son équipe ont soumis des paires d’adultes à des séries de tests, avec la possibilité de copier les choix de l’autre. L’objectif était de vérifier si ces personnes se copiaient effectivement entre elles, et quels étaient les effets de ces choix sur leurs décisions ultérieures. Concrètement, les individus devaient sélectionner des objets sur un écran d’ordinateur dans le but d’obtenir le score le plus élevé possible. Une valeur de 0 ou 1 était associée à chaque objet, sans qu’elle soit connue par les participants au départ de l’expérience. Le programme leur permettait d’attribuer progressivement la bonne valeur aux différents objets. De temps en temps, les chercheurs soufflaient aux volontaires le choix de leur binôme, qui n’était d’ailleurs pas forcément le vrai, et allait parfois à l’encontre de l’optimisation des gains. L’expérience a été renouvelée à plusieurs reprises, avec environ 350 binômes au total. 

Vers l’explication de phénomènes plus complexes

Les résultats confirment la tendance à imiter l’autre. « La moyenne va clairement dans ce sens, même si nous observons une forte variabilité entre les individus, explique Stefano Palminteri. Et cela de façon durable. Il y a un a priori positif pour le choix de l’autre qui pousse spontanément à le suivre ultérieurement suite. On peut parler de désir mimétique : nos préférences sont construites en fonction de celles des autres ». Mais si un participant finit par se rendre compte que suivre l’autre ne lui est pas favorable, un phénomène de dissociation se produit. « Il cesse alors d’utiliser les choix appris par mimétisme pour reprendre ses propres décisions », constate le chercheur 

Ces résultats, obtenus dans un cadre expérimental contrôlé, aident à mieux comprendre les mécanismes de l’imitation. Ils pourraient servir de base pour expliquer des phénomènes plus complexes, « tels que la propagation des modes ou de fausses nouvelles », illustre Stefano Palminteri. « Nous pouvons supposer que ces résultats seront également transposables à la recherche clinique, pour mieux comprendre certaines pathologies psychiatriques qui entraînent des troubles des interactions sociales, comme l’autisme ou les troubles de la personnalité », ajoute-t-il. En effet, il a déjà été observé que des personnes déprimées, sans pour autant souffrir d’une dépression caractérisée, sont moins sujettes à l’imitation.

Note :
*unité 960 Inserm/ENS, Laboratoire de neurosciences cognitives computationnelles, équipe Atip-Avenir Human Reinforcement learning, Paris

Source : A Najar et coll. The actions of others act as a pseudo-reward to drive imitation in the context of social reinforcement learning. PLoS Biology du 8 décembre 2020. DOI : 10.1371/journal.pbio.3001028