Une étude « multiomique » identifie une nouvelle piste de traitement contre la Covid-19

En combinant génomique, métagénomique et transcriptomique en une seule analyse, une équipe francilienne a identifié des caractéristiques immunologiques associées aux formes graves de la Covid-19. Ces travaux conduisent à proposer une nouvelle cible thérapeutique : l’interleukine 8 (IL‑8).

Les différences de sévérité observées dans la Covid-19 trouvent-elles leur origine dans certaines particularités du virus SARS-CoV‑2, dans l’existence de co-infections ou dans des spécificités de la réponse immunitaire des personnes infectées ? Une méthode originale qui permet d’étudier ces trois aspects en même temps a conduit une équipe francilienne à l’identification d’une particularité de la réponse immunitaire développée par les patients les plus sévèrement atteints, ouvrant une piste pour la mise au point d’un traitement. 

Clinique et recherche s’allient

Depuis le début de la pandémie, de nombreux travaux ont permis de déterminer certains facteurs de risque individuel de forme grave de Covid-19 : il s’agit principalement de facteurs sociodémographiques (âge et sexe) ou cliniques (surpoids, diabète, insuffisance rénale, immunodépression…). Mais ces éléments ne suffisent pas pour expliquer parfaitement pourquoi certains patients développent une Covid-19 sévère. Aussi, le regard des chercheurs s’est-il tourné vers l’étude d’autres facteurs, comme ceux inhérents au virus, à la réponse immunitaire des patients ou encore à la présence d’une co-infection. L’équipe de Jean-Michel Pawlotsky* dispose d’une plateforme technologique (animée par Christophe Rodriguez) qui permet de conduire en une seule analyse la caractérisation génomique, métagénomique et transcriptomique d’un prélèvement biologique. De quoi permettre l’évaluation simultanée de l’influence potentielle de ces différents facteurs sur la sévérité de la maladie : « Beaucoup de plateformes génomiques s’intéressent au matériel génétique de l’Homme. La nôtre est spécifiquement dédiée à celui des agents infectieux, qu’il s’agisse de virus, de bactéries, de champignons ou de parasites. Dans ces travaux, nous avons non seulement étudié le génome du coronavirus, mais aussi analysé le métagénome, c’est-à-dire le matériel génétique de l’ensemble des agents infectieux présents dans le prélèvement nasopharyngé réalisé chez des malades », explique Jean-Michel Pawlotsky. Un troisième pan d’analyse – celle du transcriptome – a permis de quantifier les ARN messagers produits à partir du génome des patients, apportant indirectement des informations sur le niveau d’expression des gènes correspondants. « Si l’analyse de la séquence du virus SARS-CoV‑2 à partir de l’échantillon nasopharyngé est assez simple, qualifier la nature des agents infectieux présents par métagénomique et celle des ARN messagers de l’hôte par analyse transcriptomique nécessite un gros travail d’analyse bioinformatique. »

Des polynucléaires suractivés

Pour conduire cette étude, les chercheurs se sont penchés sur des échantillons issus des patients hospitalisés à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil) lors de la première vague de Covid-19, au printemps 2020. Ils les ont comparés à ceux de patients dont la maladie ne nécessitait pas d’hospitalisation. Les résultats des analyses génomiques et métagénomiques n’ont pas permis de mettre en évidence l’influence de facteurs microbiologiques sur la sévérité de la maladie. En particulier, les chercheurs n’ont pas identifié de co-infection locale, de nature bactérienne ou virale, qui pourrait expliquer un risque de développer une forme sévère de Covid-19. 

C’est du côté de l’analyse transcriptomique que des informations importantes ont émergé : dans les formes sévères, les gènes de la voie de signalisation CXCR2 et de l’interleukine 8 (IL‑8) sont apparus surexprimés. La voie CXCR2 conduit au recrutement de polynucléaires neutrophiles (des globules blancs) sur le site d’une infection, et cette mobilisation cellulaire entraîne une synthèse d’IL‑8. Les formes bénignes de la maladie, qui concernaient plus souvent les femmes, étaient quant à elles associées à une réaction immunitaire modérée et plus « classique », avec l’intervention de lymphocytes T. 

« Ainsi, nos résultats indiquent que les patients atteints de formes sévères ont une réponse qualitativement différente de ceux atteints de formes bénignes, caractérisée par l’infiltration des tissus infectés par les polynucléaires neutrophiles. Ces cellules favorisent une forte réponse inflammatoire locale qui induit une mort cellulaire et va conduire à des difficultés respiratoires. Celles-ci peuvent devenir chroniques en cas de fibrose cicatricielle importante », précise Jean-Michel Pawlotsky. 

Ces données mettent en évidence l’activation d’une voie cellulaire qui pourrait être ciblée par des molécules thérapeutiques : « Il existe des antagonistes de l’IL‑8 en développement dans d’autres indications qu’il serait intéressant d’évaluer dans le traitement de la Covid-19″, souligne le chercheur. Ce dernier poursuit quant à lui ses travaux sur les formes graves. « Nous devons maintenant conduire le même type d’étude avec des échantillons prélevés chez des patients infectés par des variants du SARS-CoV‑2, afin de déterminer si les facteurs qui favorisent une forme grave de la maladie sont ou non les mêmes. »

Note :
* unité 955 Inserm/UPEC, équipe Virus, hépatologie, cancer, Institut Mondor de recherche biomédicale, Créteil 

Source : C Rodriguez et coll. Viral genomic, metagenomic and human transcriptomic characterization and prediction of the clinical forms of COVID-19. PLoS Pathogens, édition en ligne du 29 mars 2021. doi :10.1371/journal.ppat.1009416