Diabète de type 2 : quand les bactéries font de la résistance aux incrétines

Une équipe toulousaine vient de montrer que les bactéries de notre intestin, notre microbiote intestinal, jouent un rôle clé dans la résistance de certains patients aux incrétines, une classe de médicaments leader dans le traitement du diabète de type 2.

Tous les patients atteints de diabète de type 2 ne répondent pas au traitement par incrétines (GLP‑1), visant à stimuler la sécrétion d’insuline lorsque la glycémie est trop élevée. A Toulouse, l’équipe du Pr Rémy Burcelin* a montré chez la souris que cette résistance au traitement serait due à un microbiote délétère. Les chercheurs ont même découvert le mécanisme moléculaire sous-jacent : le microbiote contrôle la production d’un neuromédiateur par le cerveau intestinal, modifiant l’efficacité thérapeutique des incrétines. D’autre part, ces travaux montrent que la résistance aux incrétines peut être améliorée par l’administration de lactobacilles. Un résultat majeur pour une application clinique. 

Observation clinique

Pour le diabète de type 2, mais aussi pour de nombreuses maladies, l’efficacité des traitements se heurte à l’hétérogénéité des individus : un médicament efficace chez une personne peut ne pas l’être chez une autre. D’où le besoin d’une médecine personnalisée. Ainsi, il existe deux groupes de diabétiques de type 2 : les répondeurs aux incrétines et les non répondeurs. Comment expliquer cette différence ? « Aujourd’hui, l’importance du microbiote intestinal dans le développement des maladies métaboliques est reconnue par toute la communauté scientifique. En 2007 nous avions été pionniers dans la démonstration du rôle du microbiote dans la survenue du diabète, de l’obésité, et de la stéatose hépatique. Dès lors, nous avons émis l’hypothèse que le microbiote intestinal pouvait également contrôler l’efficacité des incrétines », explique Rémy Burcelin. 

Souris modèles

Pour valider cette hypothèse, les chercheurs ont commencé par développer un modèle de souris rendues diabétiques par un régime gras, afin d’induire des changements de flore intestinale. « Nous avons obtenu deux groupes de souris : l’un qui répondait aux incrétines et l’autre qui n’y répondait pas », rapporte Rémy Burcelin. Lors d’une deuxième étape, « nous avons cherché à caractériser les différences entre les microbiotes intestinaux des deux groupes « . Il est alors apparu que les souris sensibles aux incrétines possédaient un microbiote riche en certaines catégories de lactobacilles, des bactéries notamment présentes dans les produits laitiers et le lait maternel. 

Cette différence mise en évidence, l’équipe a recherché le mécanisme par lequel la flore des souris résistantes modifiait l’efficacité thérapeutique des incrétines. 

Identification du mécanisme

Dans les années 2000, Rémy Burcelin a montré que les incrétines fonctionnent en activant les neurones intestinaux qui constituent le cerveau intestinal (notre deuxième cerveau). Cette activation passe par la production d’un neuromédiateur, l’oxyde nitrique (NO). L’axe cerveau intestinal/cortical (nerf cave) est alors stimulé. Les informations nutritionnelles de l’intestin sont ainsi transmises au cerveau, qui réagit en produisant de l’insuline en réponse aux incrétines. « D’où l’idée très logique que le microbiote puisse agir sur cet axe, rapporte Rémy Burcelin, soit de façon bénéfique chez les répondeurs, soit de façon délétère chez les non répondeurs ». Mais par quel mécanisme ? 

« Nous avons étudié la production de NO dans les deux groupes de souris. Et nous avons constaté qu’il n’est pas secrété chez les animaux résistants aux incrétines ». Ainsi, leur microbiote délétère bloquerait la production de NO et donc la transmission du signal vers le cerveau, laissant le diabète s’installer.

Restait à montrer que le microbiote des souris résistantes était bien responsable de l’inefficacité thérapeutique des incrétines. « Nous avons récupéré puis transféré le microbiote des souris non répondeuses à des souris répondeuses. En quatre semaines, une résistance aux incrétines a été induite chez ces souris ».

Une bactérie coupable ?

Dernière étape, « nous n’avons pas trouvé de micro-organismes spécifiquement responsables de la résistance. Par contre, nous avons observé que l’augmentation du taux de lactobacilles dans les microbiotes permet d’améliorer l’efficacité thérapeutique des incrétines chez une souris non répondeuse ». Reste à vérifier par des essais cliniques que cette observation est transposable à l’homme. Un nouveau projet en perspective pour les chercheurs, qui ont déjà déposé un brevet sur l’intérêt de certains lactobacilles dans le traitement par incrétines des patients diabétiques non contrôlés 

Notes :

*unité 1048 Inserm/Université Paul Sabatier, équipe Facteurs de risque intestinaux, diabète et dyslipidémie, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, Hôpital Rangueil, Toulouse 

Source :

E. Grasset et coll. A specific gut microbiota dysbiosis of type 2 Diabetic mice induced GLP‑1 resistance through an enteric NO-dependent and gut brain axis mechanism, Cell Metabolism, 2017, 25, 1075–1090