Dengue et chikungunya : des cellules minoritaires à la clé du contrôle de l’infection

Les virus de la dengue et du chikungunya profitent de la propagation accrue du moustique tigre pour menacer toujours plus de monde. Or on ne dispose à ce jour d’aucun traitement spécifique contre ces infections. La solution pourrait venir d’une meilleure connaissance des mécanismes de défense de notre organisme, notamment de ceux mettant en jeu un type particulier de globules blancs qui, bien que présents en faible nombre, semblent jouer un rôle clé dans la lutte contre ces virus.

Les cellules dendritiques plasmacytoïdes, ou pDC (pour plasmacytoid Dendritic Cells), représentent moins de 0,5% des globules blancs de l’organisme. Difficile d’imaginer qu’elles puissent jouer un rôle essentiel dans sa défense. Pourtant, de plus en plus d’études semblent l’indiquer. Dernière en date, celle tout juste publiée par une équipe Inserm* du Centre international de recherche en infectiologie (Ciri) de Lyon, en collaboration avec des collègues de l’Institut Pasteur de Paris et de Genentech à San Francisco. Cette étude montre que, bien que minoritaires, les pDC savent faire entendre leur voix quand il s’agit de sonner la charge contre les virus de la dengue ou du chikungunya, ce qui leur permettrait d’orchestrer une réponse immunitaire efficace. 

Une réponse antivirale localisée

Les cellules dendritiques plasmacytoïdes font partie des « soldats de première ligne » face à ces infections. Et, même si elles sont très peu nombreuses, elles disposent de plusieurs atouts pour faire front. Elles ont notamment la capacité de décharger rapidement de grandes quantités d’interférons de type I, des molécules cruciales dans le contrôle des infections par des virus à ARN puisqu’elles bloquent leur réplication et permettent de recruter des renforts. La nouvelle étude a décrypté le mécanisme en jeu dans la mise en route de ce processus. 

Les chercheurs avaient déjà découvert que les pDC n’étaient pas activées directement par les virus, mais par contact avec d’autres cellules elles-mêmes infectées. C’est donc un autre de leurs atouts : les pDC ne peuvent être « attaquées » et rendues non fonctionnelles par ces agents pathogènes. En poursuivant leurs travaux, les scientifiques ont pu démontrer, in vivo, que le contact avec des cellules infectées conduit à une réponse antivirale localisée au site d’infection.

Concrètement, la détection d’une cellule infectée par une cellule pDC déclenche un système d’alarme qui induit l’activation du gène permettant la production d’interférons de type I. Rapidement, cette production entraîne à tour une cascade de réactions et le recrutement d’autres globules blancs, notamment celui de cellules « tueuses naturelles », ou Natural Killer (NK). Les pDC n’ont donc pas besoin d’être nombreuses pour être entendues, ni de libérer de nombreuses substances. En effet, cette étude montre également que les pDC ne produisent que des interférons de type I. Elles ne sécrètent pas d’autres molécules, comme les cytokines pro-inflammatoires, plus délétères pour l’hôte.

Les chercheurs sont parvenus à ces résultats en s’appuyant sur un modèle de souris transgéniques chez lesquelles seules les cellules pDC sont capables de sécréter des interférons de type I. Ces animaux arrivent à contrôler le virus, alors que ceux qui ne produisent pas du tout d’interféron de type I n’y parviennent pas. 

Booster les pDC pour contrer plus rapidement l’infection

Localisée au site de l’infection et restreinte à la production d’interféron de type I, la réponse des pDC à une infection par les virus de dengue et du chikungunya apparaît comme un avantage évolutif pour l’hôte, en comparaison avec une réponse pro-inflammatoire généralisée à l’ensemble des tissus qui induirait d’importants dommages pour l’organisme. « Reste à savoir comment booster les pDCs pour contrer plus rapidement la propagation de l’infection dans l’organisme, indique Marlène Dreux, immuno-virologiste de l’Inserm qui dirige l’équipe qui a conduit ces travaux. La mobilisation de cette réponse pourrait être intéressante pour la conception de futurs traitements. Ainsi, nos récentes expériences révèlent que, in vitro, de faibles doses d’interféron ajoutées à l’environnement des pDC accéléraient leur réponse contre le virus de la dengue. »

Note

*unité 1111 Inserm/CNRS/ENS/Université Claude Bernard, équipe Trafic vésiculaire, réponse innée et virus, Centre international de recherche en infectiologie, Lyon 

Source

B Webster et coll. Plasmacytoid Dendritic Cells Control Dengue and Chikungunya Virus Infections via IRF7-regulated interferon responses. eLife, édition en ligne du 8 juin 2018