Comment le VIH perturbe-t-il l’activité des macrophages

Le virus du Sida (VIH‑1) détournerait-il une partie de la machinerie cellulaire habituellement actionnée par les macrophages pour combattre les microorganismes pathogènes ? C’est ce que suggèrent les derniers résultats de chercheurs d’une unité Inserm. En creusant cette hypothèse, ils pourraient bien mettre à jour de nouvelles pistes thérapeutiques.

Une récente étude soutenue par l’ANRS apporte de nouveaux éléments sur la façon dont le virus du Sida altère les fonctions habituelles d’une importante catégorie de cellules du système immunitaire : les macrophages. Certains mécanismes indispensables à leur activité sont clairement apparus comme détournés de leurs fonctions habituelles. Si le VIH‑1 les utilise à son profit, les chercheurs disposeraient d’une cible thérapeutique intéressante.

Les personnes infectées par le VIH ont des défenses immunitaires affaiblies à travers plusieurs processus. La destruction des lymphocytes T‑CD4, cellules au cœur de la réponse immunitaire, est l’un d’entre eux. Mais il est établi que le virus cible également les macrophages. Ces cellules ont pour fonction habituelle de phagocyter, c’est-à-dire d’intégrer et de détruire les débris cellulaires, les bactéries et d’autres pathogènes qu’elles rencontrent. En dehors de cette fonction de « nettoyage », les macrophages participent en outre à l’orchestration d’autres processus immunitaires. 

La présence du VIH ne tue pas les macrophages : au contraire, ces derniers constituent un réservoir dans lequel le virus perdure et se réplique. En revanche, leurs fonctions habituelles sont altérées, ce qui expliquerait la survenue de maladies opportunistes (salmonellose, tuberculose…). 

Pour l’heure, le mécanisme responsable de l’inhibition des macrophages par le VIH n’est pas totalement compris. A l’Institut Cochin, l’équipe de Florence Niedergang*, en collaboration avec Serge Benichou, s’est attachée à le décrypter : « cela pourrait constituer autant de cibles thérapeutiques pour lutter contre l’infection et ses conséquences » explique-t-elle. 

La phagocytose, à la fois inhibée et ralentie

Le macrophage phagocyte un pathogène par invagination de sa membrane avant de pouvoir le détruire. « Nous avions déjà montré que le VIH altère la capacité du macrophage à déclencher la phagocytose. Dans cette étude, nous montrons que lorsqu’un macrophage échappe à ce premier niveau de blocage, il subit une seconde inhibition » : normalement, le phagosome formé par invagination progresse le long des microtubules cellulaires. C’est sur ces rails qu’il va rencontrer et fusionner successivement avec d’autres éléments (endosome lysosome) pour donner un phagolysosome mature, apte à détruire le microorganisme. 

« Le VIH‑1 bloque le processus de migration et d’évolution du compartiment vers la dégradation, en perturbant des moteurs moléculaires et des machineries de tri. Le phénomène, inconnu jusque-là, est d’autant plus surprenant qu’il est actionné par la protéine virale Vpr, connue jusqu’à présent pour favoriser la multiplication du virus », décrit la chercheuse. Son équipe a identifié différents effecteurs cellulaires qui seraient particulièrement inhibés dans ce processus, comme les protéines EB1, dynéine, MICAL-L1 et EHD3.

Ces hypothèses devront être confirmées. Elles pourraient ensuite apporter une double perspective : la première concerne le VIH‑1. Si la protéine Vpr est impliquée, est-ce parce que les complexes moléculaires qu’elle perturbe sont utiles au virus pour se répliquer ? Si oui, cela constituerait une cible thérapeutique potentielle contre le virus. La seconde concerne le macrophage : si les mécanismes perturbant la phagocytose sont bien compris, on pourrait imaginer à terme les rétablir pour améliorer la lutte contre les infections opportunistes au cours de l’évolution de la maladie. 

Note

* unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris Descartes, département « Infection, Immunité, Inflammation », Institut Cochin, Paris 

Source

A Dumas et coll. The HIV-1 protein Vpr impairs phagosome maturation by controlling microtubule-dependent trafficking. J. Cell Biol. 2015 ; 211 (2) : p359-72.