Comment le cytomégalovirus altère le développement cérébral

Les infections congénitales par le cytomégalovirus (CMV) troublent souvent le développement cérébral de l’enfant à naître. Une équipe de chercheurs français vient de décrire comment l’infection cible la protéine PPAR gamma, un récepteur au centre de nombreux mécanismes cellulaires. Outre la description inédite de ce mécanisme, le modèle dynamique utilisé dans ce travail a aussi l’intérêt d’être transposable à l’étude d’autres agents infectieux ayant une affinité pour le système nerveux central.

Si le cytomégalovirus (CMV) est un virus qui ne présente pas de danger pour les adultes en bonne santé, notamment pour les femmes enceintes, il peut causer une kyrielle de séquelles permanentes au niveau du système nerveux central (SNC) des enfants à naître : déformations du cerveau, infirmité motrice cérébrale, surdité, retard intellectuel… Toutes les infections congénitales par le CMV ne provoquent pas de telles conséquences. Mais en dehors du stade de grossesse auquel survient l’infection, on ne dispose pas de facteurs permettant de prévoir la nature et la sévérité des séquelles. La compréhension des mécanismes moléculaires impliqués lors de l’infection pourrait aider à mieux les prédire, voire même les traiter. 

Des chercheurs français ont développé une technique stable, permettant d’étudier la dynamique de développement des neurones en cultivant in vitro des cellules souches neuronales, précurseurs des futures cellules nerveuses. Sur ce modèle dynamique, ils ont mis en évidence le rôle central de PPAR gamma dans les dégâts induits par le CMV. 

Effet boule de neige

Stéphane Chavanas a dirigé ces travaux au Centre de Physiopathologie Toulouse-Purpan*, en collaboration avec l’Institut I‑stem** à Evry et l’hôpital Necker à Paris. « PPAR gamma est un récepteur qui module l’expression des gènes en protéines après avoir été stimulé par certaines molécules spécifiques, appelées ligands (acide gras, hormones…). Ce récepteur a un rôle important au niveau cellulaire, car son champ d’action est extrêmement vaste : métabolisme des lipides et des glucides, immunomodulation, prolifération et différenciation cellulaire…, explique le chercheur. Nous avions déjà montré que le CMV a besoin de PPAR gamma pour se multiplier au niveau du placenta, mais il fallait étudier leur interaction au cœur même du tissu cérébral ».

Plusieurs étapes expérimentales ont permis à son équipe de décrire précisément la dynamique de l’infection et de ses conséquences moléculaires : Après infection, les cellules souches neuronales deviennent de véritables usines de fabrication de virus. Parallèlement, l’équipe a observé une surexpression de PPAR gamma dans les cellules infectées. Ce phénomène perturbe la maturation de la cellule infectée en neurone, et provoque une surproduction des médiateurs capables de stimuler à distance des cellules nerveuses non infectées. Un effet boule de neige qui favorise la dissémination de l’effet délétère du CMV de proche en proche. 

« Nous avons corrélé les données obtenues in vitro avec celles issues de l’étude de coupes histologiques de tissu cérébral foetal infecté, précise Stéphane Chavanas. Sur ces coupes, la surexpression de PPAR gamma est maximale dans la zone cérébrale où les progéniteurs de neurones sont les plus nombreux. Elle est mise en évidence dans les cellules infectées tout comme dans les cellules non infectées qui se situent à proximité d’une cellule contenant déjà le CMV ».

Le système nerveux central humain (SNC) est par nature inaccessible aux expérimentations. Le modèle expérimental, utilisant des cellules souches neuronales, développé par l’équipe Inserm, est stable et simple à manipuler. Selon le chercheur, « il pourrait être transposé et utilisé pour l’étude d’autres maladies infectieuses affectant le SNC en développement, comme celle impliquant le virus Zika ».

Notes

* unité 1043 Inserm/CNRS/Université Paul Sabatier, Toulouse 

** Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques, unité 861 Inserm/ université d’Evry Val d’Essonne, Genopole d’Evry 

Source

Maude Rolland et al. PPARγ is activated during congenital Cytomegalovirus infection and inhibits neuronogenesis from human neural stem cells. PLOS Pathogens, 14 avril 2016. DOI:10.1371/journal.ppat.100554