Cancer du sein : nouvelle piste thérapeutique contre les tumeurs HER2

Des inhibiteurs de la voie CXCR4/CXCL12, une voie de signalisation cellulaire surexprimée dans certains cancers du sein, semblent efficaces contre les tumeurs HER2+, y compris celles résistantes à l’herceptine. Ces molécules sont toutefois sans effet sur les tumeurs triples négatives et pourraient même augmenter le risque de métastase dans ce cas. 

Un nouveau traitement ciblé contre les cancers du sein surexprimant le récepteur HER2 et résistants aux traitements de référence ? C’est l’espoir offert par les travaux de l’équipe Inserm » Stress et Cancer « * qui travaille à l’Institut Curie (Paris).

Il y a quelques années, les chercheurs ont montré qu’une voie de signalisation cellulaire, appelée CXCR4/CXCL12, est impliquée dans les cancers du sein les plus agressifs : ceux surexprimant le récepteur HER2, ainsi que les cancers dits » triples négatifs » (TN) qui ne présentent pas de récepteurs hormonaux à l’œstrogène ou à la progestérone, ni de récepteur HER2 à leur surface. « Dans ces différents cancers, les cellules tumorales surexpriment le récepteur CXCR4. De plus, les fibroblastes – cellules du microenvironnement tumoral qui soutiennent la tumeur – produisent en excès son ligand CXCL12.Or, on sait que les tumeurs déploient de nombreuses stratégies pour modifier et détourner leur environnement à leur profit, afin de favoriser leur croissance. Il était donc rationnel de penser que les anomalies affectant cette voie étaient favorables à la tumeur et qu’elles pouvaient offrir de nouvelles cibles thérapeutiques », explique Fatima Mechta-Grigoriou, responsable de ces travaux. 

Efficace contre les tumeurs HER2 et inutiles voire néfastes en cas de tumeur TN

Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont réalisé des études précliniques dans des modèles mimant au mieux la pathologie humaine. Ils ont réalisé des greffes de tumeurs humaines HER2 et TN chez des souris, afin d’y étudier les conséquences du blocage de la voie CXCR4/CXCL12. Pour cela, ils ont utilisé deux inhibiteurs spécifiques de CXCR4. L’un d’entre eux, AMD3100, est déjà utilisé en clinique pour lutter contre le VIH. Les chercheurs ont ensuite observé l’évolution des tumeurs pendant plusieurs semaines. 

Les résultats obtenus sont contrastés. La bonne nouvelle est que, dans le modèle utilisé, ces agents freinent efficacement la croissance des tumeurs HER2 et l’apparition de métastases. En revanche, ils n’ont aucun effet sur les tumeurs TN. Pire encore, dans 25% des cas, le blocage de la voie CXCR4/CXCL12 est associé à une augmentation du nombre de métastases issues de tumeur TN. « Ce dernier point nous a surpris et interpellé. Le fait qu’inhiber cette voie puisse être néfaste en cas de cancer du sein TN méritait que nous alertions la communauté scientifique », clarifie Fatima Mechta-Grigoriou. 

Mais la chercheuse ne cache pas sa satisfaction concernant les résultats obtenus avec les tumeurs HER2. « Cette stratégie semble efficace sur toutes les tumeurs HER2, y compris celles résistantes à l’herceptine qui est le traitement ciblé de référence. C’est une très bonne nouvelle car les cliniciens n’ont pas vraiment d’alternative thérapeutique dans ce cas-là « . Un premier essai clinique pourrait voir le jour assez rapidement chez ce type de patientes puisque l’un des inhibiteurs utilisés a déjà une autorisation de mise sur le marché et que son profil de sécurité a déjà été évalué chez l’humain.

En parallèle, les chercheurs poursuivent leurs travaux sur des tumeurs TN, qui représentent 10 à 20% des cancers du sein et sont de mauvais pronostic. Il n’existe actuellement aucun traitement ciblé contre ces tumeurs. 

Note :

*unité Inserm 830, Institut Curie, Paris 

Source :

S Lefort et coll. CXCR4 inhibitors could benefit to HER2 but not to triple-negative breast cancer patients. Oncogene. Edition en ligne du 26 septembre 2016