Atteinte cérébrale en cas de retard de croissance intra-utérin : un mécanisme dévoilé ?

Pathologie très répandue, le retard de croissance intra-utérin reste pourtant mal connu. Par quelles voies affecte-t-il le cerveau et les performances cognitives ? Une équipe de l’Inserm vient de dévoiler un mécanisme mettant en cause une activation excessive des cellules microgliales.

» Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est une des pathologies les plus fréquentes de la grossesse, bien avant la prématurité » assure Olivier Baud, de l’unité de néonatologie* de l’hôpital Robert Debré (Paris). Et de fait, le RCIU concerne une grossesse sur dix dans les pays développés, et davantage encore dans les pays émergents. 

Que cela soit en raison d’une malnutrition de la mère (surtout dans les pays pauvres) ou d’un problème vasculaire placentaire (cause la plus fréquente dans les pays riches), le fœtus ne reçoit pas assez de nutriments pour assurer une croissance normale, et l’enfant naît plus petit que la moyenne. Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là : outre une mortalité périnatale accrue, le RCIU peut se traduire par une paralysie cérébrale, un défaut d’attention ou des difficultés d’apprentissage, de mémorisation ou d’exécution de tâches cognitives. Et malgré la fréquence et la gravité du RCIU, ses mécanismes restent mal connus. On ne sait toujours pas par quelles voies un retard de croissance fœtal peut affecter le développement et l’organisation de son cerveau. 

Corréler les altérations de la microstructure du cerveau à des modifications de l’expression des gènes

Pour lever un coin du voile, l’équipe d’Olivier Baud a examiné, à différents moments de leur croissance, des fœtus et nouveau-nés de rattes recevant une ration pauvre en protéines durant leur gestation. Si ce modèle animal de RCIU est déjà connu, c’est la première fois qu’il est examiné de façon aussi complète, en combinant des techniques d’imagerie cérébrale (IRM, échographie doppler ultra-sensible), d’histologie et de génomique. Il s’agissait en effet de rechercher des corrélations entre les altérations constatées de la microstructure du cerveau et d’éventuelles modifications de l’expression des gènes dans les cellules concernées. 

En termes de microstructure cérébrale, les chercheurs ont observé un défaut de myélinisation (la myéline entoure le prolongement du neurone, ou axone, et joue un rôle essentiel dans la conduction du signal le long de cet axe) et une connectivité défectueuse des neurones. La grande nouveauté provient de l’étude du transcriptome (l’ensemble des gènes exprimés, avec leur niveau d’expression) de deux types de cellules cérébrales, les oligodendrocytes, qui fabriquent la myéline, et les cellules microgliales, qui assurent une fonction de soutien aux neurones. 

Outre les gènes intervenant dans la prolifération, la différentiation et l’apoptose (mort programmée) de ces cellules, les chercheurs ont constaté une expression anormalement élevée des gènes impliqués dans la régulation de la réponse inflammatoire. Un résultat nouveau, mais qui ne constitue qu’une demi surprise pour l’équipe : » L’implication de l’inflammation faisait partie de nos hypothèses, car des données épidémiologiques le suggéraient déjà chez le nouveau-né. Mais cela n’avait jamais été confirmé expérimentalement « , explique Olivier Baud. 

Des marqueurs précoces et des cibles thérapeutiques

Les chercheurs ont d’ores et déjà entamé la suite de leurs travaux : une analyse beaucoup plus détaillée des résultats de l’étude transcriptomique. L’idée est de mieux identifier les cascades de molécules activées, afin de repérer d’éventuelles cibles pour des stratégies de protection du cerveau par blocage de la réponse inflammatoire. » Nous en sommes encore loin : il s’agit de résultats très amont « , prévient cependant Olivier Baud. 

L’équipe veut également identifier des marqueurs moléculaires précoces du RCIU. En effet, cette pathologie est actuellement fortement sous-diagnostiquée en France (seuls 30% des RCIU le sont avant la naissance de l’enfant). » Aujourd’hui, on ne s’en aperçoit le plus souvent que lorsque l’enfant naît avec poids inférieur à la norme. Des marqueurs moléculaires permettraient de savoir dès le premier trimestre si une grossesse doit être surveillée ou pas, s’il faut mettre en place une stratégie de protection « , estime le néonatologue. 

Note

* unité 1141 Inserm/Université Paris Diderot/CNRS/AP-HP

Sources

AR Batista Navais et coll. Transcriptomic Regulations in Oligodendroglial and Microglial Cells Related to Brain Damage following Fetal Growth Restriction, Glia, édition en ligne du 30 septembre 2016