L’anxiété, facteur de risque de douleur chronique après toute chirurgie

Un niveau d’anxiété élevé avant l’opération et la capacité à amplifier une douleur sont deux facteurs associés au risque de survenue d’une douleur chronique après une intervention chirurgicale. Ces données incitent à évaluer ces paramètres avant toute opération.

Un état anxieux avant l’opération, la capacité à amplifier une douleur, mais également une douleur aiguë ressenti dans les jours suivant l’intervention, augmentent le risque de souffrir de douleur chronique trois mois après chirurgie, et ce, indépendamment de la nature de cette chirurgie. C’est ce que montre la dernière étude d’une équipe de l’Inserm qui s’intéresse aux déterminants de la douleur chronique. 

Des facteurs de risque « invariants »

Il a déjà été établi que plusieurs paramètres affectifs, notamment l’anxiété et la dépression, sont des facteurs de risque de douleur chronique après une opération. Mais il n’était pas certain que cela soient valables quelle que soit la nature de la chirurgie. La valeur prédictive de ces facteurs n’avait en effet été démontrée que chez des patients souffrant déjà avant l’intervention, par exemple chez des patients devant recevoir une prothèse en raison d’une arthrose douloureuse. 

Nadine Attal et ses collègues* ont voulu identifier des facteurs de risque de douleur chronique post-opératoire valables quelle que soit l’intervention et le patient, c’est à dire des facteurs de risque pouvant être considérées comme « invariants ». Pour cela, les chercheurs ont concentré leurs travaux sur deux types d’opération très différentes : la pose de prothèse de genou qui concerne des personnes des deux sexes, plutôt âgées et souffrant d’arthrose chronique, et la mastectomie (ou l’ablation d’une tumeur mammaire) qui n’affecte quasiment que les femmes, souvent plus jeunes et sans douleur préopératoire dans cette étude. 

Des facteurs modifiables

Les auteurs ont évalué les niveaux d’anxiété (trait anxieux et état anxieux), de dépression, de catastrophisme et de douleur avant l’opération, deux jours après puis trois mois plus tard grâce à des échelles adaptées. Leurs résultats montrent que l’état anxieux et la sensibilité à la douleur (« l’amplification de la douleur ») avant l’opération sont des facteurs prédictifs indépendants du développement d’une douleur chronique ultérieure, quel que soit le type de chirurgie et le profil du patient. Par ailleurs, la douleur aiguë deux jours après l’opération contribue également à la douleur chronique postopératoire. « Ces facteurs sont à considérer comme des « drapeaux rouges » pouvant être évalués avant une intervention, estime Nadine Attal. Si une opération n’est pas urgente, le fait d’apaiser au préalable l’anxiété par des médicaments ou des thérapies cognitivo-comportementales peut réduire le risque de douleur postopératoire. L’utilisation d’échelles d’évaluation très simples peut aider à détecter une anxiété ou un comportement propice à amplifier la douleur avant une intervention », suggère–t‑elle.

Aller plus loin

Forte de ces résultats, l’équipe souhaite aller plus loin pour trouver d’autres déterminants de la douleur chronique. Elle évalue notamment actuellement l’impact de données cognitives, comme la capacité d’adaptation des individus à des situations nouvelles ou la flexibilité cognitive, sur la douleur chronique postopératoire à 6 mois et à un an. « Nous ne pourrons pas intervenir et modifier tous les facteurs mais le fait de les connaitre aide à mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la douleur chronique et à évaluer les risques douloureux chez les patients », conclut-elle. 


Note :
*Unité Inserm 987, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt 

Source :
A. Masselin-Dubois et coll. Are Psychological Predictors of Chronic Postsurgical Pain Dependent on the Surgical Model ? A Comparison of Total Knee Arthroplasty and Breast Surgery for Cancer. J Pain, édition en ligne du 17 mai 2013