L’allaitement, bon pour le cerveau

Une corde de plus à l’arc de l’allaitement ! Utile pour l’immunité, protecteur vis à vis de l’asthme ou encore du diabète, il pourrait également contribuer à un développement psychomoteur plus rapide chez les jeunes enfants. C’est ce que suggère une équipe de l’Inserm, d’après l’étude de la cohorte EDEN.

L’allaitement rendrait-il plus intelligent ? La réponse est probablement à nuancer, mais une étude indique qu’à l’âge de deux ans, les enfants qui ont été allaités sont légèrement plus précoces que les autres pour le langage. A trois ans, un avantage est observé sur le plan psychomoteur. L’équipe Inserm* qui vient de publier ces résultats a étudié une cohorte d’enfants issus de la population générale. Cette cohorte, EDEN, a été créée en 2003 avec plus de deux mille femmes enceintes. Elle a pour objectif d’identifier des déterminants ayant un impact sur le développement et la santé des enfants, pendant leur vie embryonnaire et après la naissance. 

Deux types d’évaluations à 2 et 3 ans

En moyenne, 70 % des enfants de la cohorte étaient allaités à la sortie de la maternité et 35 % après quatre mois. Les années passant, les chercheurs ont demandé aux parents des enfants âgés de deux ans d’indiquer les mots prononcés spontanément par leur enfant parmi une liste de 100 mots. Un an plus tard, ils les ont de nouveau sollicités afin d’évaluer leurs capacités à accomplir certaines tâches ou à résoudre certains problèmes : s’habiller seul, sauter à pieds joints, tracer un cercle, tenir un crayon... Les deux questionnaires ont permis d’obtenir pour chaque enfant deux scores, le premier sur 100, le second sur 300. 

Un bénéfice modeste mais réel

Les résultats montrent que, en moyenne, les enfants allaités prononcent davantage de mots à deux ans que ceux qui ne l’ont pas été. De plus, ils semblent avoir un meilleur développement cognitif global à l’âge de trois ans. « Cela avait déjà été suggéré dans des études étrangères, mais pas dans le contexte français où le nombre d’enfants allaités est relativement faible » explique Barbara Heude, coauteur des travaux. 

La différence, en faveur des enfants allaités, est de 6,2 points sur 300 pour le développement psychomoteur à trois ans, et de 3,7 mots prononcés en plus à deux ans (sur 100). « A cet âge, les filles d’EDEN prononcent en moyenne neuf mots de plus que les garçons. Il s’agit donc d’une différence modeste, plus faible que celle observée entre les deux sexes » précise la chercheuse. « De même, elle est plus faible que celle observée entre les enfants dont les parents lisent une histoire tous les jours et les autres. Néanmoins, ces résultats sont significatifs et suggèrent que l’allaitement est l’un des nombreux facteurs qui peuvent expliquer les différences de développement cognitif entre les enfants » selon elle. 

L’allaitement de longue durée plus profitable

Les auteurs ont en outre observé une relation linéaire tout à fait intéressante entre la durée de l’allaitement et les « performances » des enfants. « Plus l’allaitement est long, meilleurs sont les scores. Et ce lien est renforcé en cas d’allaitement exclusif » clarifie la chercheuse. 

Comment expliquer ces résultats ? « Il existe une hypothèse biologique forte. Le lait maternel est très riche en acides gras essentiels, oméga 3 et oméga 6, indispensables au développement cérébral. Ces acides gras sont de bonne qualité et très bien assimilés par l’enfant » décrit Barbara Heude. Son équipe va tenter de clarifier ces liens et vérifiera par ailleurs si les différences observées persistent plusieurs années plus tard, lorsque ces mêmes enfants sont évalués à l’âge de cinq ans. 

Note :
*Unité Inserm 1018, Centre de recherche en épidémiologie et sante des populations, Villejuif. 

Source :
J. Bernard et coll. Breastfeeding Duration and Cognitive Development at 2 and 3 Years of Age in the EDEN Mother-Child Cohort. Journal of Pediatrics, edition en ligne du 10 janvier 2013