Alcool et ecstasy, un cocktail explosif

Décrypter les mécanismes de la démultiplication par l’alcool des effets psychostimulants de l’ecstasy : tel est l’objectif d’une étude qui met en évidence le rôle du striatum ventral. Des résultats inédits qui pourraient contribuer, à terme, à prévenir les addictions dans un contexte de polyconsommation de drogues.

Un article à retrouver dans le n°48 du magazine de l’Inserm

Que se passe-t-il quand on mélange alcool et ecstasy, pratique usuelle dans les soirées jeunes et festives ? Quels sont les effets observés ainsi que les mécanismes cérébraux et physiologiques impliqués ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles tente de répondre l’équipe d’Anne Pereira de Vasconcelos*, directrice de recherche Inserm, spécialisée dans les systèmes de mémoire, la persistance des souvenirs et la dynamique spatiotemporelle de la réorganisation des circuits cérébraux. 

Et ses résultats, récemment publiés, ouvrent de nouvelles perspectives de recherche, mais aussi préventives et thérapeutiques. L’ecstasy, ou MDMA (3,4 méthylènedioxyméthamphétamine), est une drogue dérivée de l’amphétamine qui est consommée pour ses effets euphorisants et sa stimulation de l’empathie – d’où son surnom de « pilule de l’amour ». Synthétisée en 1898, brevetée en 1913, elle fut d’abord utilisée dans un contexte militaire, puis, dans les années 1970, pour diminuer les inhibitions lors de psychothérapies. Elle est aujourd’hui étudiée en vue de traiter certaines formes de stress post-traumatique et de troubles de l’humeur. Parmi les effets de l’ecstasy, on note une augmentation de la température corporelle, ou hyperthermie, une extraversion accrue, et une sensation de bien-être et d’énergie débordante. Chez le rat, cette psychostimulation se traduit par une activité physique accrue, dépendante de la dose absorbée. On sait par ailleurs que cette hyperlocomotion est accentuée si la MDMA est consommée avec de l’alcool, qui accroît également la sensation de plaisir et diminue l’hyperthermie.

Striatum ventral et système dopaminergique

Pour mieux comprendre cet enchaînement d’effets, l’équipe strasbourgeoise a soumis des rats à une série de tests : mesure de l’activité cérébrale via le métabolisme du glucose, inactivation réversible du striatum ventral, une zone du cerveau située sous le cortex et impliquée dans le plaisir et la locomotion, et enfin blocage des récepteurs du système dopaminergique, qui contribue fortement à réguler la motivation, le plaisir, la cognition, la mémoire, l’apprentissage et la motricité fine. Ils ont ensuite analysé les cascades pharmacologiques et métaboliques impliquées. La cartographie du métabolisme cérébral du glucose, qui donne des informations essentielles sur l’activité du cerveau, a permis d’observer une augmentation de la consommation de ce sucre dans le striatum ventral mais seulement chez les rats ayant absorbé un cocktail alcool-MDMA. D’autres tests ont montré que l’augmentation de l’hyperlocomotion par l’alcool disparaît si le striatum ventral est bloqué, et que les neurones et les récepteurs dopaminergiques sont impliqués dans cet effet. 

« Nous avons mis en évidence que le striatum ventral est la région cérébrale qui régule la réponse comportementale des effets de la combinaison alcool-MDMA, et que la potentialisation par l’alcool des effets locomoteurs de la MDMA implique le système dopaminergique », résume Anne Pereira de Vasconcelos. Reste à préciser le rôle des différents récepteurs dopaminergiques et neurotransmetteurs, en utilisant d’autres modèles (animaux transgéniques, rats d’âges différents…) et d’autres techniques comme la tractographie qui met en évidence les voies neuronales. Chez l’Homme, une étude sur les conséquences psychologiques, psychomotrices et psychopathologiques de la consommation de MDMA associée à l’alcool serait également utile. Si l’ecstasy n’est pas considérée comme une drogue fortement addictive, son association avec l’alcool semble activer fortement le fameux « circuit de la récompense », ce qui peut conduire à une consommation abusive. 

Note :
*unité 7364 Inserm/Université Strasbourg, Laboratoire d’imagerie et de neurosciences cognitives

Source : S. Ben Amida et coll. Ventral striatum regulates behavioral response to ethanol and MDMA combination. Addict Biol., 14 juillet 2020 ; doi : 10.1111/adb.12938