VIH : de nouveaux traitements efficaces, mais un diagnostic encore trop tardif

S’appuyant sur la base de données nationale ANRS CO4 FHDH, une équipe Inserm a évalué l’efficacité immunologique des nouveaux traitements antiviraux contre le VIH. Bien que satisfaisants, les résultats restent liés à la précocité du diagnostic. L’équipe souligne au passage l’importance de la mesure du ratio CD4/CD8, notamment au moment où le traitement est mis en place.

« Nous gérons une base de données* regroupant les informations sur les personnes vivant avec le VIH prises en charge à l’hôpital. Nous l’utilisons pour répondre à questions d’intérêt clinique » explique Dominique Costagliola, qui dirige l’équipe Epidémiologie clinique de l’infection à VIH : stratégies thérapeutiques et comorbidité**, à Paris. Depuis 2006, des médicaments antiviraux plus efficaces et mieux tolérés que les premières générations sont apparus. Dès lors se pose la question de leur efficacité et des paramètres influant la réponse des patients. 

Bourgeonnement du virus du SIDA en surface d’une cellule. Crédits : Inserm/Philippe Roingeard
Bourgeonnement du virus du Sida en surface d’une cellule. Crédits : Inserm/Philippe Roingeard

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable du sida, s’attaque à une catégorie particulière de cellules immunitaires : les lymphocytes CD4. Le taux plasmatique de CD4 constitue donc un bon indicateur de la progression de la maladie. Outre la disparition des virus dans le sang, c’est aussi à cette aune que l’on mesure l’efficacité des antiviraux : à quelle vitesse le taux de CD4 remonte-t-il à une valeur normale, soit plus de 500 lymphocytes CD4 par mm3 de plasma ? C’est, bien évidemment, l’indicateur biologique le plus étudié depuis le début de l’épidémie. Mais qu’en est-il avec ces nouveaux traitements ? 

Des molécules efficaces

Exploitant sa mine de données, l’équipe de Dominique Costagliola a mené une étude sur une cohorte de plus de 6 000 personnes vivant avec le VIH qui ont démarré un traitement antirétroviral entre 2006 et 2014. Résultat : environ 70% des patients traités reconstituent un taux de CD4 « normal » au bout de 6 ans. De plus, l’étude confirme avec ces nouveaux médicaments ce que l’on savait déjà avec les autres : un taux élevé de CD4 au début du traitement est de bon pronostic pour la récupération. « Cela met une fois de plus en évidence le problème du diagnostic tardif : trop de patients ont déjà des taux de CD4 très bas (moins de 200) au moment où ils découvrent l’infection, et donc une moindre chance de récupération » souligne la chercheuse. 

L’équipe s’est aussi intéressée de plus près à deux aspects peu étudiés jusque-là. Tout d’abord, parmi les nouveaux traitements figurent des inhibiteurs d’intégrase (INI). Ces médicaments permettent d’obtenir un contrôle rapide de la charge virale. Autrement dit, avec les INI le nombre de virus présents dans le plasma devient très vite indétectable. Mais cette élimination rapide des virus sanguins constitue-t-elle un réel bénéfice pour la reconstitution des CD4 et le devenir clinique des patients ? La réponse est négative : s’ils abrègent de quelques semaines la période durant laquelle la personne est potentiellement contaminante (période qui dure souvent plusieurs années avant le diagnostic…), les INI n’apportent pas d’avantage particulier en termes de récupération de l’équilibre immunitaire. 

Un paramètre important

Autre aspect peu pris en compte jusqu’ici : le rapport entre les taux de lymphocyte CD4 et de lymphocyte CD8. « Les CD8 sont une population de lymphocytes impliquées dans l’activation des défenses immunitaires. Un taux élevé de CD8 traduit un état d’activation et d’inflammation » explique Dominique Costagliola. Or cette étude montre qu’un ratio CD4/CD8 altéré au moment de l’initiation du traitement – donc une situation cumulant immunodépression et inflammation – se traduit par une plus faible probabilité de remontée des CD4 : le patient répondra plus lentement au traitement antiviral. Ce résultat plaide pour un relevé systématique du taux de CD8 lors de l’admission des patients dans un service hospitalier. « Cela n’implique aucun coût supplémentaire puisqu’on a ce taux lorsqu’on fait la numération pour les CD4. Il faut simplement le prendre en compte » précise la chercheuse. 

Ce ratio CD4/CD8 est d’autant plus important qu’un taux constamment élevé de CD8 est associé à des risques autres que les pathologies liées au sida, comme l’infarctus. C’est en tout cas ce qu’a déjà démontré l’équipe de Dominique Costagliola. Une jeune chercheuse de son laboratoire poursuit d’ailleurs actuellement une thèse sur le rôle pronostique du ratio CD4/CD8, en particulier en termes de cancers et autres comorbidités

Note :
* Base de données hospitalière française sur l’infection à VIH ANRS CO4 FHDH
** unité 1136 Inserm/UPMC, Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, équipe Epidémiologie clinique de l’infection à VIH : stratégies thérapeutiques et comorbidités, Paris

Source : H. Roul et coll., 2018, CD4 cell count recovery after combined antiretroviral therapy in the modern cART era, AIDS, DOI : 10.1097/QAD.0000000000002010