Vers un meilleur système d’identification des perturbateurs endocriniens

Coordonné par l’Inserm, le projet européen OBERON vise à développer des batteries de tests qui permettront – enfin – de cerner avec plus de précisions et de certitude comment des composés suspectés d’être des perturbateurs endocriniens pourraient induire des troubles métaboliques et, à terme, d’identifier ces composés.

Pour améliorer la connaissance et l’identification des substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens (PE), l’Union Européenne finance le programme OBERON (Integrative strategy of testing systems for the identification of endocrine disruptors related to metabolic disorders). Objectif : mettre sur pied une batterie de tests permettant d’étudier les effets de ces substances sur le système métabolique et préparer la validation des tests les plus prometteurs. Ceux-ci pourront ensuite être utilisés dans un cadre réglementaire, pour révéler ces effets néfastes et décortiquer les différentes étapes biologiques y conduisant, notamment celles impliquant le système endocrinien. Une meilleure compréhension de leur enchaînement permettra d’établir pour chaque substance ce qu’on appelle les Adverse Outcome Pathways (AOP, ou « chemins de l’effet néfaste »). 

Pourquoi OBERON est-il nécessaire ?

Les perturbateurs endocriniens font l’objet d’une attention grandissante de la part des pouvoirs publics, des citoyens, des médias et des chercheurs. Si ces substances sont suspectées d’interagir avec notre système hormonal, le démontrer avec certitude reste difficile : en effet, le système endocrinien est complexe et difficile à étudier dans sa globalité. Par ailleurs, la toxicité des perturbateurs présumés est probablement liée à une exposition à long terme, dans laquelle des doses répétées ont sans doute des effets distincts selon qu’elles sont élevées ou faibles, seules ou associées à d’autres substances à risque (effet cocktail), et surtout selon la période du développement au cours de laquelle l’exposition survient. 

Dans ce contexte, il apparaît indispensable de mieux comprendre ces mécanismes et, pour cela, de disposer de tests validés et complémentaires les uns des autres, afin de disposer d’une vue aussi exhaustive que possible de l’impact de chaque composé chimique. L’Union Européenne a donc sélectionné huit projets visant à améliorer les moyens d’étude et de contrôle de ces substances dans les différents domaines physiopathologiques : OBERON est consacré à l’incidence des PE sur les désordres métaboliques. D’autres sont dédiés aux troubles thyroïdiens, à leur neurotoxicité, aux troubles de la reproduction... Ces huit projets forment le cluster EURION, dont la co-coordination sera assurée par l’Inserm les 18 premiers mois. 

Une approche novatrice visant l’exhaustivité

Pas moins de 11 partenaires, issus de 6 pays européens, vont participer au consortium OBERON. Karine Audouze, chercheuse dans l’unité Inserm 1124* spécialisée en bioinformatique, mènera des études de biologie des systèmes. Elle assurera aussi la coordination de l’ensemble des équipes, pendant 5 ans : « Notre travail plurisdisciplinaire en réseau va permettre de faire avancer la connaissance sur les PE dans le champ des maladies métaboliques. Son originalité est de proposer une approche intégrative : sur la base de tests expérimentaux, de données épidémiologiques et cliniques issues de cohortes de population et à partir de modélisations informatiques, nous pourrons étoffer les AOP et permettre aux régulateurs et aux législateurs – Union Européenne, OCDE – de disposer à terme d’outils validés ».

En pratique, dix composés issus de sept familles chimiques vont constituer le socle de ces études : bisphénols, phtalates, polyfluoroalkyles, métaux lourds, insecticides organochlorés, parabènes et dioxines. Pour chacun d’entre eux, plusieurs approches seront développées : 

  • des tests sur des cellules ou des tissus en 2D ou en 3D, ces derniers (des organoïdes) permettant de mieux refléter la réalité des tissus in vivo ;
  • des tests in vivo sur le poisson-zèbre : son métabolisme, facile à étudier, peut être utiliser pour modéliser des maladies métaboliques humaines ;
  • des techniques ‑omics : transcriptomique (étude de la variation de l’expression des gènes), lipidomique et métabolomique (impact des PE sur le métabolisme) ;
  • des méthodes de biologie des systèmes, permettant de croiser l’ensemble des données expérimentales et des données scientifiques déjà existantes, afin de développer les AOP et d’améliorer les connaissances des mécanismes d’action des composés.

« Le champ des compétences couvertes par les équipes retenues est large. Les expertises sont parfois complémentaires, parfois similaires. Ceci vise à pouvoir proposer des tests différents pour une même problématique et assurer ensuite une validation croisée, chacun validant le test de l’autre, explique la chercheuse. Une fois un test développé et validé, nous pourrons ensuite en élargir l’application à d’autres composés dont la structure chimique et/ou le mécanisme d’interaction avec notre biologie sont proches ».

OBERON a été doté d’un budget de 5,9 millions d’euros pour une durée de 5 ans. Les partenaires français impliqués sont l’Inserm (unité 1124, Paris ; unité 1085 – IRSET, Rennes ; unité 1211, Bordeaux), Inserm Transfert, ainsi que l’Ineris et l’Anses.

Note :
* unité 1124 Inserm/Université Paris Descartes, Toxicologie Environnementale, Cibles Thérapeutiques, Signalisation cellulaire et Biomarqueurs, Paris.