Troubles du sommeil et diabète de type 2 : quels sont les liens ?

Alors qu’elle a déjà identifié des variants du récepteur à la mélatonine – l’hormone du sommeil – associés à un risque accru de diabète de type 2, une équipe Inserm vient de publier, en collaboration avec plusieurs équipes internationales, des informations sur les mécanismes en jeu. Repérant au passage des cibles pour des médicaments plus spécifiques...

Le dérèglement de l’horloge biologique et les troubles du sommeil favorisent l’apparition du diabète de type 2 (DT2). C’est une association bien connue, préoccupante entre autres pour les travailleurs postés. Il a été suggéré que la mélatonine, hormone produite durant la nuit et impliquée dans la régulation des cycles de sommeil, pourrait jouer un rôle dans l’apparition de cette forme de diabète. Or, au-delà des facteurs environnementaux comme le régime alimentaire, le DT2 a une indéniable composante génétique. D’où l’idée de rechercher les variations des gènes codant les récepteurs cellulaires à la mélatonine afin de détecter celles qui, éventuellement, seraient liées à un risque accru de développer un DT2. Plusieurs équipes ont relevé de telles associations, mais il a fallu attendre 2012 pour que les équipes de Ralf Jockers à l’Institut Cochin* et de Philippe Froguel à l’Institut Pasteur de Lille, établissent clairement un lien statistique et fonctionnel entre le risque de diabète non insulino-dépendant et certains variants rares du gène codant pour un des deux récepteurs à la mélatonine, le récepteur MT2. 

Comprendre les mécanismes

Encore fallait-il découvrir les mécanismes en jeu. La liaison de la mélatonine à MT2 déclenche dans la cellule une cascade d’évènements moléculaires « signalant » cette fixation, et induisant une réponse. Ou plus précisément trois cascades, car les récepteurs de cette classe peuvent activer trois voies de signalisation. Certains variants génétiques de MT2 induisent-ils des réponses différentes ? Et quelles sont les particularités fonctionnelles éventuellement liées à un risque accru de DT2 ? Pour le savoir, l’équipe de Cochin a caractérisé la réponse fonctionnelle de pas moins de 40 variants génétiques du récepteur, en présence ou en absence de mélatonine. Un énorme travail, qui a exigé de collaborer avec des équipes canadienne (Montréal), américaine (Houston), française (Lille) et britanniques (Cambridge et Londres). « Il fallait mettre en œuvre des compétences en génétique, en analyse cellulaire, en bioinformatique, ... donc aller bien au-delà de ce que peut réaliser mon seul laboratoire » explique Ralf Jockers. 

Le récepteur MT2 peut, entre autres fonctions, recruter des protéines G, qui participent au transfert d’information intracellulaire, et des ß‑arrestines, qui régulent l’activité des précédentes. Or l’analyse a montré que les variant génétiques de MT2 les plus fortement liés à un risque de DT2 présentent deux types de pertes fonctionnelles. D’une part, certains activent faiblement deux classes de protéines G – en l’occurrence Gαi1 et Gαz – lors de la fixation de mélatonine. D’autre part, de manière plus surprenante, certains se distinguent par un faible recrutement de la β‑arrestine2 en l’absence de mélatonine, donc durant la journée. Autrement dit, le fonctionnement spontané du récepteur, en l’absence de son ligand, pourrait également jouer un rôle dans le risque de DT2. 

Vers des médicaments plus spécifiques

Ralf Jockers imagine dès lors une stratégie de développement de nouveaux médicaments. « Les médicaments actuels activent ou inactivent toutes les fonctions du récepteur, sans distinction. Or nous avons montré que seules certaines sont liées à un risque de DT2 : il nous faut donc trouver des molécules qui activent ou bloquent spécifiquement ces voies, par exemple qui renforcent le recrutement des protéines G défaillantes » explique-t-il. Une vision lointaine ? Pas tant que cela, répond-il, arguant que la démarche a déjà été utilisée avec succès pour d’autres récepteurs. 

Par ailleurs, l’activation de MT2 peut avoir des effets bénéfiques sur la maladie d’Alzheimer. L’équipe de Ralf Jockers recherche actuellement d’éventuelles liaisons statistiques entre les variants de MT2 et cette pathologie. Quitte, en cas de résultat positif, à appliquer la même stratégie de caractérisation fonctionnelle que pour le diabète de type 2. 

Notes

* Unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris Descartes, équipe Pharmacologie fonctionnelle et physiopathologie des récepteurs membranaires, Institut Cochin, Paris 

Source : Karamitri et coll. Type 2 diabetes-associated variants of the MT2 melatonin receptor affect distinct modes of signaling. Science Signaling du 28 août 2018, 11(545). pii : eaan6622. doi : 10.1126/scisignal.aan6622.