Des troubles psychomoteurs en cas d’exposition au chikungunya au moment de la naissance

Les nouveau-nés infectés par le chikungunya au moment de la naissance ont un risque accru de retard psychomoteur à l’âge de deux ans. C’est ce que montre un suivi de cohorte à la Réunion effectué par des chercheurs de l’Inserm*.

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© Inserm – T. Couderc, MC Prévost, M. Lecuit Virus Chikungunya observé en microscopie électronique à balayage à la surface d’une cellule infectée (les particules virales sont colorisées en jaune, la cellule en bleu).

Les enfants de mères infectées par le virus du chikungunya au moment de leur naissance ont un risque important d’être infectés au cours de l’accouchement et de développer des troubles psychomoteurs : c’est ce qu’indiquent des données obtenues à partir d’une cohorte réunionnaise composée de personnes qui ont été infectées par le virus, la cohorte CHIMERE. 

Si le virus du chikungunya ne semble pas passer la barrière placentaire pendant la grossesse, les échanges materno-foetaux spécifiques à la naissance sont en revanche propices à une transmission de la mère à l’enfant dans environ 50 % des cas. Or, chez le nouveau-né, le virus entraine un risque d’encéphalopathie due à la perméabilité des tissus et à l’immaturité du système immunitaire. Des chercheurs de l’Inserm ont étudié l’impact d’une telle transmission sur le développement psychomoteur des enfants nés de mères incluses dans la cohorte CHIMERE, infectées au moment de leur accouchement. 

Un retard psychomoteur dans plus de la moitié des cas

Les chercheurs ont comparé le niveau de développement psychomoteur à l’âge de deux ans de 33 enfants infectés au moment de la naissance et celui de 135 enfants non infectés. Ils ont pour cela utilisé une échelle d’évaluation du développement neuro-cognitif couramment employée en pédiatrie dans les pays francophones (échelle Brunet-Lezine). Différents paramètres pouvant influencer le développement des enfants, comme le poids de naissance ou la prématurité, ont été pris en compte. 

Cette analyse montre que 51 % des enfants infectés présentaient un retard développemental à deux ans, avec des troubles de la coordination, du langage ou des problèmes de sociabilité. Seuls 15 % des enfants du groupe « non infectés » présentaient de tels troubles. Une différence qui ne laisse la place à aucune ambiguïté : « Une infection qui se déclare chez la mère au moment de la naissance fait courir un risque de transmission et de séquelles neurologiques pour le nouveau-né », tranche le Dr Xavier Fritel, coordinateur de l’étude qui travaille depuis au CHU de Poitiers. « De précédents travaux de notre équipe ont montré qu’une infection au cours de la grossesse est bégnine et sans conséquence pour la mère et l’enfant. Mais une infection au moment de l’accouchement est critique pour l’enfant », renchérit-il. 

Des pistes d’amélioration

Parmi les enfants présentant un retard psychomoteur, deux tiers sont atteints des troubles légers dont certains sont récupérables avec un bon suivi médical et l’aide de paramédicaux comme des psychomotriciens », rassure le Dr Patrick Gérardin, pédiatre-épidémiologiste et coauteur de l’étude à la Réunion. Néanmoins, quelques enfants sont atteints de formes très sévères et porteront des séquelles toute leur vie. « Quatre enfants ont une infirmité motrice d’origine cérébrale (IMOC) entrainant des difficultés pour se déplacer. Deux d’entre eux sont également mal voyants. Ces derniers montrent notamment des lésions neurologiques observables par IRM » précise le pédiatre. 

Actuellement, en cas d’infection au moment de la naissance, rien ne permet de réduire le risque de transmission. A ce titre, les chercheurs du CHU Antilles-Guyane, de l’Inserm et de l’institut Pasteur, réunis à la demande de l’ITMO Microbiologie et Maladies Infectieuses dans le groupe Reacting, projettent de tester l’administration d’immunoglobulines chez l’enfant peu après la naissance afin de neutraliser le risque lié à la transmission du virus. De précédents travaux de l’Institut Pasteur ont en effet montré un bénéfice de cette approche thérapeutique chez la souris. « En pratique, si l’efficacité et l’innocuité des immunoglobulines sont démontrées et que l’industrie pharmaceutique est prête à leur développement, celles-ci pourraient s’administrer immédiatement après la naissance, comme on le fait déjà pour l’hépatite B », renchérit le pédiatre. 

Note 

* dans les Centres d’investigation clinique de Poitiers et Saint-Pierre (La Réunion) 

Source

P. Gérardin et coll. Neurocognitive Outcome of Children Exposed to Perinatal Mother-to-Child Chikungunya Virus Infection : The CHIMERE Cohort Study on Reunion Island. PLoS Negl Trop Dis 8(7): e2996. doi:10.1371/journal.pntd.0002996