AccueilActualitéScienceTroubles du spectre de l’autisme : comprendre leur diversité pour mieux vivre !Troubles du spectre de l’autisme : comprendre leur diversité pour mieux vivre ! Publié le : 04/11/2025 Temps de lecture : 6 min Actualité, ScienceLa survenue de traits autistiques est liée à des anomalies très précoces du neurodéveloppement, c’est-à-dire de la mise en place du système nerveux. Le défi des équipes de recherche consiste donc à rembobiner le film de ces étapes intervenant avant la naissance, pour comprendre quelle altération de quel gène aura quelle conséquence. Pourquoi ? Les TSA vont souvent de pair avec des comorbidités incommodantes, comme l’épilepsie ou les troubles gastro-intestinaux. Mieux comprendre le lien entre la survenue de traits autistiques et de ces désagréments, pour mieux prévenir et prendre en charge ces derniers, c’est améliorer la qualité de vie des personnes concernées !Cet article est la retranscription de l’émission « Eurêka » diffusée sur l’antenne de RCF Alsace le 23 octobre 2025, en partenariat avec la Délégation régionale Inserm Est. Cet épisode est réécoutable en cliquant ici.L’autisme : en voilà une réalité qui peut sembler complexe à appréhender tant elle renvoie à une très large diversité de situations et de profils. Peut-être pensez-vous spontanément à Rain Man, célèbre film des années 1980 dans lequel un personnage présenté comme autiste fait preuve de capacités cognitives épatantes. C’est sans doute ce genre de représentations qui contribuent à éclipser le caractère multifacette de ce trouble du neurodéveloppement. En effet, les caractéristiques de l’autisme étant très variables d’un individu à l’autre, on parle désormais du spectre de l’autisme afin de prendre en compte la grande diversité de profils, de besoins et de modes d’expression des personnes concernées. Sur les près de 700 000 personnes en France présentant un trouble du spectre de l’autisme – ou TSA – il va sans dire que chacune d’elle est unique.Les TSA se manifestent dès l’enfance, accompagnent la personne tout au long de sa vie et renvoient à des réalités cliniques très différentes. Oublions donc l’association souvent faite avec le QI : si effectivement un tiers des personnes concernées par un TSA connaît un trouble du développement intellectuel, cela ne signifie pas pour autant que présenter des traits autistiques va systématiquement de pair avec soit un retard intellectuel, soit une forme de génie sans limite.Plutôt que ces idées reçues, retenons les signes généralement associés à ces troubles. D’abord, des difficultés en matière d’interactions sociales. Deuxièmement, des problèmes de communication, qu’il s’agisse du langage en tant que tel ou de la communication non verbale. Troisièmement : des troubles du comportement avec notamment une tendance à répéter les mêmes gestes, paroles ou comportement. En outre, le changement ou l’imprévisibilité d’une situation est souvent de nature à susciter une panique. Enfin, des réactions sensorielles exacerbées : la lumière ou le contact physique par exemples peuvent déclencher des réactions de rejet.Une forte composante génétiqueToutes ces particularités sont souvent à l’origine de difficultés d’apprentissage et d’insertion sociale. Pour autant, nous pouvons être catégorique sur un point : le mode d’éducation prodigué par les parents n’entre pas en compte dans la survenue de traits autistiques. Et profitons-en pour battre en brèche une autre fausse information dangereuse et culpabilisante, qui nous vient d’outre-Atlantique : il n’existe absolument aucun lien démontré entre la prise de paracétamol pendant la grossesse et l’autisme de l’enfant.Les TSA sont liés à des anomalies très précoces du neurodéveloppement, c’est-à-dire de la mise en place du système nerveux, avant la naissance donc. Ils ont une origine multifactorielle, avec une forte composante génétique. Et derrière la génétique, il pourrait bien y avoir une histoire de destin, mais pas n’importe lequel : de destin cellulaire !Direction l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, ce centre de recherche au sud de Strasbourg affilié à l’Inserm, au CNRS et à l’Université de Strasbourg, où travaille Christelle Golzio, chercheuse Inserm. Après avoir réalisé sa thèse à l’hôpital Necker-Enfants malades, puis travaillé pendant plusieurs années aux Etats-Unis sur diverses maladies congénitales, Christelle Golzio se consacre désormais à l’étude des gènes induisant la survenue de traits autistiques. Un défi de taille puisqu’on estime que près de 1500 gènes pourraient être, à des degrés divers, associés aux TSA !Nous l’avons dit, les TSA ont une origine largement génétique, c’est-à-dire liés à des lésions, des anomalies de l’ADN, ce support de l’information génétique qui détermine le fonctionnement de notre corps et certaines de nos caractéristiques physiques.Chacune de nos dizaines de milliards de cellules contient notre patrimoine génétique via nos 23 paires de chromosomes, qui contiennent eux-mêmes notre ADN compacté. L’ADN se présente sous la forme d’un complexe filament en forme de double hélice qui, si on le déroulait, mesurerait environ 2 mètres ! Le gène est un morceau de cet ADN qui correspond à une information génétique particulière et qui va transmettre un message à la cellule pour qu’elle mène l’action à laquelle elle est vouée.Le « hic » des réarrangements chromosomiquesMaintenant que le décor est posé, venons-en aux faits. Certains gènes se comportent comme des conducteurs de chantier. De manière précoce, ils régissent le plan de construction en affectant des cellules encore immatures à un devenir particulier : plus tard, certaines deviendront des neurones, d’autres des cellules de tel organe, etc. Autrement dit, ces gènes, en donnant des instructions à la cellule, lui confèrent une destinée précise. On parle de destin cellulaire.Et c’est là que Christelle et ses collègues entrent en piste : parfois, des anomalies surviennent et certains gènes vont disparaître, d’autres être dupliqués en un nombre plus important de copies… Or ces réarrangements vont modifier les programmes génétiques instruisant les cellules au cours du développement – en chamboulant les conducteurs de chantier, on modifie de facto le plan de construction initialement prévu.Au laboratoire, Christelle identifie, parmi les gènes impliqués dans ces réarrangements, ceux qui sont sujets à des anomalies de copie et qui seront impliqués dans l’apparition ultérieure de syndromes liés à l’autisme. Dit autrement, la recherche consiste à rembobiner le film de la mise en place du système nerveux : puisque ces lésions de l’ADN interviennent avant la naissance, il faut remonter le cours du temps pour déterminer où surviennent ces anomalies… et ce rembobinage implique de revenir au stade précoce où les gènes régissent le plan de construction des cellules du système nerveux.Mais l’aventure ne s’arrête pas là : il faut ensuite comprendre quelle altération aura quelle conséquence. Pour ce faire, la chercheuse module l’expression de différents gènes dans des larves de poissons zèbres, modèle dont le patrimoine génétique présente des similitudes importantes avec celui de nous autres humains. Ce modèle est par ailleurs translucide et présente un développement externe – deux avantages non-négligeables pour observer les phénomènes qui se jouent. Ces observations sont ensuite couplées à des analyses sur cellules humaines.Mieux comprendre les impacts de variations génétiques qui interviennent dans cette phase de neurodéveloppement est donc crucial, car ces lésions peuvent par ricochet impacter d’autres organes du corps, entraînant dès lors des troubles collatéraux pouvant affecter la qualité de vie des personnes concernées. Prévenir les conditions incommodantes qui altèrent la qualité de viePlus la précision des connaissances concernant les mécanismes altérés au cours du neurodéveloppement sera importante, plus on sera en mesure de soigner des pathologies associées. En effet, les TSA vont souvent de pair avec des comorbidités, notamment l’épilepsie, des problèmes de sommeil ou des déficits de la fonction motrice. Les problèmes gastro-intestinaux sont également très fréquents (7 enfants sur 10 présentant des traits autistiques en souffrent).Quel est donc le lien entre TSA et problèmes gastro-intestinaux ? En plus du système nerveux central, notre chercheuse étudie le système nerveux entérique, c’est-à-dire les centaines de millions de neurones logés dans notre ventre, tout le long de notre tube digestif. Cerveau et ventre communiquent, et ce dès le début du développement : depuis ce qui constituera la future moelle épinière, les cellules immatures vont recevoir l’instruction de migrer soit vers l’intestin et devenir des neurones entériques, soit vers le cerveau pour devenir des neurones du futur cortex cérébral.Neurones (colorés en vert et rouge) tapissant la paroi de l’intestin d’un poisson zèbre. ©Christelle GolzioOr, figurez-vous que ce sont les neurones intestinaux qui permettent la contraction de la paroi intestinale, permettant de faire avancer le bol alimentaire. Une anomalie génétique, ayant engendré un mauvais destin cellulaire de ces neurones lors du développement, explique donc qu’un enfant souffre de maux de ventre ou rencontre des problèmes de transit.Le raisonnement est le même concernant certains gènes associés à des traits autistiques et qui perturbent cette fois le système immunitaire : les cellules gardiennes de l’intestin sont moins nombreuses, donc les pathogènes s’y introduisent en plus grand nombre et chamboulent l’équilibre du microbiote, entraînant une inflammation chronique de l’intestin.Nous en revenons donc à l’importance d’identifier les conséquences d’altérations de certains gènes spécifiques, pour prévenir au mieux les désagréments qu’ils causeront et proposer des traitements qui existent par ailleurs. Qu’il s’agisse de problèmes intestinaux ou des autres comorbidités évoquées, le seul objectif est d’améliorer la qualité de vie des personnes concernées : soigner des désagréments dont se plaignent des personnes présentant un TSA, oui – gommer les particularités de ces mêmes personnes, certainement pas !