Trouble de stress post-traumatique : un apriori plus négatif sur les situations imaginées

Les personnes atteintes de trouble de stress post-traumatique (TSPT) évaluent plus négativement que les autres des situations supposément neutres ou plaisantes, aussi bien lorsqu’elles les vivent réellement que lorsqu’elles s’y projettent. Jusque-là, ce type de biais négatif n’avait été montré que dans le cadre de situations vécues. Ce travail, réalisé par une équipe Inserm, met en lumière les difficultés affectives des personnes touchées par un TSPT et pourrait, à terme, contribuer à l’évaluation des prises en charge thérapeutiques.

Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un trouble psychiatrique. Il peut apparaître à la suite d’une exposition directe ou indirecte à un événement potentiellement traumatique qui implique la mort, une menace de mort, des blessures graves, ou encore des violences sexuelles. Il se manifeste par différents symptômes : le fait de revivre involontairement la scène traumatique au moindre bruit, à la moindre image ou circonstance qui évoque ces souvenirs, une tendance à éviter les situations ou les pensées associées au traumatisme, des altérations de l’humeur et des émotions négatives persistantes, une hypervigilance ou encore des réactions de sursaut exagérées. Ces différents symptômes reflètent de profondes perturbations du traitement des émotions par le cerveau.

Expérience de prédiction

Il a déjà été montré que les personnes atteintes de TSPT ont tendance à apprécier les situations qu’elles rencontrent de manière plus négative qu’elles ne le devraient. En effet, leur cerveau intègre fortement les signaux— images, sons, odeurs —présents lors du traumatisme, qui peuvent ensuite être perçus comme une menace dans d’autres contextes, même en l’absence de danger réel. Avec le temps, la peur se généralise même à d’autres stimuli, ce qui contribuerait à une tendance persistante à percevoir le monde environnant sous un angle plus négatif. « Ce biais est bien documenté face à des situations vécues, mais nous ignorions si c’était le cas lors de projections, à savoir lorsqu’on anticipe un événement futur, explique Fabien D’Hondt, chercheur au centre de recherche Lille neuroscience et cognition. Or cela a beaucoup d’importance car la prédiction des réponses émotionnelles à des événements futurs guide les comportements ultérieurs. Ainsi, ne pas anticiper pleinement le plaisir potentiel d’un événement positif, ou prévoir qu’une situation banale sera anxiogène, pourrait favoriser des comportements d’évitement et contribuer à l’isolement social constaté chez les patients. »

Quarante-cinq scénarios

Pour apporter des réponses, son équipe a comparé les émotions prédites par des volontaires face à un événement à venir, à celles qu’ils ont réellement ressenties en vivant ensuite ce même événement, dans des conditions contrôlées en laboratoire. Les chercheurs ont inclus dans leur étude des patients qui présentaient un TSPT et des personnes sans TSPT. Dans un premier temps, les participants devaient imaginer ce qu’ils ressentiraient s’ils étaient confrontés à une situation décrite. Au total, 45 scénarios ont été testés : un tiers plaisant, un tiers neutre et un tiers déplaisant. Des échelles permettaient aux volontaires d’évaluer le caractère plus ou moins agréable (valence) de la situation et l’intensité des émotions ressenties. Parallèlement, leur rythme cardiaque et des mesures électrodermales (mesure de la conductance électrique de la peau qui dépend de la production de sueur en réponse à des événements extérieurs) étaient enregistrés, ces deux paramètres étant respectivement associés à la valence et à l’intensité des émotions. Dans un second temps, les volontaires portaient un casque de réalité virtuelle et « vivaient » ces mêmes scénarios. De nouveau, ils ont décrit leurs émotions à l’aide des mêmes échelles et se sont soumis aux enregistrements cardiaques et électrodermaux.

Décorrélation corps-esprit

À l’issue de cette expérience, les chercheurs observent que les personnes atteintes de TSPT évaluent toujours plus négativement les scénarios plaisants et neutres que les individus non atteints par ce trouble, aussi bien lorsque les situations testées sont anticipées ou vécues. « Ces résultats sont cohérents avec la tendance de ces personnes à envisager leur environnement de manière plus négative et à éprouver des difficultés à ressentir pleinement des émotions positives », clarifie Fabien D’Hondt. En outre, les auteurs ont constaté un décalage entre l’intensité rapportée des émotions, anticipées ou vécues, et les enregistrements électrodermaux. « Ces derniers montrent une réponse physiologique plus forte que ce que les patients disent ressentir. Cette décorrélation entre ce que le corps exprime et ce que la personne perçoit mérite d’être davantage explorée », précise le chercheur.

Si ce travail original ne permet pas encore d’améliorer l’accompagnement des patients, il contribue à montrer l’importance des difficultés affectives, qui concernent à la fois l’expérience et la projection vers le futur. « Notre étude invite à poursuivre l’exploration des processus qui sous-tendent ces biais affectifs du TSPT. En outre, leur mesure lors de projections, pourrait s’avérer utile pour l’évaluation de l’efficacité des interventions thérapeutiques », estime le chercheur.


Fabien D’Hondt est coresponsable de l’équipe Interactions au centre de recherche Lille neuroscience et cognition (unité 1172 Inserm/Université de Lille/CHU de Lille).


Source : L. Loisel-Fleuriot et coll. An exploratory study of emotional forecasting and experience disparities in PTSD : insights from a virtual reality paradigm. Eur J Psychotraumatol, 25 août 2025 ; doi : 10.1080/20008066.2025.2524289

Autrice : A. R.

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